Bouleversée, Mia réintégra son corps sans attendre. Le renégat lui faisait face. Lentement, il ramassa l'épée de son père et la lui tendit.
— Te souviens-tu de ce que je t'avais dit ? Tu tueras l'assassin de ton père de ta propre main. Je tiens mes promesses.
Mia referma ses doigts sur la garde de l'épée à s'en faire pâlir les jointures.
— Vois-tu la peur dans son regard ? Il pourrait te supplier, alors qu'il n'a eu de cesse de briser ta vie. Il va pouvoir se mouvoir à nouveau quand je romprai mon emprise. Ce sera à toi de le maîtriser.
Mia observa cet homme, qu'elle avait tant haï. Cet homme qui l'avait rendue orpheline, qui avait bouleversé sa vie à jamais. Plus jamais il ne lui ferait subir d'atrocités. Plus jamais son aura malfaisante ne prendrait la vie des mages.
— Maintenant.
Cette fois, Mia n'hésita pas. Elle laissa sa magie envahir le corps de son oncle, pour le priver de tout mouvement. Elle resta un instant en suspens, alors qu'elle prenait conscience du plein pouvoir qu'elle exerçait sur lui. Puis sa lame plongea vers le corps de Jarle. Droit vers sa poitrine, vers son cœur, vers sa vie. Un hurlement muet aurait voulu franchir ses lèvres, sans succès. Seule la détresse, bientôt suivie de la souffrance, se lut dans ses yeux, alors que la lame se frayait un chemin dans sa chair, sectionnant veines et artères. Un liquide vermeil s'échappa par rasade de la plaie béante, dévoilant son organe vital, dont les pulsations s'estompèrent peu à peu, comme les dernières notes d'une mélodie funeste.
Mia desserra son emprise. Mais Jarle ne bougea pas pour autant. Alors, elle réalisa que son corps s'était figé. À jamais. Ses yeux n'arboraient plus aucun éclat.
Mort. Mort. Mort.
Ce simple mot tournait en boucle, comme scandé par des milliers de voix dans son crâne. Une tempête d'émotions explosa en elle, mais elle atteignit son paroxysme quand une voix qu'elle pensait ne plus jamais entendre retentit. Mia se retourna et fit face à sa tante, Soraya. Elle n'eut pas le temps de l'observer, ni de lui parler. À la vue du cadavre de Jarle, les yeux de la jeune femme s'écarquillèrent. Les deux Timoriens qui l'avaient escortée, passée leur stupeur, se précipitèrent vers le baron et Mia, mais deux faisceaux de magie pure les projetèrent au sol.
Mia n'arrivait plus à penser. Elle avisa la jeune femme, et son ventre légèrement arrondi lui sauta aux yeux. Le mariage avait bien eu lieu. Soraya avait épousé Jarle. Elle portait son héritier. Avant que Mia ait pu réagir, un nouveau faisceau frappa la jeune femme à la poitrine. Elle s'effondra dans un cri, inconsciente.
— Non ! hurla Mia.
Elle se précipita aux côtés de Soraya, et ressentit un immense soulagement quand elle vit qu'elle respirait. Elle entendit les battements de son cœur en sondant magiquement son corps.
— Ne lui faites pas de mal, le supplia Mia. Elle n'a rien à voir avec Jarle !
— Elle est enceinte. Cet enfant sera une menace pour ton héritage. Tu dois la supprimer.
Mais la princesse d'Almar était de son sang et, bien plus que cela, elle avait fait preuve d'un grand courage en libérant les mages, au terme de son pacte avec Mia. Mia avait une dette envers elle.
— Les Révoltes ne se déroulent jamais sans dommages collatéraux, Miana. Fais-le.
— Non.
Mia se releva, déterminée. Elle se plaça entre le corps de Soraya et le renégat.
— Je t'ai rendu ton trône, tonna Lorek.
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L'Héritage d'Irlondor
FantasíaLe royaume d'Irlondor, après une paix précaire, sombra à nouveau dans la violence et le sang. Survivant au coup d'État fomenté par son oncle, la princesse Miana, âgée de sept ans, est forcée de fuir. Recueillie dans un village du sud, elle se recons...