Chapitre 19 (1/2)

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Elihan fixait un point dans le vide, hagard. Ils étaient enfin sortis du souterrain, et s'enfonçaient dans la forêt. Vers où ? Il n'en avait aucune idée. Il n'arrivait pas à réfléchir, à s'orienter. Il tourna la tête vers Mia. La jeune fille lui avait parlé. Mais il ne l'entendait pas. A présent que la fureur des combats était retombée, le contrecoup l'avait atteint plus fort qu'il ne l'aurait cru. Cette Purge avait été meurtrière. Les rescapés ne seraient pas plus d'une trentaine. Les autres n'étaient plus que des corps. Des cadavres. Éparpillés sur le sol d'Adylis, ils finiraient profanés par les Timoriens. Comme lors des Purges précédentes.

Il revoyait la silhouette menue d'une femme rousse. Elle arborait un sourire joyeux qui créait de petites fossettes sur son visage rond, encadré d'une chevelure flamboyante. À côté d'elle se trouvait un garçonnet, âgé d'une dizaine d'années. Ses yeux noisette le fixaient, un sourire malicieux se dessinant sur son visage constellé de taches de rousseur. Elihan tendit la main dans l'espoir de les toucher, mais il ne rencontra que le vide. La vision de son fils et de sa femme s'estompa brusquement, remplacée par des corps calcinés, non loin d'une petite cabane en bois semblable à une multitude d'autres, en proie aux flammes. Sa seule envie était de retrouver ses parents, tués à Lijden, de retrouver sa femme et son fils, assassinés lors de la Grande Purge.

Le passé et le présent s'entremêlaient, rappels éternels de ses douloureuses pertes. Il devait à tout prix éloigner ces pensées, avant qu'elles ne le submergent, comme elles l'avaient fait tant de fois. Il dégagea brusquement son bras de la main de Mia et s'éloigna à pas vif du groupe, ignorant l'air blessé de la jeune fille.

***

La trentaine d'hommes, femmes, et enfants suivait un sentier tortueux, sous une écrasante chaleur. Les rayons ardents du soleil brûlaient leur nuque, esquivaient les feuilles des arbres malingres pour darder les réfugiés.

Les survivants de la purge d'Adylis marchaient depuis maintenant une journée entière, presque sans interruption. Leur mine hagarde, leurs traits tirés et leur regard vide étaient révélateurs de la terreur subie la nuit précédente.

Aldwin, en tête de file, fut rattrapé par Ewann.

— Où allons-nous ? questionna le jeune mage, qui peinait à masquer sa fatigue.

— Là où nous serons en sécurité. En Almar.

— Pour attendre que la Timor nous trouve et nous décime à nouveau ?

Aldwin s'arrêta brusquement, et Ewann dut en faire de même pour ne pas le percuter.

— Regarde autour de toi ! s'emporta-t-il. Chacun d'entre nous a perdu de la famille, des amis. Certains sont âgés et faibles, d'autres ne sont que des enfants. Je n'ai pas abandonné, mais nous devons mettre les nôtres à l'abri.

— Les Timoriens seront bientôt en Almar. Le baron Osberd l'a certifié.

— Si le mariage a lieu. Crois-moi, je vais tout faire pour l'empêcher. En attendant, garde tes forces. Nous en aurons besoin pour traverser le désert. Et tiens ta langue. Lénor et ses acolytes sont encore sous le choc de l'attaque, mais leurs voix s'élèveront pour une action inconsidérée.

Ewann ravala la réplique qui lui brûlait les lèvres face au regard farouche d'Aldwin. Il remonta la file jusqu'à Mia. Durant toute la journée, les mages survivants avaient progressé à travers la végétation luxuriante et l'humidité de la forêt tropicale, pour finalement arriver dans les montagnes. Au-delà s'étendait à perte de vue le désert Almari. Ils s'installèrent dans une petite grotte afin d'y passer la nuit et pour s'entretenir de la suite des événements. Aucun village n'était connu aux environs bien que, d'après certains dires, des tribus nomades vivaient dans les dunes arides depuis des générations.

L'Héritage d'IrlondorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant