14.Dernière fois

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Cette nuit fût agitée. Non pas par des cauchemars, pour changer, mais par le simple fait que je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit.
Après une douche énergisante, ou pas, j'opte pour de l'anti cernes qui me sera d'une aide précieuse aujourd'hui.

Au boulot, je suis à peine concentrée et je vois bien que Jordi le remarque sans poser de questions.
À la fin de la journée, distraite, je fais tomber un dossier de mon bureau en passant, mon mug de thé se renversant à son tour et déversant le liquide chaud sur les documents au sol.

Prise de colère, je lâche des injures en ramassant tant bien que mal les feuilles trempées puis je m'assois sur un fauteuil au fond de la pièce les genoux repliés et ma tête enfouie entre mes deux bras.

Petite, faut parler tu sais. Tu peux pas tout garder pour toi. Sinon, tu te consume de l'intérieur à petit feu et un jour ton âme finit elle même par s'éteindre.
Mais ça c'est une autre histoire.
Qu'est ce qui te chagrine gamine?

Je me rasseois correctement et lève la tête vers lui.

Rien, c'est juste que...que je n'ai pas dormi de la nuit, insomnie. Et puis je pense à ma mère. J'avais essayé de l'enfouir dans une partie inaccessible de mon cerveau mais plus je deviens femme plus le manque maternel se fait ressentir.

— Tu ne m'as pas dit ce qu'il s'était passé... Il me souffle, l'air gêné de son indiscrétion.

Alors je m'imprègne de mes souvenirs les plus profonds en lui racontant.

* Flashback *

Un jour alors que je joue dans ma chambre, une énième dispute entre mes parents éclate.
Mon père casse et balance littéralement tout ce qui est dans son champ de vision. J'entends clairement tout valser sur le sol. Comme une gamine de presque sept ans, je me réfugie entre deux peluches.
J'entends maman monter jusqu'à l'étage et elle passe à sa chambre. Elle vient ouvrir ma porte et m'embrasse en s'excusant. Elle me prends dans ses bras, me demande d'être sage et de continuer d'aller voir Mima chaque jour. Elle essuie une larme sur sa joue. Dans ma tête de petite fille je ne comprends pas. Je l'embrasse à mon tour et quand nous descendons, elle ouvre la porte d'entrée et en baissant les yeux je comprends. Elle a des valises dans les mains.

— Maman, mais où vas tu? Je demande paniquée.
Maman tu ne vas pas t'en aller, hein? Je la questionne dans un sanglot.

— Je suis désolée ma chérie. Elle me souffle. Elle me serre fort puis s'apprête à partir.

Je m'agrippe à elle et hurle de toutes mes forces, en la suppliant de rester. Je suis baignée de larmes et mon coeur d'enfant est brisé. Au bout d'un moment, à bout de forces je m'écroule assise sur le tapis, et elle en profite pour partir en m'envoyant un dernier baiser volant.
A cet instant je ne le crois pas, mais c'est la dernière fois que je la vois.

Fin du Flashback •

Après mon récit je suis chamboulée.
Jordi me tapote l'épaule et me tend des mouchoirs en répétant:
— Ça va aller, Petite.

Une fois calmée, il me propose un verre sur le port et j'accepte son invitation avec plaisir, l'air marin me fera le plus grand bien.

Assis sur la terrasse, face aux bateaux, il commande un demi pêche et moi je décide de le suivre. Il allume un cigarillo fleur de savane, il ne fume que ça, et me dit dans une bouffée.

— Moi aussi, je vais te raconter le dernier moment où j'ai vu ma petite poupée.

Je prends une expiration à pleins poumons, appréciant l'odeur salée du port et je me mets toute ouïe pour son récit.

Tina n'avait que trois ans, et malgré son jeune âge, elle était très dégourdie. Le matin elle m'a réveillé en me sautant dessus puis a couvert mon visage de bisous en riant aux éclats. Nous avons laissé Mariella dormir un peu et sommes allés préparer un délicieux petit déjeuner. Fière, elle l'a servi au lit à sa maman avec mon aide.
Nous avons rejoint Mariella dans le lit et nous avons apprécié notre petit déjeuner en famille. Notre dernier petit déjeuner... sa voix se casse.
Je mets ma main sur la sienne en guise d'encouragement et il continue.
Après, nous avons joué un peu et étant de garde j'ai dû filer à la caserne.
En fin de journée, vers 19h, je suis rentré direction la maison et j'ai hésité à les rejoindre mais j'ai décidé de rentrer, exténué, Mariella m'avait passé un coup de fil et elles ne devaient pas tarder à rentrer de toute façon.
Il baisse les yeux et souffle doucement:
La suite, tu la connais petite.
Alors je m'en suis voulu, bouffé, de ne pas avoir écouté mon instinct ce jour là. J'aurai DÛ y passer, les rejoindre. Mais je ne l'ai pas fait, et ma petite fille à disparu.

Il lâche une larme et c'est la première fois que je le vois pleurer. Ça me brise littéralement le cœur, cet homme ne mérite pas un tel chagrin, une telle perte.

Après ces confidences douloureuses du soir, nous rentrons.

Arrivée à la maison je décide de m'asseoir cinq minutes mais s'en m'en rendre compte je m'endors, toute habillée.
Dans la nuit, je me lève et encore endormie je vais rejoindre mon lit après avoir enlevé seulement mon jeans, trop fatiguée pour faire quoi que ce soit. Heureusement, je porte un tee-shirt large et suis donc à l'aise pour terminer ma nuit.

Le matin, j'ai énormément de mal à émerger et j'ai encore plus sommeil qu'avant d'avoir dormi. La gorge nouée et la bouche pâteuse, les yeux qui picotent. Je déteste cette sensation.
Je regarde l'heure et mince! 7h45, d'habitude je pars à cette heure ci!
Je me lève d'un bon et enfile un jogging rapidement, me fais une toilette sommaire et je me dépêche d'aller travailler. Heureusement aujourd'hui je ne travaille que jusqu'à quinze heures, je pourrai me reposer cet après midi. Ma nuit blanche d'avant hier m'a clairement achevée.

Arrivée chez moi, sans surprise je fais un k.o jusqu'à 19h. Je commande un plateau repas et je prends une longue douche.
Pendant que je mange tranquillement, Klara m'appelle complètement paniquée, en larmes:

— Mi..Mila, t'es où? Faut que je te vois, c'est...c'est P-Paolo! Peine t'elle à me dire.

— Restes où t'es, j'arrive.  Alors que je reconnais la sonnerie de son téléphone fixe retentir.

J'espère qu'il ne l'a pas quittée. Elle est vraiment folle amoureuse de lui et ne le supporterait pas.
En même temps, ils vont tellement bien ensemble, si complices et complémentaires. Et j'ai bien vu que Paolo était lui aussi tombé sous le charme de Klara, sa façon de la regarder et d'être à ses petits soins le trahissant.
À moins qu'il ne lui soit arrivé quelque chose?
Mince, faut que je me dépêche. J'appuie sur la pédale d'accélération et continue mon chemin de plus belle vers chez Klara.

Ses parents sont dans la cuisine, assis au tour de la table avec une boisson chaude, la mine déconfite.
Klara tombe quant à elle dans mes bras en pleurant. J'essaie de la calmer mais elle n'arrive même pas à respirer correctement tant ses sanglots sont répétitifs et intenses. En l'entourant de mon bras et lui caressant les cheveux de la main, sa tête posée sur ma poitrine, je questionne ses parents du regard.

— L'immense brigade où Paolo travaille a pris feu. Celui-ci se trouvait dedans et il est hospitalisé actuellement.
M'explique la maman de ma meilleure amie d'un ton triste.

À cette phrase Klara pleure de plus belle et je me demande à ce moment là si le pronostic vital de Paolo est engagé ou s'il est juste blessé. Le pauvre...


L'effet MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant