Bien plus que la douleur martelant ses tempes, ce fut la souffrance diffuse dans ses bras qui fit reprendre connaissance à Mia. Elle étouffa un gémissement. Ses muscles semblaient être en feu, ses tendons prêts à se rompre, et ses épaules non loin de se disloquer sous l'effort. D'épais bracelets de métal avaient été fixés à ses poignets pour supporter le poids de son corps, suspendu au-dessus du sol par de lourdes chaînes.
Seule la pointe de ses pieds touchait le sol, une position qui lui fut impossible de tenir plus de quelques dizaines de minutes. Mais si elle relâchait ses appuis, la tension décuplait dans ses épaules, qui devaient supporter le poids de son propre corps.
Au fil des minutes, ses membres s'engourdirent, puis la douleur fusa. Ses muscles la tiraillaient, la brûlaient, la torturaient. Son corps suintant de sueur, elle ne pouvait s'empêcher de pousser des plaintes sourdes, dans un état de semi-conscience. Elle ne sentait presque plus ses bras, à part une brûlure lancinante qui les consumait. Ses poignets étaient eux-aussi meurtris par les chaînes, qui aggravaient les plaies déjà présentes. Des perles de sang tombaient sur le sol dans un bruit régulier, qui s'ajouta à la torture.
Elle devait à tout prix aller dans son esprit, afin d'échapper à la souffrance. Il lui fallut quelques tentatives avant d'y accéder. La lande sablonneuse, l'eau miroitante, le soleil réconfortant, apparurent. Mia se laissa tomber dans le sable qui, bien qu'il ne fut qu'illusion, sembla réchauffer son cœur, soulager son corps. Elle ferma les yeux, juste un instant. La tentation était trop forte, malgré le risque que son stratagème soit découvert.
Une voix résonna en elle, comme portée par mille échos. Mia réintégra brutalement son corps. Elle ouvrit les yeux et vit le baron devant elle. Il avait empoigné ses cheveux pour lui relever la tête et la regarder dans les yeux. Mia ne put retenir un gémissement quand la douleur s'infiltra de nouveau dans chaque parcelle de son corps.
— Pensais-tu que je ne comprendrais pas ? Croyais-tu pouvoir échapper à ta sanction ?
Il gifla sa captive, qui restait muette.
— Si ta souffrance est si forte, tu n'as qu'un mot à dire, et tout sera terminé. Sinon, tu l'affronteras sans te dérober.
Il se pencha à son oreille, dans un murmure presque compatissant.
— Un seul mot, et tout s'arrête. Penses-y.
Voyant que Mia gardait obstinément le silence, il secoua la tête.
— Hissez-là plus haut, ordonna-t-il à ses hommes.
Il quitta ensuite la pièce sans se retourner, sourd aux cris et gémissements qui résonnèrent dans la salle de torture dès son départ.
***
Mia tint bon un jour de plus. Ses épaules s'étaient déboîtées sous la traction nouvelle des chaînes, la faisant s'évanouir. À son réveil, la douleur était infinie. Elle ne contrôlait plus son corps, agité de tremblements, couvert de bile ou d'urine. Sa respiration était erratique sous les vagues successives de douleur. Elle étouffa des plaintes sourdes. Elle n'avait même pas la force de relever la tête. Les larmes abondaient de ses yeux et lui brouillaient la vue. Elle ne réfléchissait plus. Elle ne pensait plus. Elle flottait, alternant les phases de conscience ou de néant.
Malgré l'avertissement du baron, elle tenta de retourner dans son esprit. La plus infime seconde lui aurait procuré une pointe de réconfort parmi ce désert de douleur. Elle réussit à s'y rendre après maints échecs, tant elle était faible et incapable de se concentrer. Il lui avait fallu toute la volonté à laquelle elle s'accrochait, et le souvenir des conseils d'Elihan lors des leçons de contrôle, pour y parvenir.
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L'Héritage d'Irlondor
خيال (فانتازيا)Le royaume d'Irlondor, après une paix précaire, sombra à nouveau dans la violence et le sang. Survivant au coup d'État fomenté par son oncle, la princesse Miana, âgée de sept ans, est forcée de fuir. Recueillie dans un village du sud, elle se recons...