Tout mon amour

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Après cinq années passées à l'Ecole des Pages, Etienne et Guillaume arrivèrent au bout de leur formation. Désormais chevaliers de la Garde Royale, ils allaient rentrer chez eux et se quitter.

Ils préparaient leurs bagages silencieusement, des larmes éloquentes roulant sur leurs joues. En quatre ans, jamais ils n'avaient cessé de s'aimer. Ils s'étaient donné tout leur amour, toute leur passion, sans que jamais ceux-ci ne se tarissent. Et ils savaient, du haut de leurs vingt ans, qu'ils n'aimeraient jamais quelqu'un d'autre si fort.

Après avoir fini ses paquets, Guillaume, ne tenant plus, se recroquevilla contre le lit en sanglotant. Il regardait l'alliance que lui avait offert Etienne un an plus tôt. En or massif avec un émeraude vert sur le dessus, la bague portait à l'intérieur une mention cachée :

« Ne m'oublie jamais. »

Guillaume avait alors regardé l'objet sans comprendre, sans pouvoir arrêter de sourire non plus. Il était heureux, et dans l'incompréhension totale.

-Mais toi et moi, on ne peut pas se marier, avait-il alors annoncé, en gardant l'alliance précieusement.

-Un mariage n'a besoin d'être vrai que pour nous deux, mon amour. Quelle importance a le reste ?

Guillaume avait alors foncé chez le bijoutier pour acheter la plus belle bague qu'il pourrait trouver. Il s'agissait d'une bague en or blanc ornée de rubis de petite taille dont la sobriété allait très bien avec le tempérament d'Etienne.

Puis, ils s'étaient marié officieusement, au bord du lac qui avait tout déclenché. Et, les larmes roulant sur leurs joues, pleurant leur amour sans bornes et sans avenir, ils s'étaient promis de s'aimer, de se chérir, de s'honorer, jusque dans la mort. Puis ils avaient ri, et s'étaient embrassé.

-Ça va aller, mon amour.

Etienne se tenait en face de lui, ayant croisé ses mains dans les siennes. Il pleurait également à chaudes larmes.

-Je ne peux pas vivre sans toi, Etienne, je t'aime trop.

-Mais si, on va y arriver. Et on va réussir à continuer de se voir, j'en suis sûr. Peut-être moins souvent, mais je te promets qu'on trouvera une solution.

Il continuait à sourire à travers ses larmes, toujours plein d'espoir. Guillaume se sentit gagné par sa chaleur, entouré par sa lumière, et il voulait continuer à vivre pour lui, parce qu'il lui avait promis que ça irait.

-C'est toi, l'amour de ma vie, Guillaume, et je serai prêt à braver des montagnes pour toi. Je t'aime plus que moi-même, plus que ma propre vie. Tu comprends ?

-Oui. Je comprends... Je t'aime. Je t'aimerai toujours.

Les larmes les étranglaient tant elles étaient nombreuses. Ils discernaient chacun difficilement les contours du visage de l'autre à travers leurs pleurs. Ils auraient voulu rester là pour l'éternité, mais le temps pressait et ils durent se rendre dans la cour pour prendre leur fiacre respectif.

Ils s'enlacèrent de longues minutes une fois dans la cour, les larmes échappant toujours de leurs yeux, essayant de respirer l'odeur de l'autre le plus possible, de s'enlacer le plus fort possible, d'écouter leurs sanglots, pour ne jamais s'oublier, pour garder à jamais la sensation de l'autre contre soi. Et une fois détaché, ils réalisèrent que tout cela ne servait à rien, l'autre leur manquant déjà. Ils gagnèrent leur fiacre, laissant derrière eux les plus belles années de leur vie, entreprenant un long voyage pour rentrer chez eux, et imaginant, les yeux fermés, l'autre, toujours présent à leurs côtés.

Envol - L'Ecole des Pages |Tome 2 |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant