Chapitre 7

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L'adolescent s'arrête de parler. L'homme soupire de frustration, mais il ne le remarque pas. Il est plongé dans ses souvenirs.
Le jeune garçon mord nerveusement ses lèvres.

- C'est ça l'irréparable ? demande l'homme sur un ton sceptique.

Le jeune garçon lève les yeux et le regarde.

- À ce moment-là, la machine était déjà en marche et personne ne pouvait l'arrêter.

- On va y passer la nuit si tu continues comme ça, remarque l'homme.

L'adolescent le regarde, mais ne dit rien. Il arbore toujours une expression choquée et le désespoir peut se lire dans ses grands yeux. Ils se regardent plusieurs minutes et l'homme bouge sur sa chaise. Pour la première fois de sa carrière, il est mal à l'aise et aimerait être ailleurs qu'ici. Le garçon cligne plusieurs fois des yeux, comme pour revenir au moment présent.

- C'est trop dur, murmure-t-il.

- Tu es déjà allé si loin dans ton récit. Ne t'arrête pas maintenant, dit l'homme plus doucement.

Le garçon ressent une petite douleur sur la main. Il la regarde et voit que, sans s'en rendre compte, il s'est gratté à sang pendant qu'il parlait. Son propre sang se mélange à celui qui a séché sur ses mains. Sous ses ongles, il y a maintenant leurs sangs ensemble. Une larme coule le long de sa joue.
Son corps est parcouru de frissons. Il croise fermement ses doigts glacés pour s'empêcher de continuer de gratter et pour réduire le tremblement de ses mains.

L'homme sort de la pièce sans rien dire. L'adolescent regarde la porte qui vient de se fermer, surpris. Il soupire.
Il est de nouveau seul. Le silence de la pièce devient assourdissant, rempli de voix qu'il ne veut pas entendre. Les murs sont éclaboussés par les images que lui renvoie son cerveau. Il a beau fermer les yeux, ces visions sont toujours là, impitoyables.

Le jeune garçon craque. Il sanglote silencieusement et s'allonge sur le sol. Il ramène les jambes contre son torse. Le sol froid sur son visage le fait encore plus frissonner, mais ça n'a pas d'importance.
Il est épuisé physiquement et emotionnellement, mais il ne dort pas. Ça fait des jours qu'il ne dort plus.

Il reste allongé, les yeux ouverts, le regard perdu dans le vide, le corps secoué de tremblements. Il a mal. Partout. Il ne sait pas combien de temps il reste sur le sol dans cette position.
L'homme finit par revenir. Il s'avance lentement vers lui. Le jeune garçon ne bouge pas. Il le regarde s'asseoir sur le sol contre l'autre mur, laissant suffisamment de distance entre eux. Puis, il lui tend une fine couverture. L'adolescent ne fait pas un geste. Alors, il se penche pour la poser sur lui.

- Je pensais que tout avait commencé à ce moment-là, mais j'avais tort, murmure le garçon. Et pourtant...

×××××××

Jungkook fait les cent pas dans la salle d'attente. Elle est petite. À peine a-t-il fait dix pas qu'il arrive déjà au mur d'en face et recommence à marcher dans l'autre direction. Les personnes qui étaient là ont déjà été prises en charge par l'autre vétérinaire et ils se retrouvent seuls.
Le vétérinaire leur a demandé d'attendre pendant qu'il examine le chiot et lui fait passer des examens.

Il est angoissé et furieux. Il est convaincu que l'empoisonnement du chiot a un lien avec les mauvaises blagues qu'on lui fait. Il ne croit pas à cette histoire de chiot trop collant. Il a déjà croisé des lycéens dans le parc, mais il n'y croit pas. Il ne sait plus. Il devient fou. Il en a marre d'attendre. Il sera responsable de sa mort.

Dans un sens, il se dit qu'il mérite le mauvais traitement qu'il reçoit des autres. Il n'a jamais été amical, il ne s'est jamais mélangé aux autres et il a eu des pensées...dérangeantes envers Taehyung. En revanche, le chiot est innocent. Il n'y a pas de justice.
Il est perdu. Il ne devrait pas ressentir ce qu'il ressent pour Taehyung, il ne devrait pas se laisser faire, il ne devrait pas obéir à tout le monde et à la société coréenne. Ce qu'il se passe en ce moment ébranle ses croyances et l'éducation qu'il a reçue.
Il pense à son frère qui a subi le harcèlement scolaire. Jungkook n'a jamais clairement saisi la situation. C'est un sujet tabou dans leur famille. Son frère a toujours minimisé ce qui lui était arrivé. Ses parents n'en ont jamais parlé. Il leur en veut pour ça.

Le Bonheur À Portée De MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant