6.Souvenirs

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Je sens les rayons de soleil sur mon visage et met quelques minutes avant de me lever.
Klara est encore endormie, affalée sur le grand lit deux places.
Je la laisse dormir et file a la douche.
Quand je sors, celle ci est entourée de différents mets. Tartines, croissants, fruits, œufs brouillés et cafés. Elle a carrément abusé du self service.

- Mais tu le sors d'où, cet estomac d'ogre, et surtout, tu les mets où, les calories? Je me moque en riant.

- S'ils avaient une moins bonne carte, je ne serai pas obligée de tout prendre, c'est pas ma faute, se défend elle avec en écarquillant les yeux, les bras levés au dessus de la tête.

Nous éclatons de rire. Mais oui Klara, biensur!

Elle va se préparer et je déjeune un peu de tout.

Je sors la petite photo de mon portefeuille et me laisse aller dans mes souvenirs, après tout, je suis ici pour ça.

Flashback •

Quand il met une main sur ma bouche et me tourne vers lui, je le reconnais immédiatement. Ces yeux si profonds...
Il me souffle, presque inaudiblement:
- Calma, tranquila, no estas sola.
je cesse de me débattre et attend, des minutes, ou des heures, je ne sais plus, que l'ouragan de violence qui se produit dans la pièce à l'autre bout du couloir se termine.

Après le retour au calme, il se détache de moi et je m'ecroule au sol.
Il sort de la pièce comme si cet instant n'avait pas existé et je reste immobile sur le carrelage froid, incapable de quoi que ce soit.

• Fin du Flashback •

Quand ma meilleure amie est fin prête, nous prenons le trajet vers notre première destination.

Nous arrivons devant le petit café, il a toujours la même devanture en pierres blanches ardemment décorée de pots de fleurs multicolores.

Je reconnais de suite Marisa malgré les quelques traces qu'ont laissé les huit ans sur son visage et m'approche d'elle, qui est à présent de dos puis lui demande avec une petite voix :

- Señora, por favor.
Elle se fige et dit en espagnol:
- Bon Dieu, cette voix!
Quand elle se retourne elle me tend les bras.
Marisa à été mon ange gardien, souvent, lorsque la situation débordait. Je me refugiai dans son petit salon de thé and breakfast méditerranéen et elle s'occupait de moi comme sa fille, sans jamais poser de questions, parfois durant des heures et à sécher mes larmes ou me regarder, figée et scrutant le sol.

Nous nous retrouvons donc avec joie et je lui présente Klara.
Elle nous sert avec empressement de quoi nous restaurer et s'attable avec nous.
- Marisa, tu sais, ton neveu, celui qui faisait des études dans la police, il est toujours dans le coin?

- Paolo? Il est dans la ville voisine oui, il travaille dans une brigade.

- Il serait possible de le revoir? Ça me ferait plaisir.

- Il vient petit déjeuner ici tous les mercredi et samedi matin, avant d'aller faire ses heures de sport. Tu n'as qu'à passer cette semaine.

- Super, nous reviendrons mercredi.

Nous l'embrassons et je décide d'emmener Klara là où mon histoire a commencé.

Nous arrivons dans le petit quartier familial coloré, et un sentiment de nostalgie immense m'emporte.
Pourquoi il a fallu que tout bascule?
En voyant les maisons défiler sous nos pas, Klara commence à dévisager les lieux puis je vois qu'elle a compris où nous nous trouvons. Sans un mot, elle me prend la main. Que je resserre avec la mienne.

Devant ce bâtiment dont j'ai rêvé tant de fois, depuis tant d'années, je sens les frissons atteindre mes bras.
Ma première maison.
Là où vivait une famille, notre famille.

Nous restons là le temps qu'il faut pour que je me sente suffisamment "ressourcée" et nous rentrons.
Le soir, nous descendons sur le patio pour la soirée flamenco qui se joue et je décide de me détendre.
Nous dansons comme deux folles et puis, essoufflées nous nous rassoyons à notre table.
Klara commande deux verres de sangria rouge et nous savourons le rythme de la musique qui tremble sous nos pieds.
Quelques verres plus tard, nous montons à notre chambre et terminons cette première journée dans mon pays natal.

Klara s'est mise en pyjama et s'est endormie en moins de deux, mais moi, je sors le petit carnet rouge de mon sac de voyage.

Journal •

Aujourd'hui fut le premier jour de mon retour en Espagne.
J'ai pu revenir devant le tas de briques qui désormais sert de seule preuve que j'ai eu une famille moi aussi.
Je lui en voudrai toujours d'être partie.

Tout à l'heure, j'ai repensé à ce moment, il y a 10 ans. À ton regard transperçant le mien.
Dans les prochains jours, comme prévu, je vais creuser pour savoir ce qu'il s'est passé il y a 08 ans.
Il ne faut pas que je reparte sans savoir si quelque part dans ce monde, tu m'attends.

Le jour suivant, après une grasse matinée, nous explorons les différents endroits et monuments à visiter. Ironie du sort, je découvre la ville dans laquelle j'ai grandi tant étais je coupée du monde.
Nous faisons un tour sur la plage, le sable tout frais sous nos pieds par ce mois de février, puis nous rentrons.

Le matin, nous sommes de bonne heure dans mon café préféré.

Autour d'un petit déjeuner, nous discutons.
Heureusement que Klara est douée en langues et parle parfaitement l'espagnol littéraire, sinon elle serait perdue.
Je raconte mon travail d'enquêtrice et Marisa est contente pour moi. Paolo et moi entamons une longue conversation concernant les lois qui diffèrent en Espagne et en France et je finis par lui poser la question qui me trotte dans la tête depuis que j'ai demandé à sa tante quand il viendrait.

- Dis, Paolo, tu pourrais me rendre un service? Je veux dire... en tant que collègues . Je demande en me mordant la lèvre, les yeux baissés.

- Tout ce que tu veux, chica !

- Pourrais-tu te renseigner sur quelqu'un pour moi? Je lui tend un bout de papier que j'avais préparé au préalable contenant son nom et quelques infos à son sujet.
J'essaie de trouver une excuse que je bafouille bêtement mais il s'empresse de me couper
- C'est comme si c'était fait.
Dit il en m'adressant un clin d'œil.

J'ai toujours bien aimé Paolo, plus jeune, il m'avait donné envie de réussir à accéder aux études, un jour, du métier que je rêvais de faire et que j'exerce aujourd'hui.

Nous nous saluons et échangeons nos mails et numéros de téléphone avant de se séparer.
Quand je m'aperçois que Klara dévore littéralement Paolo du regard.
- Eh, j'ai son numéro hein, si tu veux? Je me moque en ricanant.

Elle me donne un coup de coude avec de gros yeux comme s'il allait m'entendre du bout de la rue et le regarde quitter son champ de vision.
Toute l'après midi elle ne parle que de lui et me demande un bon nombre de fois si c'est son genre de fille. Ce que je ne sais pas. Mais Klara est une fille exceptionnelle, généreuse, fidèle et loyale, drôle, compréhensive et rayonnante. Pour couronner le tout, elle est très jolie avec ses cheveux blonds et son petit minois accentué de deux perles bleues lui servant d'yeux. Alors oui, elle le mérite. Et je le lui dis.

Tout cet amour dans l'air me ramène à la brusque réalité et je me souviens que je dois me dépêcher de trouver une piste concernant le mien, d'amour.
Du coup, le soir dans mon lit, j'écris sur l'écran de mon ordinateur la phrase qui me déchire le coeur.
Je met le tout sur ma clef usb et je m'endors pressée de pouvoir tout imprimer demain matin.



L'effet MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant