La pluie tombait dru sur Bakun, le village près duquel été installés les baraquements d'un bataillon de la Timor. Les tintements de lames, cris et halètements couvraient les clapotis, emplissaient l'espace et l'atmosphère angoissante.
Nataniel scruta la vingtaine de recrues qui l'entouraient. Des hommes, pour la plupart de son âge. Certains avaient l'air assuré, d'autres tremblaient, le regard baissé. Certains étaient volontaires, d'autres enrôlés de force, comme lui.
Il notifia des armes luxueuses que de jeunes hommes portaient : ils étaient sûrement les derniers-nés de grandes fratries bourgeoises, cherchant à faire carrière dans l'armée. Pas de futurs frères d'armes, mais des adversaires. Tous. Il dissimula sa main mutilée, dans l'espoir qu'elle soit découverte au plus tard par ses opposants.
Quelques mètres plus loin, un combat s'arrêta alors qu'un homme tombait au sol, le visage en sang. Les duels permettaient de déterminer les capacités de chaque recrue, pour organiser différents groupes. Les hommes sachant se battre formeraient de nouvelles troupes, ou en renforceraient. Quant aux autres, ils suivraient une formation basique. Il était évident que bon nombre de jeunes hommes n'avaient jamais manié une arme de leur vie, qu'ils avaient passée aux champs, ou dans d'autres travaux de labeur.
Le lieutenant passa devant le groupe, afin de choisir les deux prochains combattants. Son regard acéré balaya chaque homme, comme s'il parvenait à dénicher la moindre de leur faiblesse. Il s'arrêta devant Nataniel.
— Toi. Quel est ton nom ?
— Nataniel.
— Arrêté pour quel motif ? demanda le Timorien en désignant la marque sur sa nuque.
— J'ai rompu un couvre-feu.
— Un métier ?
— Forgeron.
— Tu sais combattre ?
— Oui.
— On va voir ça.
Le lieutenant choisit un des jeunes bourgeois que Nataniel avait déjà repérés. Un Timorien s'avança pour donner une épée émoussée aux deux recrues. Alors que Nataniel s'emparait de la sienne, le lieutenant avisa sa main mutilée, rictus aux lèvres.
— Un rebelle estropié face à un nobliau. Intéressant.
Nataniel se força à ne pas répliquer. Il soupesa l'arme, et ne put réprimer une grimace en constatant qu'elle serait trop lourde pour sa seule main. Il devrait gagner au plus vite avant d'épuiser son bras valide.
Il se plaça face à son adversaire, auquel il eut aussitôt envie de faire ravaler son air fier et dédaigneux. Le compte à rebours n'était pas terminé qu'il se lança vers le jeune homme et porta une attaque sur son flanc gauche, parée maladroitement sous la surprise.
Tu fais moins le fier ! Tes maîtres d'armes ne t'ont pas renseigné sur les vrais combats, ceux où aucune règle ne prédomine.
Encouragé par le sursaut de peur qu'il avait vu poindre, Nataniel enchaîna les offensives, sans économiser sa force, qu'il savait inférieure sur le long-terme. Cependant, son adversaire parait chacune de ses attaques, gagnant en assurance au fil du combat. La tendance s'inversait. Nataniel sentait l'arme commencer à peser lourd dans son bras gauche. Le jeune homme s'enhardit et profita de la fatigue qui planait sur lui pour prendre l'initiative. Nataniel esquiva le premier coup d'une parade, mais sut qu'il ne pourrait faire de même avec le suivant. Il évita la lame qui plongeait droit vers son épaule en se jetant au sol. Avant que son adversaire puisse protéger ses jambes, il frappa le genou de son opposant, qui cria sous la douleur et perdit l'équilibre. Rasséréné, Nataniel bondit sur lui. Tous deux roulèrent dans la boue. Nataniel prit le dessus et, d'un coup de poing sec, lui brisa le nez. Il se releva ensuite, essoufflé, les vêtements tâchés de sang, mais ne put se garder de décocher un regard arrogant vers le lieutenant.
VOUS LISEZ
L'Héritage d'Irlondor
FantasíaLe royaume d'Irlondor, après une paix précaire, sombra à nouveau dans la violence et le sang. Survivant au coup d'État fomenté par son oncle, la princesse Miana, âgée de sept ans, est forcée de fuir. Recueillie dans un village du sud, elle se recons...