Chapitre 3 (1/2)

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Les claquements des sabots emplissaient sempiternellement la tête de Mia, même quand le véhicule s'immobilisait. Le nombre de jours passés, Mia n'était pas certaine de pouvoir l'estimer. Des toiles recouvraient la charrette, aussi n'avait-elle aucune indication sur leur localisation. Seul l'air, rafraîchi au fil du temps, témoignait de leur direction : ils se rendaient dans le nord d'Irlondor.

Un matin, Mia se réveilla en sursaut. Des éclats de voix se rapprochaient d'elle. Des bruits de lutte résonnèrent, suivis d'une plainte sourde. Peu après, un corps fut jeté dans la cage, puis le véhicule s'ébranla pour reprendre sa route. La victime des Timoriens roula sur le dos. L'homme devait avoir quelques années de plus que Mia. Ses cheveux bruns, noués en catogan, encadraient un visage pâle. Du sang s'écoulait de son arcade sourcilière fendue, mais ses yeux conservaient un air alerte quand il aperçut Mia.

— Leur chasse a été fructueuse, constata-t-il.

Avec un grognement de douleur, il se démena pour se redresser, tout en essayant d'endiguer le saignement.

— Comment t'ont-ils eue ? s'enquit-il.

— J'ai rompu un couvre-feu. Où nous emmènent-ils ? Pourquoi ne nous ont-ils pas simplement tués ? questionna Mia, décidée à en savoir plus sur leur sort.

— Tu n'auras qu'à leur poser la question. Peut-être qu'ils t'apprécieront plus que moi, mais je doute qu'ils portent quelconque mage dans leur cœur ! D'où viens-tu ?

— De Vorne, au Sud-Est.

— Il semble que cette région a été plus épargnée que le centre et le nord d'Irlondor. Aux alentours d'Oriem, les mages se terrent, des familles entières disparaissent.

— Que... Que leur arrive-t-il ?

— Aux mages, nous allons le découvrir. Quant à leur proches... Désolé, ajouta-t-il précipitamment en voyant l'expression horrifiée de Mia. Comme je l'ai dit, la situation est différente chez toi. Les Timoriens osent moins s'approcher de la frontière. Ils ne feront peut-être que les interroger, et...

— Le prochain qu'on entend parler ne finira pas le voyage.

La voix du capitaine avec claqué, d'une froideur menaçante.

— Je m'appelle Ewann, chuchota le mage, tellement bas que Mia dut tendre l'oreille pour l'entendre.

Mia.

Le dénommé Ewann acquiesça, puis tous deux se plongèrent dans le silence. Par la suite, les pensées de Mia errèrent, se tournant sans cesse vers Laria, Arthur et Nataniel. L'inquiétude la rongea, et des visions de sa famille mutilée la tourmentèrent sans discontinuer.

***

Des épées s'entrechoquent, témoins d'une bataille virulente. Les souffles frénétiques se font écho. Puis retentit un cri de douleur. Un autre, plus fort. Vient ensuite un moment d'accalmie. Trop succinct. Derechef brisé par un hurlement. Celui de la souffrance, de l'agonie, de la Mort qui s'approche, étend son aura, et s'empare d'un nouveau corps.

Mia se réveilla en sursaut, la respiration chaotique, le corps tremblant. Elle inspira profondément, vaine tentative pour réguler les battements de son cœur. Encore une fois, la mort de son père venait la hanter. Elle ne parvenait pas à échapper à ses cauchemars quotidiens. Toutes les nuits, depuis son départ, ses chimères avaient empli ses rêves. Toutes les nuits, elle se réveillait en sursaut. Toutes les nuits, elle sentait le regard interrogateur d'Ewann peser sur elle. Une rage sourde succéda à l'impuissance. Pourquoi ses souvenirs ne la laissaient-ils pas en paix ? La mort barbare de son père était la seule vision qu'elle avait de lui en mémoire. Les sons lui paraissaient de plus en plus réels, résonnaient encore dans sa tête. Était-ce un présage ? Se dirigeait-elle vers sa propre mort ?

L'Héritage d'IrlondorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant