10. Mélancolie.

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Quand j'arrive à la hauteur du barrio, je m'entends lâcher un gros soupir. Heureusement, cette fois ce n'est pas là que je m'arrête. Je dépasse Santa Cruz et roule encore 500 mètres puis j'emprunte la petite route rocailleuse sur ma gauche. Je trouve un endroit assez large pour me garer et je continue mon chemin à pieds.

Je remonte le sentier seule pour la première fois et je me souviens du premier jour où il m'a emmenée ici.

* Flashback *

Cela fait dix bonnes minutes que nous marchons dans le silence de la nuit.
Je ne sais pas où nous allons ni ce que je fais ici, mais mon coeur m'a dicté de le suivre.
Il est si mystérieux mais il m'inspire une telle confiance.
Ai-je tord ? Tord de suivre ses pas, tord de croire qu'il est différent, tord de croire en l'humanité?
Je sors de mes pensées quand il me prend la main et nous fraie un chemin entre deux arbres fleuris par cette saison d'été.
On n'y voit pratiquement rien, mais je continue à m'enfoncer dans le petit bois en sa présence, comme s'il était la lumière qui me guide.
Nous arrivons devant une grande falaise et il me guide vers ce qui se voulait être une forme d'entrée, un mince passage entre deux blocs de pierre. C'est là que je commence à me dire que s'il a une mauvaise intention, j'aurai du mal à refaire le chemin arrière.
Quand je lève la tête j'oublie ma pensée précédente.
Un puits d'eau magnifique se trouve devant nous.
Une petite rivière arrive de la gauche et vient se jetter dedans, cassant le silence de la nuit. J'aperçois des nénuphars sur la surface de l'eau et
des lianes greffées aux parois rocailleuses qui viennent tomber ça et là, habillant le décor parfaitement.
J'ai l'impression d'être dans un rêve, comme un aparté irréel du monde violent dans lequel je vis.

Fin du Flashback •

Quand je sors de mes pensées, je me trouve exactement au même endroit et celui-ci n'a pas changé malgré les dix ans qui séparent ma première visite de celle d'aujourd'hui.

Je m'adosse au bloc de pierre derrière moi et me laisse glisser jusqu'à être assise. Je prends une grande expiration et je fixe le reflet de la lune sur l'eau.
Nous sommes venus tant de fois ici. C'était un véritable refuge, je peux le dire.

Je sors mon carnet rouge et mon stylo plume puis j'écris la phrase, notre phrase. J'y ajoute mon numéro de téléphone et je détache soigneusement la feuille de mon carnet puis je me lève, les jambes engourdies par le temps que j'ai passé là assise.

Je fais le tour du puits d'eau, arrivant de l'autre côté, et saisis une liane.
J'attache ma petite feuille pliée à celle-ci et refais le tour pour admirer mon idée.
C'est visible juste ce qu'il faut.

Je remets mon bonnet et mes gants puis je reprends la route en direction de ma voiture, laissant derrière moi notre coin secret en priant pour que lui aussi repasse par ici.

Arrivée à la voiture je constate le nombre d'appels manqués sur mon téléphone, vingt-deux. Et huit messages dont trois vocaux. Et merde, je ne captais pas là bas.

Je compose donc le numéro de Klara qui s'est acharnée sur le bouton rappel.

A..Allo? Elle répond d'un ton inquiet, la voix pleine de sanglots.

Klara? Mais qu'est ce qu'il se passe, tout va bien? Il t'est arrivé quelque chose? Je commence à paniquer.
Pourtant Paolo était avec elle, lui aurait il brisé le coeur?

C'est elle ! Elle chuchote à quelqu'un.
Euh, mais alors tu vas bien? Je veux dire, rien ne s'est passé? J'ai totalement paniqué en voyant que tu ne répondais pas au téléphone, surtout quand j'ai vu que tu n'étais plus à l'hôtel.

L'effet MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant