CHAPITRE DIX-HUIT

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PDV REX.

Je ne sais pas depuis quand je suis là, mais il fait nuit maintenant. Je suis arrivé quand il faisait jour, et le soleil n'était même pas bas dans le ciel. A présent, la lune remplit sa fonction, les lampadaires sont éclairés, et je suis toujours dans ma voiture. J'ai fumé un paquet complet de cigarettes, et je me suis retenu de toutes mes forces pour ne pas toucher à la bouteille d'alcool qui traine quelque part sous le siège passager.

La lumière de la seule pièce aux volets ouverts est éclairée. Il faut que j'y aille. Il faut que je l'affronte. Que je lui dise que je suis désolé, que je suis impardonnable, mais que je veux quand même qu'il me pardonne. Je souffle, j'essaie de me donner du courage. Et après ce qui me semble une nouvelle éternité, je quitte l'habitacle, et j'appuie sur la sonnette avant de me dégonfler à nouveau.

Mon cœur tambourine dans ma cage thoracique, mon pouls s'accélère. Et je crois que je fais un arrêt lorsque je le vois dans l'encadrement de la porte. Ses cheveux sont légèrement plus longs, et je m'étonne qu'ils aient tant poussé en si peu de temps. Ils forment comme une sorte de casque autour de sa tête, une petite franche se dessine à la place de la mèche qu'il portait. Même comme ça, je le trouve magnifique. Un petit côté décalé, une coupe passée de mode, un style nonchalant et décontracté. Il porte même des lunettes que je ne lui ai jamais vu. Je remarque que ses joues sont un peu creusées, que des poches ont grandi sous ses yeux. Malgré tout, le ciel s'illumine, et il est mon astre.

Je perds ma contenance. Déjà que je n'avais pas vraiment de mots. Le portail s'ouvre automatiquement et je pénètre dans l'allée. Alastair n'a pas bougé, il est toujours en sécurité dans la maison. Je monte le perron et je me retrouve face à lui. Pour de vrai. Je ne sais plus quoi dire. Enfin, je ne savais déjà pas par quoi commencer. Simplement, je ne suis pas plus avancé.

- Qu'est-ce que tu fais là ? il me demande d'une petite voix.

- Je ... Je suis venu ... te voir.

- Non mais genre ... ici. Chez moi.

- Ah. Tu te souviens de la fois où tu me racontais comment c'était, à Londres ? Tu m'avais parlé de la rue calme, et de tes voisins chiants. Tu m'avais dit que ta chambre était simple, parce que tu passais plus de temps dehors ou chez tes amis. Et puis tu m'as dit que ton quartier était plein d'arbres, et que les maisons n'étaient pas mitoyennes. Après, je t'ai parié que je trouverais ta maison sur Google Map, et j'ai réussi.

- Et ... T'as retenu l'adresse ?

- Oui.

Je hausse les épaules, comme si c'était une évidence. Il se passe un moment sans que l'on ne se regarde, sans que l'on ne se parle. Le pire, c'est que ce n'est même pas gênant. Je crois qu'on a besoin d'être juste l'un en face de l'autre, d'apprendre à se tolérer à nouveau, en quelque sorte.

- Tu veux entrer ?

Sa voix est timide, et douce, et je hoche la tête. Alors il s'écarte et me laisse passer. La lumière artificielle n'est pas suffisante pour mettre en beauté la décoration, mais je laisse malgré tout promener mon regard dans le hall. Il est spacieux, et sans doute lumineux en plein jour. Il y a des cadres photos aux murs, des œuvres d'art, aussi. Le salon est immaculé. Tout le mobilier est d'un blanc pur, alors que les murs ont été peints avec modernité. Des touches de gris et de noir, que je ne peux pas bien apprécier avec les ombres de la nuit, rendent l'endroit plus chaleureux. A nouveau, il y a des cadres, ou des magazines qui trainent. Beaucoup de photos sont accrochées. Je suis trop loin pour réellement les examiner, mais Alastair prend la parole pour m'inviter à monter dans sa chambre.

- Ma mère est photographe. C'est pour ça qu'il a tant de photos partout, m'explique-t-il sans que j'ai eu besoin de lui poser la question.

C'est ce que j'aime aussi entre nous. Souvent, il n'y a pas besoin de parler pour savoir ce que l'autre pense. Une fois dans son antre personnel, je m'installe sur sa chaise de bureau. Je me fais tout petit, comme si je voulais disparaître. J'examine moins les lieux qu'au rez-de-chaussée. J'ai peur d'être intrusif. Je garde les yeux rivés au sol. Je ne sais pas trop quoi dire. Mais je dois me lancer. Alors, après une grande inspiration, et toujours en fixant la pointe de mes chaussures, je laisse les mots s'échapper.

Apprivoisable (Tome 1 - AVIFic - BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant