Dix-neuvième

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On s'était donné rendez-vous sur la place du village, j'avais pris ce rendez-vous plus à cœur que je ne voulais l'admettre.

A 14:30, on devait se rejoindre et allez se balader.

J'avais pas envie d'être en retard, avec un peu de chance,  il en fera de même.

Et c'est ce qu'il a fait, il m'attendait, l'air détaché, ses cheveux décoiffés.

-Comment tu te sens ?

-Comme Bogart, qui laisse partir Bacall dans un train à vapeur film noir des années quarante...

-Bonne métaphore. Tu viens.

-On va où ?

-Tu verras...

Je déteste qu'il soit aussi évasif.

On a marché dans des petits sentiers près de la plage. Cette fameuse plage où j'ai pris ma première cuite. J'en souris comme une débile.

-Tiens ? tu sais sourire sans être ivre ? Ça te ressemble pas.

Mes yeux devinrent couleur orage

-Très drôle, j'en pleure de rire.

-C'est vrai que ça m'arrive d'être drôle.

Un ange passa...

-Pourquoi t'es venu dans ce village sans âme ?

J'ai plus rien à perdre, il m'a vu saoule comme pas possible et il voit que je suis une fille pathétique. Et puis je ne le reverrai sûrement plus jamais donc au point où on en est, restons sur ce point de non retour telle une fille désespérée.

-Je suis une fille dépressive, ouais. Ça a été une accumulation de choses, parfois effrayantes. Et j'ai de suite eu du mal à garder mes amis. On dit que mes insomnies m'ont rendu bizarre. J'ai plus grand chose autour de moi. J'ai fait plusieurs danses avec la mort, mais apparemment j'ai deux pieds gauche car elle n'a jamais voulu de moi. La 3ème danse a dû l'énerver et ça s'est su. J'avais fait croire que je me soignais mais ça aussi ça s'est su. Alors on m'a gardé à l'hôpital, avec séance de psy, groupe de soutien gnan gnan et on m'attachait en me donnant médocs sur médocs qui ne me faisaient plus rien ressentir. Et un jour, je ne sais par quel miracle, on m'a laissé sortir. Mon état n'a pas changé et ils m'ont laissé, j'en valais sûrement plus la peine. C'est ma mère qui m'a fait subir tout ça et aujourd'hui je ne peux plus la voir, la regarder dans les yeux. Une grande amertume m'envahit lorsque je suis près d'elle. Je ne veux pas la voir alors je viens ici. Je fuis...

Un silence s'installe, il est dubitatif. Il va faire comme mes autres proches.

-Ta tristesse, te rend belle...

-Comment, dis-je perdu.

-T'as entendu, plus besoin de savoir un truc que tu sais déjà. Allez viens.

CurableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant