Alors qu'ils rentraient dans la grotte, Mia aperçut des mages s'apprêtant à emprunter le passage des deux chênes. Elle reconnut Pierrick et Aldwin. Sur le l'avant-bras de ce dernier se tenait un aigle, au plumage brun. Mia avisa les serres du rapace, dont une portait un parchemin.
— Ne craigniez-vous pas que vos messages soient interceptés ?
— C'est notre moyen de communication le plus fiable avec un non-mage. Nous pouvons exercer notre magie sur les animaux, pour nous assurer qu'ils atteindront leur destinataire. Dans le cas contraire, nous veillons à ce que le message soit détruit.
— Et entre mages ?
— Nous avons un lien par l'esprit. Il ne sert pas qu'au contrôle. Tu apprendras cela au moment voulu.
Le sous-entendu était clair. Mia savait que les mages n'avaient pas encore une pleine confiance envers elle, et tant que cela durerait, de nombreuses pratiques lui seraient dissimulées.
— Le Conseil a été tenu informé de tes progrès, et a décidé de te donner plus de liberté dans Adylis, annonça Elihan, pour changer de sujet. Ewann te fera visiter et te présentera nos activités et notre communauté.
Ainsi, Mia se retrouva à travailler dans un large potager qui permettait de produire une grande partie de la nourriture du refuge. Le tour de la grotte lui avait confirmé sa première impression : malgré l'organisation et le travail des mages, leur précarité était évidente. La voûte était renforcée magiquement, mais durant les pluies violentes, l'étanchéité était mise à rude épreuve. La quinzaine de chambres situées à l'étage ne disposait que d'un tas de paille en guise de lit, et de meubles rudimentaires. Les mages prenaient leurs repas en commun, au fond de la grotte, non loin de la salle du Conseil. Lors de son arrivée, Mia n'avait eu d'yeux que pour les mages qui s'y trouvaient, mais son intérêt se portait désormais sur les volumes entreposés. Sa curiosité avait été vite réfrénée par Ewann, qui lui indiqua que la porte ne s'ouvrait que pour les membres du Conseil ou ceux autorisés.
Bêchant la terre sous un soleil de plomb, Mia échafaudait divers plans pour accéder à la salle, mais aucun n'était satisfaisant. Elle avait remarqué les allées et venues de mages gardant le domaine, qui faisaient leur ronde autour de la grotte. Par l'extérieur, elle serait forcément repérée. Elle finit par écarter cette pensée. Peut-être qu'Ewann pourrait répondre à certaines de ses questions.
— Je m'attendais à trouver plus de mages, ici, fit-elle remarquer.
— Nous sommes en réalité une centaine. Ceux qui restent à Adylis sont les vieillards, les enfants, et les parents pour s'en occuper. Sans compter les gardes, qui veillent exclusivement sur le domaine. Chacun a un rôle : les adultes qui le peuvent font les récoltes, veillent à l'entretien de la grotte, et les parents se chargent de l'enseignement des enfants.
— Tes parents t'ont aussi enseigné ?
— Mon père s'en est chargé jusqu'à mes douze ans. Il fut ensuite blessé grièvement lors d'affrontements. Jarle venait de s'emparer du trône, et notre traque débuta. Nous avons erré, avant de rencontrer un groupe de mages qui nous a accueillis. Mais une de ses plaies s'est infectée et, malgré les soins apportés, il n'a pas survécu. Elihan m'a alors pris sous son aile.
Il s'exprimait de manière détachée, mais Mia sentit la douleur sous-jacente à ses mots. Peut-être car elle-même ressentait une souffrance similaire à la simple évocation de son père, malgré dix longues années.
— Et ta mère ? demanda-t-elle timidement.
— Une fille de joie d'un village nordique, répondit Ewann, le regard lointain. Une non-mage. Ma magie a certainement dû me faire résister aux décoctions abortives. Même si nous étions en temps de paix, une relation avec un mage était mal vue et alimentait les ragots. Mon père m'a pris avec lui, et nous sommes partis. Je ne l'ai jamais revue.
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L'Héritage d'Irlondor
FantasiLe royaume d'Irlondor, après une paix précaire, sombra à nouveau dans la violence et le sang. Survivant au coup d'État fomenté par son oncle, la princesse Miana, âgée de sept ans, est forcée de fuir. Recueillie dans un village du sud, elle se recons...