16.Douleurs

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Le lendemain, j'appelle Klara avec qui j'ai échangé des sms depuis la veille.
Paolo est toujours dans le même état et ses parents sont arrivés hier soir, sous le choc. Les deux seules bonnes choses dans tout ça sont que l'opération s'est bien passée et qu'elle s'entend bien avec ses beaux parents.

Au boulot tout se passe bien mis à part les cookies de Carlie qui ont à peine un peu trop doré au four et elle s'en rend limite malade, à répéter:
- Je suis nulle, bons à jeter ces cookies, quelle honte de servir ça. En levant les mains au ciel.

Jordi et moi, ça nous fait rire. Il n'arrête pas de la taquiner et elle le boude comme une enfant de cinq ans. Moi je n'arrête pas de lui dire qu'ils sont délicieux et qu'on ne sent presque rien, ce qui est vrai, mais elle continue à me répondre, d'un air blasé:
- De toute façon je suis nulle, et ils sont bons à jeter ces cookies.
Elle finit sa phrase en lançant un regard noir à Jordi qui est parti dans un fou rire qu'on ne peut littéralement plus arrêter. Alors à mon tour, j'explose de rire et Carlie finit par faire de même.

Une fois calmés, je demande à Carlie expert en la matière, si elle ne connaîtrait pas une pâtisserie à la recherche de quelqu'un.
Elle me donne deux adresses et fière de mon idée je décide d'attendre ce week-end pour en parler de vive voix à Klara. Elle sera contente et apprendre quelque chose de positif sera bénéfique pour son moral actuellement au plus bas.

En rentrant le soir, j'ouvre mon journal.

• Journal •

Mlle Midori, l'amoureuse du parc est difficile à retrouver. Après tout, tellement d'années se sont écoulées, c'est logique. Mais il faut trouver une piste.

Paolo étant dans le coma et en mauvaise santé, je vais retourner en Espagne afin de lui rendre visite.
J'espère qu'il se réveillera et se rétablira au mieux. C'est un chic type Paolo.

Par le même biais, je vais en profiter pour faire un tour dans la périphérie, puis dans mon coin secret.
Amour, reviens moi.

Après avoir rangé mon carnet je fais mon petit train train et vais me coucher rapidement.

Dans mon sommeil, je fais un nouveau cauchemar.

Mon père hurle en montant dans ma chambre. Il renverse tout sur son passage et je sais qu'une longue crise approche. Il ouvre ma porte d'un coup de pied et m'attrape par les cheveux puis me tire en me faisant glisser au sol. En haut des escaliers, il me frappe. Coups de pieds, coups de poings, tout y passe. La noirceur, la haine et le désespoir sont dans ses yeux. Je me recroqueville sur moi même et protège ma tête dans mes bras, attendant que la pluie de coups qui se déverse sur moi se termine.
Quand il a finit d'extérioriser sa colère, il descend et me laisse là, brisée dans tous les sens du terme, sur le sol.
Je mets un certain temps avant de réussir à ramper jusqu'à mon lit et de m'endormir profondément.

La douleur dans ma poitrine est intense. J'ai l'impression qu'une vis s'y enfonce et je ne parviens pas à respirer correctement. J'attends que la crise d'angoisse passe en me calmant doucement. La pression redescend petit à petit et je desserre mes mains agrippées à mon drap.
Ce cauchemar n'en est pas un. Parce que ce cauchemar, c'est un souvenir.

Aussi étonnant que cela puisse paraître j'arrive à me rendormir facilement, épuisée par mes émotions et la crise d'angoisse.

Quand je me réveille à l'aube j'ai envie d'apprécier l'odeur du matin alors je vais m'essayer à courir un peu.
Je mets des vêtements de sport et enfile mes écouteurs et je commence à petites foulées. Comme ce n'est pas dans mes habitudes, je me retrouve essoufflée rapidement. Je régule ma respiration mais un point de côté se loge une place sous mes côtes et j'abandonne donc. Je marche désormais en récupérant mon souffle et en évacuant la pointe dans mon abdomen. Il est bon de sentir l'air pur, d'admirer les paysages empreints de rosée et de savourer le calme juste habillé de sifflements d'oiseaux.
Je ferai ça plus souvent, c'est ressourçant.

Lorsqu'il est sept heures passées je rentre pour prendre une douche et déjeuner un peu, cette sortie matinale m'ayant donné un creux.

