Il fallut deux semaines à cheval pour qu'Aldwin et Lénor rejoignent les terres du baron Osberd. Habitués aux trajets périlleux dans le royaume, ils furent cependant forcés de remarquer les garnisons pullulantes de la Timor. Aldwin, en son for intérieur, ne put que se féliciter de leur décision d'envoyer des mages pour les réduire. Il étouffa bien vite l'étincelle de culpabilité à la suite de cette pensée. Lui qui avait toujours prôné la paix, qui avait été émissaire lors des pourparlers avant la Guerre Pourpre, envisageait l'assassinat comme une méthode banale pour parvenir à ses fins ! Les chosent changent. C'était ce que lui répétait sans arrêt Khéryl, son frère défunt. Le temps des discussions s'étiolait, et ne demeurait que la nécessité d'une action fulgurante. L'unique moyen de survivre. Voilà que je pense comme Lénor !
Aldwin secoua la tête et observa sa compagne de route, dont le mutisme n'avait d'égal que la froideur. Il espérait qu'elle saurait garder son sang-froid durant la rencontre avec le baron. Certes, son soutien était indispensable, mais il ne s'obtiendrait qu'avec diplomatie et arguments pertinents ; les menaces n'auraient pas leur place.
Peu à peu, les remparts de Nodys se dessinèrent au loin. Que le voyage se soit déroulé sans anicroche atténua la tension constante. Aldwin enfouit sa main droite dans la poche de sa cape de voyage pour y sentir la lettre et le sauf-conduit envoyés le baron Osberd. Ils pourraient venir à sa rencontre et s'annoncer sans trop d'ennuis.
La baronnie était prospère, composée d'une grande part de champs et cultures qui s'exportaient ensuite dans l'ensemble d'Irlondor. Aldwin et Lénor se fondirent ainsi dans le flot de charrettes, attelages et commerçants, puis pénétrèrent l'enceinte fortifiée. Malgré tout, Lénor avait pris soin de dissimuler la longue cicatrice sur son visage en ramenant ses cheveux tressés contre sa joue. Son stigmate aurait plus attiré l'attention que sa peau noire, dans cette région cosmopolite.
Tous deux démontèrent et confièrent leurs montures à un palefrenier quand ils arrivèrent à la demeure du baron. En dépit de l'apparente méfiance des gardes à leur égard, le sceau sur les documents portés par Aldwin leur permit d'entrer. Ils furent introduits dans le salon, où ils patientèrent quelques minutes avant que le baron ne fasse son apparition. Osberd approchait les cinquante ans, comme en témoignaient ses cheveux striés de blanc, et les quelques rides sur son visage. Légèrement bedonnant, il présentait la vigueur d'un homme combattant dans ses années de jeunesse, et un regard tout aussi vif.
— Baron, le salua Aldwin.
Il nota avec un certain agacement que Lénor n'avait émis qu'un bref hochement de tête, mais le baron ne fit aucune remarque, bien que le geste ne lui eût certainement pas échappé.
— Je suis heureux de voir que vous avez pu rallier Nodys sans encombre, fit Osberd.
— Tout comme nous. Cette rencontre est primordiale, et pour cela, nous vous remercions de nous recevoir.
— Peut-être désiriez-vous vous reposer et vous restaurer, votre voyage fut long.
— Ce ne sera pas nécessaire, intervint Lénor. Nous sommes parfaitement disposés à entamer notre entrevue.
Le baron acquiesça, lui-aussi satisfait de pouvoir entrer dans le vif du sujet. Il s'assit dans son fauteuil et enjoignit les deux mages à l'imiter. Comprenant qu'il était temps d'exposer leur requête, Aldwin prit la parole.
— Comme vous vous en doutez après nos échanges écrits, nous sommes venus vous faire une proposition.
— Que j'appellerais plutôt demande.
Aldwin ne se laissa pas démonter, conscient que le baron disposait de l'ascendant sur eux, et qu'il ne servirait à rien de le nier.
— Pierrick, que vous avez côtoyé durant vos années en commun au service de feu Martian, est convaincu que nous pourrions, avec votre soutien, nous défaire du joug imposé par Jarle. Vous seriez alors libre de son immiscion armée sur votre territoire et de sa régence impitoyable sur les baronnies.
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L'Héritage d'Irlondor
FantasiaLe royaume d'Irlondor, après une paix précaire, sombra à nouveau dans la violence et le sang. Survivant au coup d'État fomenté par son oncle, la princesse Miana, âgée de sept ans, est forcée de fuir. Recueillie dans un village du sud, elle se recons...