— Combien ? Combien ont survécu ?
Talyon se raidit, mais il ne cilla pas face au ton glacial de Jarle. Debout dans le salon royal, face à ses deux interlocuteurs, Talyon sentait le caractère impétueux contenu à grand peine par son monarque. Il était revenu entouré d'une poignée de ses hommes pour faire parvenir les dernières nouvelles au monarque, qui n'étaient pas aussi positives qu'escomptées. Malgré la fatigue induite par ces deux longues semaines de chevauchée, dénuées de sommeil, le commandant restait alerte. Il devait faire passer cet échec pour un simple contretemps. L'heure n'était pas aux palabres, ni au doute.
— D'après nos estimations, ils ne sont pas plus d'une trentaine, tempéra-t-il. Nous en avons éliminé une majorité, Altesse.
— Ce n'est pas suffisant, désapprouva le baron Lorek d'une voie placide. Si les têtes pensantes n'ont pas été écartées, nous n'aurons pas la paix.
— Les survivants se sont dirigés vers le désert Almari. Le peu qui parviendra à le traverser arrivera dans ce royaume souffrant de disette, baron. Vos inquiétudes me semblent excessives.
— Tu oublies ta place, Talyon. Lorek n'a pas tort. Tant qu'ils vivront, le risque demeurera.
Talyon s'inclina légèrement.
— Mes excuses, Altesse. Je ne les sous-estime pas pour autant. J'ai laissé quelques escadrons aux frontières, mais je doute qu'ils aient les ressources pour revenir nous menacer.
— Cela nous laisse donc quelques temps de répit. Mais un autre risque est encore présent. Tu devais me ramener ma nièce, et je ne la vois pourtant pas.
L'assurance de Talyon se fendilla une fraction de seconde sous le regard perçant de Jarle, mais il reprit contenance.
— Elle ne fait pas partie des victimes. Nous ne savons pas si elle était présente au refuge.
— Penses-tu néanmoins qu'elle pourrait se retrouver parmi les rescapés en direction d'Almar ?
— C'est possible, estima Talyon. Mais il faudrait qu'elle survive à la traversée et aux périls qui les guetteront.
— Je ne me baserai pas sur des suppositions. Je vais rédiger une missive pour Mahakrin. Tu enverras un messager la lui porter. Il aura ordre d'arrêter des possibles rebelles et conspirateurs Irlondoriens, en provenance du désert.
— N'aurions-nous pas l'air affaiblis, à demander l'aide d'Almar ? interrogea le baron. Nous pourrions offrir quelque chose en retour. Des vivres pour nourrir sa population dépérissante, par exemple. Il ne refusera pas.
— Qu'il en soit ainsi, approuva Jarle.
— Mon messager partira aussitôt la lettre achevée, Altesse, assura Talyon.
— Dernière chose. Suite aux embuscades récurrentes tendues par les mages, et à leur infiltration au château, le baron Lorek a trouvé une solution. Les convois n'amèneront à Oriem plus que des mages mineurs. Les plus puissants doivent être neutralisés au plus tôt. Lorek a proposé que son disciple se charge de cette tâche. Un de tes hommes l'accompagnera dans chaque camp. Qu'il se tienne prêt à partir.
— Bien, Majesté.
D'un signe de la main, Jarle lui donna congé. Le commandant s'inclina, sans un geste envers le baron. Il désapprouvait de plus en plus l'influence de celui-ci sur son monarque, mais il ne pouvait prendre le risque de le défier ouvertement. Il avait déjà laissé échapper une remarque désobligeante. Cela ne lui serait pas pardonné une deuxième fois.
Il repensa aux derniers ordres de Jarle. Il ne douta pas un instant de l'homme qu'il enverrait aux côtés du protégé du baron. Ce n'était pas qu'une question de confiance. Talyon connaissait son ambition, et savait que Nataniel s'acquitterait de sa tâche avec brio, dans le but de monter les échelons de la Timor. Et, s'il le pouvait, il en profiterait pour interroger subtilement l'apprenti de Lorek.
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L'Héritage d'Irlondor
FantasyLe royaume d'Irlondor, après une paix précaire, sombra à nouveau dans la violence et le sang. Survivant au coup d'État fomenté par son oncle, la princesse Miana, âgée de sept ans, est forcée de fuir. Recueillie dans un village du sud, elle se recons...