Epilogue

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Le sourire aux lèvres et les doigts tapotant en rythme sur le volant, je parcours la route mythique perdue aux portes de Monument Valley. Au loin, les formes géologiques qui ont fait la renommée du site se dessinent peu à peu, floutées par la chaleur émanant de l'asphalte. On ne doit pas être loin des cinquante degrés à l'extérieur, ce qui n'a rien d'étonnant quand on roule dans le désert. Ici, la nature est sauvage, presque autant que la belle rousse qui se tient à mes côtés. Avianna chante avec beaucoup d'entrain la chanson principale de mon tout premier album qui passe à la radio. Je crois que je ne m'habituerai jamais à entendre Black Eyes passer à sur ce canal très écouté dans le pays, ni à ce que celle qui partage ma vie l'apprécie à ce point.

Les mains posées sur le volant, je ne peux pas faire semblant de jouer de la guitare comme elle le fait. Son imitation de mon solo endiablé pourrait faire pâlir les plus grands guitaristes de notre génération. La voir ainsi est tout aussi beau que le paysage de carte postale que nous traversons. Parcourir ces grands espaces avec Avianna, au son de ma musique, il n'y a rien au monde qui pourrait me rendre plus heureux.

— On dirait une vraie rock star, rigolé-je.

— Je suis meilleure que toi ?

— Ça ne fait aucun doute. Mais à ce rythme là, tu ne tiendrais qu'un concert.

— Tu me penses si faible ?

— C'est toi qui as dormi presque douze heures après le dernier concert.

— C'était mon tout premier alors j'étais excitée ! se défend-elle. Je n'en ai pas encore l'habitude comme toi.

— Je ne crois pas qu'on puisse s'y habituer un jour.

— Tu dis ça parce que c'est tout récent, dans quelques années tu n'auras pas le même discours.

— Il faut déjà que cette première tournée marche, sinon je n'irai pas très loin.

— Ton album a été un succès, et avec tes vieux amis de fac en musiciens, elle sera incroyable.

— C'est vrai, concédé-je, excité que l'on soit enfin tous réuni sur scène.

Cela va faire six mois que nous n'avons pas joué tous les cinq, j'ai l'impression que la dernière fois était il y a une éternité. Tout s'est enchaîné à une vitesse fulgurante le jour où je me suis envolé pour New York. J'ai signé mon contrat avec le label de mes rêves qui, comble de l'ironie, m'avait recalé à leur concours dont je n'avais jamais eu de retour. Le directeur m'a avoué ne pas avoir retenu ma démo car il la trouvait trop triste, trop sombre, et que les gens ne voulaient pas écouter les peines d'un jeune homme quittant l'adolescence. Le plus fou dans tout ça, c'est que j'étais d'accord avec lui. Quand j'ai composé la chanson que j'avais envoyé, je broyais du noir en repensant à tout ce que j'avais subi à l'école. Mon physique différent était le centre de tout. C'est en allant à l'université que je me suis recentré sur les relations humaines et que j'ai pu produire une musique plus joyeuse parce que j'étais moi-même beaucoup mieux.

Aujourd'hui, j'ai sorti un album dont trois des quinze titres passent en boucle sur toutes les radios et chaînes musicales du monde entier. Rien que ce matin, j'ai découvert que mon clip était diffusé sur les écrans géants de Tokyo, c'est dingue. Le succès a été fulgurant, ce qui n'a pas rassuré Avianna. Elle contrôlait tout, au point d'en devenir étouffante. Notre histoire a bien failli s'arrêter prématurément à cause de son comportement excessif. Heureusement, elle a fini par réaliser que je n'étais pas comme sa sœur. Ce n'est pas parce qu'une personne commet une terrible erreur que ce même schéma se répètera avec les autres. C'est difficile à accepter, il faut du temps et je lui en ai laissé, mais c'est nécessaire.

— Ils sont déjà arrivés ? demandé-je à Avianna alors qu'elle pianote sur son téléphone.

— Juan me dit de bouger nos culs, donc je pense que oui.

— Toujours aussi poli.

— Il t'a manqué, avoue-le, me nargue-t-elle en déposant un baiser sur ma joue.

— Possible, marmonné-je un sourire en coin.

La nuit est tombée lorsque nous arrivons à destination, dans un petit camping perdu aux portes du parc national de Canyonlands. Nous retrouvons nos amis autour d'un barbecue qui n'attendait plus que nous. L'odeur des saucisses grillées réveille mon ventre, ce qui n'échappe pas à Grant, le chef cuisinier de la soirée. Il me tend une assiette contenant un hot-dog des plus appétissant.

— Content de te retrouver, Shawn, me sourit-il. Dépêche-toi de le manger avant que Juan vienne te le voler.

— J'ai entendu, ronchonne l'intéressé. Et je n'aime pas du tout l'image que tu me donnes, Grant. Si je veux, je peux vous planter là et partir avec le camping-car.

— Tu es trop mignon quand tu nous menaces, s'amuse Avianna en lui tirant les joues.

Je ris face à leurs chamailleries enfantines qui m'ont manqué, et pars m'installer autour de la table à pique-nique. Entouré par ceux qui comptent le plus dans ma vie, je me sens bien. Ils sont une seconde famille dont je ne pourrais définitivement pas me passer. Chacun fait partie de moi, j'ai besoin d'eux pour rayonner. Si le ciel est si beau, c'est parce qu'une multitude d'étoiles le décor. Qu'elle soit mal lunée comme Juan, douce comme Karlie, protectrice comme Grant, audacieuse comme Avianna ou sensible comme moi, chacune a sa place. Ensemble, nous allons éclairer le monde par notre musique. 

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Et voilà, A fleur de peau est enfin terminé. Ces derniers chapitres ont été longs à sortir et je m'en excuse encore, je n'avais vraiment plus d'inspiration. Je dois admettre que je ne suis pas hyper fière de ces derniers écrits, mais je ne pouvais pas vous laisser sans véritable fin alors ils seront bien retravaillés lors de la réécriture.

Je vous remercie d'avoir pris le temps de lire, commenter et voter sur cette histoire. Grâce à votre soutien j'ai essayé de sortir de meilleurs chapitres et cela a payé puisque cette histoire a remporté plusieurs prix. 

A fleur de peau [SM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant