Mai 1950
Installé sur la banquette arrière ce taxi, je regarde par la fenêtre le paysage défiler paisiblement, faisant remonter en moi divers souvenirs de mon enfance dans ce village éloigné. J'ai le sentiment que rien n'a changé et pourtant, tant de choses sont différentes. Il y a davantage de maisons, des commerces. Beaucoup d'arbres ont été coupés pour laisser place à un plus grand espace résidentiel, mais quand comme moi on est habitué à la population débordante des villes et à l'odeur immonde des usines ce lieu devient fascinant. Je suis déjà impatient de sentir à nouveau l'air frais de la campagne, de ressentir cette ambiance que j'aimais tant dans ma jeunesse.
La voiture pénètre sous mes directives dans un rang de gravier entouré d'une vaste forêt. Si mes souvenirs ne me trompent pas, c'est là que vit toujours la famille Smith. J'ai écrit une lettre à Erwin, mon cousin, avant de venir et il a semblé très heureux d'avoir à nouveau des nouvelles de moi. Comme il doit aider à faire vivre la ferme familiale, il vit encore chez son père, tout comme Armin, son frère. Je me demande à quoi ils ressemblent aujourd'hui? Il faut dire qu'en dix ans, je n'ai pas réellement pu garder le contact avec eux entre les cours privés auxquels mon oncle me forçait à aller et le travail dans son usine de textile. J'aurais pu reprendre les rênes de l'entreprise après sa mort, mais cela m'intéressait peu. La gestion n'est pas faite pour moi, tout comme la ville. C'est Farlan, un bon ami à moi, à qui j'ai vendu tous les droits de propriété. Entre cette vente et mon nouvel héritage, je crois que j'ai les moyens de prendre des vacances bien méritées.
-Vous êtes certain du chemin que vous m'indiquez, m'sieu? s'enquiert le chauffeur en expulsant une bonne quantité de fumée de sa cigarette, ça semble désert comme lieu.
-Je suis certain de ce que j'avance.
-C'est vous qui voyez. Moi, tant que vous me payez, ça m'est égal.
Je lève les yeux au ciel, même s'il a raison. Bien que j'ai toujours vécu dans l'argent, je n'y accorde que peu d'importance. Jamais je n'ai aimé gaspiller pour m'approprier des biens futiles et je me vante encore moins de ma fortune. Du temps où ma mère était vivante, elle me disait souvent que l'argent n'est pas ce qui fait le bonheur. Bien sûr, je ne suis pas un abruti et je sais que cela peut aider, mais je ne considère pas que posséder un grand nombre d'objets luxueux m'aide à sourire.
-Je vois une maison, m'sieu Ackerman, affirme le chauffeur en ralentissant, c'est là?
-Oui, je crois.
Je regarde avec fascination la petite maison blanche qui n'a pas changé depuis les années. Quand j'étais jeune, le devant était égratigné après qu'un arbre soit tombé en l'accrochant. Je me souviens que Mme Smith avait eu très peur pendant plusieurs semaines suite à cet accident, craignant qu'un arbre tombe cette fois sur la maison entière et vol la vie d'un membre de sa famille. La brèche est réparée aujourd'hui, mais j'ai l'impression de la voir encore.
Le taxi s'arrête devant la demeure, puis je tends un généreux billet au chauffeur qui m'a conduit ici depuis Québec. L'homme me remercie chaudement alors que je sors de la voiture en tirant ma valise contenant mes vêtements et quelques biens personnels. Dès que mes pieds touchent le sol, je grimace en entendant un petit « splach ». Je viens de sauter dans la boue. J'aurais dû mettre des bottes plutôt que d'enfiler mes souliers de ville. Comment vais-je les laver?
Pendant que le taxi disparait de ma vue, j'avance vers la maison en admirant ce qui m'entoure. La vieille ferme de bois est la même, dégageant sa forte odeur de fumier à laquelle ont fini par s'habituer. De là où je suis, j'arrive à apercevoir le champ déjà labouré, probablement même ensemencé. Je me demande ce qu'ils font pousser cette année? À l'époque, ils aimaient la diversité. La tranquillité de ce lieu me fait un grand bien. Quand j'étais jeune, je ne comprenais pas pourquoi les Smith aimaient être éloignés du village, mais maintenant si. Ce petit coin de paradis a beaucoup plus de valeur que n'importe quelle maison de banlieue à mes yeux.
Légèrement fébrile à l'idée de revoir ma famille, je cogne doucement à la porte. Ils doivent souper à cette heure. Des pas se font entendre depuis l'intérieur, puis la porte s'ouvre sur un grand blond aux muscles saillants. Il a beau avoir pris de nombreux centimètres depuis notre dernière rencontre, je reconnais instantanément Erwin.
-Salut, Erwin, déclarai-je.
-Livai?
Mon vieil ami reste d'abord figé, puis me prenant par surprise, il me serre dans ses bras. Je n'ai jamais été très friand des étreintes, mais la situation me permet de me laisser aller. Je suis si heureux de le revoir! Je l'ai informé de ma venue, mais je crois ne pas avoir été pris au sérieux. Pourtant, je suis là pour un bon moment.
-Tu es si différent, s'étonne-t-il, tu es moins squelettique... Je crois que tu vas avoir beaucoup de choses à nous raconter!
Erwin me lâche enfin, un large sourire sur les lèvres. Même moi, je ne peux empêcher ma bouche de se tordre vers le haut lorsque mon oncle vient me serrer la main, heureux de me revoir. Son fils Armin le suit afin de l'imiter. Toujours de petite taille, ses cheveux blonds auparavant coupés au bol sont désormais plus courts, ne mettant pas en valeur son visage rond.
Ma tante ne pourra malheureusement pas venir ma rencontre puisqu'elle a succombé à la maladie l'an dernier. Savoir que je n'ai pas pu assister à l'enterrement me fend le cœur, mais l'ouvrage priorisait aux tâches familiales. J'ai l'impression d'avoir failli à mon rôle de nièce.
Mon cousin le plus costaud me force à m'assoir à la table de la cuisine où un repas encore chaud trône, indiquant qu'ils mangeaient avant mon arrivée. Un grand blond est déjà installé sur une chaise et me dévisage avec curiosité de ses petits yeux verts. Sa petite barbe m'est inconnue, tout comme sa musculature massive. Qui est-ce?
-C'est notre homme engagé, explique Erwin sans que je n'ai à poser de question, c'est un Français. Il s'appelle Mike.
-Bonjour, déclarai-je en tendant la main.
Tout souriant, l'homme me la serre fébrilement. Comme il est musclé, je présume qu'il s'agit d'un bon travailleur. Quand il me lâche, l'étranger fait de curieux signes avec ses mains, me faisant froncer les sourcils. Je ne comprends rien à sa drôle de gestuelle.
-Il dit qu'il est heureux d'enfin de te rencontrer, traduit Erwin, il faut dire qu'on lui a souvent parlé de toi.
-Il ne parle pas?
-Non, il est muet, mais il peut t'entendre, donc tu n'auras pas besoin d'apprendre le langage des signes pour lui parler. Sauf si tu veux le comprendre.
Mike bouge à nouveau ses mains, faisant cette fois rire Erwin et Armin. Seul mon oncle parait aussi paumé que moi dans cette discussion silencieuse.
-Personnellement, je n'ai pas encore réussi à apprendre cette langue en trois ans, soupire mon oncle, comment s'est passé ton voyage, Livai? Pas trop long?
-Ça s'est bien passé. Je me suis pris un taxi.
-C'est bien. Au fait, toutes mes sympathies pour ton oncle. Il s'appelait Kenny, je crois?
Je hoche la tête d'un geste affirmatif, préférant ne pas parler de lui pour le moment. Même si Kenny a été un tuteur sévère, c'est grâce à lui que je suis devenu quelqu'un de fort, de meilleur. Sa mort m'a grandement attristé, bien qu'elle eu été à prévoir à cause de sa maladie incurable qui le faisait souffrir depuis des années.
Alors que ma famille me raconte diverses anecdotes et potins au sujet des résidents du village, mon esprit vagabonde vers celui que j'étais avant mon débat vers Québec. Je n'étais qu'un faible sur qui l'on pouvait aisément marcher...
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L'amour après la haine~ Ereri/Riren~
FanfictionLivai était à la base un garçon normal et rêveur. Avec peu d'amis, les autres jeunes de son âge avaient tendance à se moquer de lui et de sa petite taille, surtout Eren Jaeger, son pire ennemi. Quand la famille du noiraud meurt lors d'un détournemen...