Au boulot nous faisons un travail d'enfer et l'après midi nous avons dû traiter un dossier de crime, une maman qui a tué son adolescent. C'est particulièrement triste.
Jordi recherche sa fille et moi ma mère a disparu soudainement de ma vie, alors forcément que ça nous touche.

Le soir j'ai Klara au téléphone, celle-ci est dépitée par l'état de santé de Paolo qui stagne. Le fait que je la rejoigne d'ici quelques jours lui fera le plus grand bien et elle me le dit.
Nous parlons un moment et près vingt-quatre minutes de discussion affichées sur l'écran, nous raccrochons.

Depuis que l'on se connait, Klara et moi sommes inséparables et nous ne nous sommes jamais séparées trop longtemps, alors on se manque.
Je me fais des croques monsieur accompagnés de chips à la crevette et m'installe devant un film. Il est très intéressant, tiré d'une histoire vraie et raconte l'histoire d'une petite fille ayant fuit Franco, dictateur en Espagne. Elle avait traversé les Pyrénées à pieds pour atteindre la France et fut enfermée dans un camp de concentration à Rivesaltes. On peut voir dans le film les conditions difficiles dans lesquelles ils vivaient et la détresse de devoir quitter sa vie, son pays, pour être enfermé à des kilomètres. Celle ci a réussi à s'échapper avec d'autres résistants et elle a ensuite construit sa vie.
Il ne faut pas oublier car elle était une petite fille parmi des milliers d'autres à subir les barbelés.
Et l'histoire se réitère, aujourd'hui, en France....
Quand le film est fini je suis émue.

En me couchant le soir je repense à tout ça et une scène me revient, celle d'une fille avec sa mère. Du coup, mes pensées se dirigent vers la mienne.
Clairement, remuer mon passé comme je l'ai fait ces derniers mois ont refait surgir le manque.
Je suis incapable de me l'avouer à moi-même mais... mais j'ai envie de la retrouver.
Serait-ce trop, de vouloir revoir celle qui nous a enfanté ? Serait-ce trop, de vouloir savoir pourquoi? Serait-ce trop de ravaler sa fierté pour revenir demander de l'attention à quelqu'un qui ne veut plus de nous?
Je n'ai pas la réponse à ces questions.
Pendant que j'y réfléchis, je m'endors à poings fermés.

C'est le bruit métallique de la pluie qui claque sur la gouttière qui me réveille.
Par la fenêtre je constate une vraie avalanche et je souffle, saoulée.
Au moins le temps sera à l'image de mon humeur.

Les deux derniers jours de la semaine sont clairement trop longs à mon goût et il ne me tarde que de prendre le départ pour rejoindre Klara.

Cette fois je prends la route en voiture et même si c'est long j'apprécie les paysages qui s'offrent à moi. Ces petites garrigues sublimes où l'on à envie de s'arrêter pour s'allonger à écouter le chant des cigales et des criquets et renifler les odeurs d'herbes sauvages qui infiltrent pleinement nos narines.

Une fois arrivée je passe à la chambre que Klara avait pris le soin de mettre à nos deux noms pour déposer mes sacs et me changer puis je l'appelle afin de demander l'adresse de l'hôpital se trouvant dans la ville voisine.
Je rentre les coordonnés dans mon GPS et prends la route qu'il m'indique.

Lorsque je rentre dans le service de soins intensifs que m'a indiqué la dame de l'accueil, je trouve Klara avachie sur un des fauteuils de la salle d'attente, blanche comme un linge et cernée. La pauvre...

Quand elle tourne la tête vers moi elle se lève d'un bond et me saute dans les bras que j'avais ouverts en grand.

- Tu m'as tellement manquée ! Me souffle t'elle à l'oreille en encerclent mes épaules pour me faire un câlin.
Notre étreinte dure un certain temps puis nous nous dirigeons vers la machine à café.
Klara m'explique que les parents de Paolo sont à ses côtés. On ne peut pas y aller tous en même temps, c'est délicat les soins intensifs, et le port de blouse et chaussons stériles sont obligatoires.

Étant donné que trois personnes seulement sont autorisées à le visiter tant qu'il est dans ce service, je ne peux pas le voir pour l'instant.

J'espère que tout ça sera derrière lui prochainement.












L'effet MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant