Cher journal, le reste de la semaine m'est apparu comme interminable. Tentant tant bien que mal de me tenir éloignée de Kerian, j'ai même, durant quelques jours, dû prétendre vouloir aller au lycée à pied dans le seul et unique but de ne pas me retrouver dans sa voiture. Pourquoi ? Et bien parce que je sais pertinemment qu'il m'est impossible de me tenir à quelques centimètres de lui sans avoir cette insoutenable envie de lui sauter immédiatement dessus ! La mésaventure sous la douche me conforte dans l'idée qu'il est impossible de me lancer dans ce genre de relation avec lui, il y aura toujours quelqu'un de qui nous devrons nous cacher et une chose est sûre, je hais avoir des secrets pour Rachel. Ne rien pouvoir raconter à sa meilleure amie est un étrange sentiment, une incommensurable sensation de solitude. Après tout, Rachel et Owen sont les seuls à qui je me suis toujours confiée, les seules personnes à tout connaître de moi, et avoir à leur cacher une telle chose me brise le cœur. Ils me détesteraient sans aucun doute s'ils prenaient connaissance de ce petit jeu de séduction installé depuis bien trop longtemps avec Kerian. Et ils seraient tout à fait en droit de le faire.
Je dépose mon journal sur mon petit bureau en bois blanc avant de me lever d'un bond. Nous sommes vendredi soir, autrement dit, le meilleur moment de la semaine. La règle numéro une a toujours été la plus facile à respecter, passer tous mes vendredis soir avec Rachel occupées à dévorer une pizza tout en regardant des films en tout genre m'a toujours réjouis. Elle et moi en avons toujours profité pour nous raconter les derniers ragots croustillants et bien-sûr critiquer une quantité innombrable de personnes !
J'enfile un court short dont la matière peut se confondre à un bas de jogging ainsi qu'un débardeur noir et dévale les escaliers. Une fois dans l'entrée je me retrouve face à ma mère, vêtue d'une sublime robe bleu nuit et à mon père vêtu d'un costard bordeaux. Tous les vendredis soirs depuis que Rachel et moi avons l'âge de rester seules, nos mères vont dîner ensemble dans les alentours tandis que nos pères se rendent au casino. Comme vous pouvez le voir nous avons nos petites routines. J'embrasse mes parents avant de traverser la rue en courant pour rejoindre mon amie, trépignant déjà d'impatience sur le pas de la porte.– Salut, Jensen.
La voix rauque de Kerian m'arrête net alors que je m'apprête à mettre les pieds chez les Duchemin. Sa carrure imposante me coupe le souffle l'espace d'un instant tandis que le grand blond me sourit de toutes ses dents. Un sourire narquois.
Kerian et Owen aussi ont leurs projets le vendredi soir, j'ignore lesquels tout ce que je sais c'est que les trois quarts du temps mon frère rentre saoul, tout comme Kerian ! Je me contente de répondre à Kerian par un bref signe de main avant de le contourner et me ruer dans la chambre de Rachel sans même me retourner, ignorant le rire tout aussi narquois sortant de la somptueuse bouche du grand blond.– Tu ne vas pas croire ce que Julian m'a dit tout à l'heure ! Chantonne-t-elle en s'étalant sur son lit un large sourire aux lèvres.
Julian est son nouveau petit ami, ils sortent ensemble depuis quelques jours et ce petit brun barbu et assez trapu est justement dans notre classe. Mon amie n'attend pas que je réponde pour prendre à nouveau la parole :
– Il voudrait passer une soirée et une nuit avec moi !
Je rigole et rejoins mon amie sur le lit. Le bonheur de cette dernière m'emplit de joie. J'aimerai tant que tout soit si simple entre Kerian et moi. J'aimerai tant savoir ce qu'il ressent réellement, je payerai cher pour balayer d'un revers de main les règles établies. C'est ainsi que je me surprends à être jalouse de la relation si simple de ma meilleure amie et Julian. J'ai toujours trouvé étrange cette attirance pour la complexité, comme si nous faire souffrir nous attirait bien plus que le simple fait d'être heureux, c'est peut-être finalement une manière comme une autre de bouleverser sa vie si bien rangée, transporter son corps tout comme son âme dans un monde empli d'interdits, dans un univers affreusement attirant, sur une planète horriblement idyllique ou pousser les barrières de l'interdit attirerai jusqu'à la créature la plus angélique habitant cette terre. Et je dois à tout prix mettre fin à ce pseudo fantasme avant que la situation ne devienne incontrôlable.
– Tu aurais dû passer la soirée avec lui.
Mon ton enjoué lui provoque une quinte de toux.
– Non ! Tu connais la règle Holly ! Et puis... le vendredi soir est tout bonnement le meilleur moment de la semaine !
– Non, Rachel, quand je rentrerai.
– Owen ne t'a pas dit ? Kerian dort chez toi ce soir, je me suis dit que tu pourrais aussi rester dormir ici.
Je réfléchis un instant, se retrouver une nuit dans la même maison que Kerian est un horrible risque que je dois à tout prix éviter, il ne faut pas que tout ce qu'il s'est passé ces derniers temps se reproduise, il ne faut pas que je craque à nouveau. Après tout je suis plus forte, non ?
– Bien, tu manques une nuit de rêve avec Julian, je glousse.
– Et puis quoi encore ? Pendant ce temps-là tu dormiras dans la chambre de mon idiot de frère ?
Mon amie s'arrête net avant d'ouvrir sa bouche en grand. Un regard sournois se dessine soudain sur son visage. Oh non, pitié pas ça Rachel ! Je connais mon amie, et je sais pertinemment ce que signifie ce regard. Je prie intérieurement pour que ce ne soit pas ce que j'ai en tête.
– Si Kerian ne dort pas là, tu peux prendre sa chambre. Si... si ça ne te dérange pas bien-sûr.
J'aurais préféré qu'elle me demande de dormir sur le canapé que dans le lit de Kerian, entourée de son enivrant parfum aux senteurs de musque. Je ne peux cependant pas priver mon amie d'une nuit avec son petit-ami, ce serait égoïste de ma part, de plus, je n'ai aucune raison valable de refuser la couche de Kerian, du moins à ses yeux. Je soupire intérieurement et ravale un torrent de parole qui s'apprêtait à sortir de ma bouche. Non, elle ne peut pas savoir, elle ne doit pas savoir ce qu'il s'est passé. Tout ça la blesserai du plus profond d'elle-même, et tu le sais Holly.
– Et bien... je crois qu'il ne m'en voudra pas.
Rachel bondit du lit avant de sautiller de joie sur le parquet de sa chambre. Sa joie lors de ma réponse m'emplit de bonheur. Je crois avoir rarement vu ma meilleure amie dans cet état pour un simple garçon ! L'idée de me retrouver durant toute une nuit entourée de la succulente odeur du blondinet me remet cependant rapidement les idées en place.
– Bon alors, tu es plutôt sexe et amour ou horreur et gore ? Je lui demande en faisant défiler la liste de films sur sa télé à écran plat.
– Pourquoi pas les deux !
***
Il est presque trois heures du matin lorsque Julian nous rejoins chez Rachel, et après avoir discuté tous les trois durant une bonne demi-heure, je me décide à m'éclipser dans la chambre du beau Kerian, épuisée d'avoir passé cette soirée à rigoler et discuter. Un soupçon de crainte m'envahit lorsque je pousse la porte de son antre. Calme toi Holly, elle t'a dit qu'il ne dormirait pas là cette nuit, tu n'as aucun soucis à te faire. Lorsque j'allume la lampe de la chambre de Kerian je tombe nez à nez avec une pile de linge. Kerian, Kerian, Kerian, qu'est-ce que tu peux être désordonné ! Je fais abstraction de la pile de vêtements et m'étend sur le lit de l'adolescent. De nombreuses images me reviennent en tête lorsque mes mains chaudes entrent en contact avec la fraîcheur des draps. Je ressens ses mains agrippant mes cuisses, sa bouche effleurant ma nuque, ses dents agrippant ma lèvre inférieure... Calme-toi, Holly. Fais abstraction, me rappelle ma conscience tandis que j'enlève mes chaussettes que je pose soigneusement à côté du lit avant de me faufiler sous la couette.

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Soulmate - Tome 1
Romance« L'interdit attire » j'ai toujours trouvé cette phrase ridicule. Elle n'était à mes yeux qu'une excuse pour quiconque n'ayant pas la décence de se conformer aux règles, qu'une pitoyable raison pour transgresser les dogmes établis. Du moins je le p...