Maladroitement adulte

Chapitre VIII

Avant de quitter le bureau pour aller manger à midi, Baptiste m'interpelle.

- Em ! Tu fais quoi ce soir?

- Je dois rendre le dossier à Mr. Delatour.

- Ah oui ! Mais ça ne va sûrement pas durer toute la soirée non ? Parce que comme demain c'est férié, avec les autres on va dans une nouvelle boîte qui vient d'ouvrir. Donc si ça te dit de venir..

- Oui avec plaisir ! Tu m'envoies un message pour me dire où je vous retrouve.

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C'est assez surprenant comme restaurant pour un dîner d'affaires. Je m'attendais pas à un McDo, mais là on se croirait carrément dans un film. Les serveurs sont habillés classe, le restaurant est géant, la décoration est superbe, tout droit sortie d'un magazine de décoration d'intérieur. Il y a même des musiciens ! Ils jouent de la musique classique, mais c'est pas si horrible. En rentrant, je crois bien que j'ai croisé un homme connu. Si c'est ça la vie de dirigeant d'entreprise, je veux bien gravir les échelons rapidement.

Arrivée à la table de Mr. Delatour, il me dit de m'asseoir et nous commençons à parler du dossier. Il trouve que mon travail est exceptionnel, je n'en reviens pas. Par contre, il me regarde bizarrement, c'est perturbant. Arrivée au dessert, il tient à commander du champagne, je n'ose pas lui dire que je n'aime pas.

- Vu votre travail, il ne serait pas étonnant que vous ayez rapidement une promotion. De plus, l'équivalent du poste de Mr. Landrée va être libéré d'ici l'année prochaine dans notre service presse radio.

OMG. Voyant que je ne sait pas quoi dire, il poursuit:

- Si vous êtes motivée et que votre travail faire toujours preuve de la même qualité, vous pourrez sûrement postuler. Si vous voulez avoir plus d'informations sur le poste pour vous y préparer, vous pourrez vous renseigner auprès de votre chef. Eh bien ! Vous n'avez pas bu une goutte de champagne. Vous.. Oh ! Bonjour !

Sa phrase est coupée dans son élan lorsqu'il aperçoit un homme à quelques mètres. Il se lève pour aller lui dire bonjour. Vite! Je regarde autour, personne ne fait attention à moi. J'en profite pour verser ma coupe de champagne dans la plante à côté de moi. J'espère que personne ne m'a vue.

En revenant vers moi, il regarde d'un air étrange à côté de moi.

- Faîtes attention à votre robe, la plante à côté de vous dégouline. Ils ne savent même pas arroser des plantes correctement.

Je fais attention à prendre un air étonné. Pauvre plante, je t'ai sûrement tuée. Remarque, beaucoup de gens ne rêvent que de mourir noyé dans du champagne. C'est aussi plus classe que de mourir en glissant sur une feuille de laitue au supermarché.

Lorsqu'il me raccompagne à la sortie du restaurant, Mr. Delatour, très naturellement, pose sa main dans mon dos, un peu trop bas à mon goût. Pendant le repas, son pied a touché le mien un grand nombre de fois. J'espère que c'est pas un de ces patrons pervers. Il ne me reste qu'à appeler Baptiste pour savoir où ils sont.

Je viens de prendre un taxi pour la première fois de ma vie. C'est trop cool. Comme j'étais venue en bus, et qu'il est trop tard pour que les lignes fonctionnent encore, l'homme de la réception du restaurant m'a appelé un taxi. En plus, c'est la boîte qui offre le déplacement, m'a dit Mr. Delatour. C'est tellement bien la vie parisienne. Enfin, la vie de riche à Paris.

Comme j'avais un rendez-vous de travail avant, je n'allais pas porter ma tenue pour aller en boîte au restaurant. Je vérifie que la vitre teintée entre le chauffeur et moi est bien réelle (ne me demandez pas comment, ça serait gênant), et j'en profite pour me changer. Heureusement que le trajet va durer un dizaine de minutes. C'est très humiliant comme situation, alors j'essaie de faire au plus vite. Mais enlever une robe tailleur pour enfiler une autre robe dans un espace de deux mètres carrés, avec un chauffeur qui se prends pour un personnage de Fast and Furious, c'est pas facile, surtout quand on essaye de pas ruiner sa coiffure. Au bout de deux minutes, et à bout de souffle, je suis prête et tout est rangé dans mon grand sac à main, sauf mon maquillage. Mission actuelle: mettre du rouge à lèvre sans déborder.

Je rejoins Baptiste, Lisa et d'autres collègues (ça fait bizarre de dire collègue, on dirait que je suis grande) dans un bar pas très loin de la boîte. Quand j'arrive, ils en sont déjà à quelques verres. Lisa titube déjà.

- On s'en va dans moins d'une heure, alors si tu veux nous rattraper, il va falloir boire vite. Me dit Baptiste.

Un couple du marketing décide de me faire goûter les cocktails spéciaux du bar. Quand je les bois en à peines quelques gorgées, ils croient tous que c'est parce que je veux atteindre le même niveau d'alcoolémie qu'eux tous. En réalité, ces cocktails sont encore plus immondes que le champagne. Mais je ne leur dit pas, eux qui étaient si fiers de m'y faire goûter.

Vers 00h00, on part du bar pour aller au Statement, sois-disant la nouvelle boîte branchée parisienne. La boîte, qui n'était "pas loin" du bar, est en fait à 30 minutes à pieds. Mes pieds ne vont pas supporter tant de marche sur mes talons aiguilles. Je prie pour qu'il n'y ai pas de pavés.

Lisa raccroche son téléphone.

- Mon copain devait me ramener, mais il a une urgence médicale à l'hôpital. En plus, les bus ne tournent plus dans le coin jusqu'à demain matin.

- Et si tu prenais un taxi ?

- Ma meilleure amie a pris un taxi il y a quelques mois, et il s'est finalement avéré que le chauffeur transportait un cadavre dans son coffre. Depuis, j'évite les taxis.

J'ai du mal à savoir si elle est sérieuse.

- Oh.. Et bien je n'habite pas très loin, enfin je crois, alors tu peux dormir chez moi si tu veux, je n'ai rien de prévu demain.

- C'est vrai ?! Tu es trop gentilleeee

Puis, elle se met à chanter dans la rue. J'espère qu'elle ne boira pas trop en boîte, sinon elle va finir ivre morte. Elle manque de tomber, et Baptiste et moi nous regardons et nous mettons à rire comme des enfants. Je crois que l'alcool commence à faire effet chez moi aussi.

La queue pour entrer au Statement est assez longue. Ça change de la boîte dans la ville où j'ai fait mes études. Lorsque que le videur ouvre la porte, on entend de la musique s'échapper. Lisa l'a bien remarqué, et se met à danser à chaque fois qu'il ouvre la porte. Notre petit groupe arrive enfin vers l'entrée. On dirait qu'on fait la queue pour un manège.

Après avoir posé nos affaires aux vestiaire, un deuxième videur nous ouvre la porte pour entrer sur la piste de danse. Lisa en tête, elle pousse un cri et fonce à l'intérieur en faisant une danse étrange. Je croise le regard de Baptiste, amusée, et je rentre à mon tour, dans ce monde fait de musique et de stroboscopes.