Chapitre 28

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– Bien, la dernière fois je vous ai donné un cours sur le puritanisme et les interdits de cette époque, quelqu'un pourrait me donner le lien avec la lettre écarlate ? Par pitié répondez moi c'est une question tout ce qu'il y a de plus simple !

– Ce livre en est la dénonciation, je souffle tout en croisant mes bras.

– Continue, Holly.

– Et bien c'est une critique des lois du puritanisme, elles retirent toute forme de dignité et de liberté individuelle. Ça montre l'hypocrisie de la société puisqu'Hester a finalement couché avec le prêtre, c'est ironique du fait qu'il est censé faire respecter ces lois. Hester est vu comme la seule coupable alors que toute la société l'est, ils cherchent tous à garder un équilibre, à ce que rien ne change, c'est totalement stupide, les choses doivent évoluer.

L'homme à la barbe de trois jours exécute un sourire lubrique.

– Ce n'est pas la seule coupable ? Et pourquoi n'a-t-elle pas pu tout simplement suivre les règles qui lui ont étés imposées ?

– Non, pour coucher il faut que les deux veuillent, sinon c'est un viol ! Or, que ce soit le prêtre ou Hester, les deux étaient tout à fait d'accord. Et pour en revenir aux règles, elles sont en vigueur depuis des années, c'est stupide de se cramponner à de tels interdictions uniquement dans le but de ne pas faire de peine à... je veux dire dans le but de ne pas se faire rejeter de la société.

Je me rends peu à peu compte que je pourrais, à ce moment précis, être à la place d'Hester Prynne, refusant de délivrer le nom de Kerian bien que nous ayons tous deux commis ce que l'on appelle le péché d'adultère. Et je trouve ça horrible, je trouve ces règles horribles, après tout nous ne sommes plus à cette fichue époque, nous devrions pouvoir faire ce que nous voulons avec qui nous voulons. Mais peu à peu, je me rends également compte que j'agis comme toutes ces personnes vis-à-vis de Jil. J'ai du mal à l'admettre, mais peut-être que je déteste moins Jil pour son attitude avec les garçons que je la déteste pour son incessante proximité avec Kerian.

– Vous pensez donc que ce sont justement ces règles qui ont poussées Hester à commettre l'impardonnable ?

La voix de l'homme est neutre, je perçois cependant une certaine joie dans son regard, il semble en parfait accord avec ma pensée. Et ça me rassure, ça me conforte dans l'idée que je ne suis pas la seule à réfléchir de cette manière, même si je dois partager les pensées d'un type pervers et écœurant.

– Je pense que certaines règles sont faites pour être transgressées, que personne ne peut interdire à quiconque d'avoir une aventure avec quelqu'un. Ecoutez, ces lois ont pour but d'empêcher toute forme de plaisir, et pas uniquement corporel. Les principes sont faits pour atténuer le plaisir. Et c'est justement ce type de dogmes qui peuvent créer une certaine frustration, qui se transforme de toute évidence en une envie puissante, plus puissantes que ces règles. C'est le principe même du désir, on désir ce que l'on ne peut pas avoir.

Monsieur Mayers se laisse tomber sur sa chaise de bureau tout en m'applaudissant. Heureuse, je me tourne vers Rachel, cette dernière semble outrée, et merde ! Je n'ai pourtant pas l'impression d'avoir tant mis ma vie et celle d'Hester en relation que ça ! Mais peu importe, ce qui est dit est dit. Je garde le silence jusqu'à la fin de l'heure et lorsque la cloche sonne je laisse Rachel sortir en premier, je n'ai pas vraiment envie de me confronter à ses questions. Je range alors mes affaires sans me presser puis me dirige vers la porte de la salle.

– Holly ? Je peux te voir s'il te plaît ?

La voix rauque de l'homme m'impressionne, je fais un pas en arrière et m'assieds sur la table juste en face de son bureau, ce dernier se lève pour pousser la porte puis s'assied à son tour sur son bureau. De ma place je peux presque toucher ses genoux, cette constatation me fait reculer légèrement.

– J'adore ta vision des règles et des lois, me lance-t-il en croisant ses bras.

– Merci, je crois que j'ai de plus en plus de mal avec ça !

Il se met à rire puis se lève pour se rapprocher de moi, je bondis de la table avant de reculer d'un pas, me retrouvant rapidement bloquée par l'objet derrière moi.

– J'ai aussi un peu de mal avec les règles, surtout ces temps-ci.

L'homme a pris une voix bien plus grave et je peux sentir son haleine mentholée tant il se rapproche de moi. Mon cœur s'emballe, mais pas de plaisir, ce n'est pas le même sentiment qu'avec Kerian, il s'emballe de frayeur, et si l'homme m'embrassait, s'il me touchait ? Qu'est-ce que je pourrais faire ? J'arrête totalement de respirer de peur de laisser échapper un cri.

– Pa... Pardon ?

– Tu m'as très bien entendu, Holly.

L'homme passe sa main dans mes cheveux avant d'aspirer sa lèvre inférieure. Je ne sais ni quoi dire, ni quoi faire, je suis tout bonnement effrayée par la suite des événements. Le professeur passe délicatement sa main sur ma jambe recouverte d'un jean tout en se mordillant la lèvre.

– Non, s'il vous plaît...

Des larmes commencent à perler sur mon visage tandis qu'il attrape ma hanche.

– Chut.

Je continue de le supplier, je donnerai tout pour qu'il arrête, pour qu'un inconnu entre dans cette foutue salle pour me venir en aide, je crois n'avoir jamais eu aussi peur de ma vie, ma tête commence à tourner et un horrible mal de ventre se manifeste brusquement. L'homme approche son visage du mien et s'apprête à m'embrasser quand un énorme bruit le fait s'arrêter net et lorsque je relève la tête, je crois halluciner en voyant Kerian. Le grand blond est furieux, je peux sentir sa colère émaner de son corps robuste. Il a la mâchoire plus serrée que jamais et une lueur noire semble provenir de ses sublimes yeux. La peau du beau blond semble avoir virée au rouge et des veines parcours ses bras musclés ainsi que son front. Il se rue vers l'homme qui a déjà fait deux grand pas en arrière puis attrape sa gorge pour le pousser contre la fenêtre donnant sur le terrain de sport. Ce dernier pousse le professeur si fort contre la vitre que je crois, l'espace d'un instant, que ce dernier s'est évanoui, mais non, l'homme semble apeuré et du sang coule de l'arrière de son crâne alors qu'il se laisse tomber sur le sol.

– Espèce de fils de pute, si tu savais à quel point j'ai envie de te butter.

Le visage déjà balafré de Kerian le rend d'autant plus effrayant, prise de peur, je me rue vers ce dernier pour tenter de le calmer, je ne peux pas le laisser comme ça, je ne peux plus le laisser se battre pour moi, même si cette fois ce connard de monsieur Mayers l'a mérité !

– Kerian, s'il te plait calme-toi, je souffle en attrapant sa main.

Son visage semble se radoucir, il recule d'un pas, laissant partir en courant le lubrique professeur. Le beau blond, toujours tourné vers la fenêtre semble tenter de canaliser sa respiration, je pose ma main sur son épaule mais il me repousse violemment avant de finalement quitter la salle en courant, me laissant seule au beau milieu de la salle, tremblant comme une feuille.

Soulmate - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant