Soulmate - Tome 1

Chapitre 70

  Cher journal, si tu savais à quel point je hais Kerian. Le voir avec cette pétasse de Jil me conforte dans l'idée qu'il s'est toujours foutu de moi. Après tout il n'a pas mis tant de temps que ça à passer à autre chose ! Et pourtant son doux murmure ne cesse de raisonner dans mon cerveau « dors bien mon ange ». Comment peut-on avoir l'audace de dire une telle chose à une fille et sortir avec une autre la semaine suivante ? Comment ai-je pu être aussi stupide ? Tout ça ne devait être qu'un jeu. Et dire que j'ai perdu ma virginité avec un tel crétin ! Plus les jours passent et plus je regrette cette fichue école catho. Là-bas, il n'y aurait certainement pas eu d'histoire de la sorte ! Tout à l'heure, lorsque je me trouvais face à lui, toute la douleur présente en moi semblait s'accentuer un peu plus à chaque seconde passée à le regarder dans les yeux. Je pouvais voir dans son regard tout le regret qu'il tentait de me transmettre, un regret fondé de toute pièce, c'est évident. Plus les secondes passent, et plus je me dis qu'avoir embrassé Leo n'était pas une si mauvaise chose, comment est-ce que j'aurais bien pu me rendre compte du vrai visage de Kerian si je ne l'avais pas fait ? Finalement, cette erreur semble m'avoir été bénéfique.

Des larmes perlent sur les pages noircies de mon journal tandis que j'écris ces lignes. Je crois ne jamais avoir autant pleuré que ces derniers temps. Et bien que je ne cesse de me répéter que je suis forte, mon corps ne semble pas s'accorder avec mon cerveau. Et bien que ce dernier me hurle de me relever, de sauter la page, de mettre un point final à notre relation, mon corps tout entier semble comme figé depuis cette soirée fatidique. Comme immobilisé, paralysé par ses paroles plus que blessantes.

Je n'aurai jamais cru que de simples mots puissent avoir un tel impact sur moi, je n'aurai jamais pensé pouvoir me retrouver statufiée par de stupides paroles. Et pourtant, je me trouve là, comme inerte, attendant que quelqu'un ou quelque-chose vienne dégivrer le bloc de glace commençant à imprégner mon âme.

– C'est vraiment des conneries ! Crache la voix de Sandy dans la pièce d'à côté.

– Quoi ? Quoi putain ? Ce n'est pas moi qui ai merdé. C'est ce...

– Je m'en fous, Owen. C'est ta sœur !

Pourquoi Sandy et mon frère auraient une dispute à mon sujet ? Cette année devient de plus en plus étrange.

À cet instant précis, j'ai une atroce envie d'appeler Evy ou bien Rachel, de sortir et d'aller me déhancher en boîte de nuit. Je ne veux plus penser à ce crétin, je veux me vider l'esprit. Je crois l'avoir bien mérité après toutes ces mésaventures ! Je m'apprête à attraper mon téléphone pour appeler l'une des deux filles quand le grincement de ma porte de chambre me fait presque sursauter. Je me retrouve alors face à Sandy et Owen.

– Il y a un problème ?

Ma voix grave provoque une quinte de toux à Sandy qui se retourne pour regagner la chambre de mon frère.

– Je suis désolé pour... tout à l'heure, j'ai vu la manière dont t'es partis en voyant Jil et Kerian.

– Ne me parle pas de lui.

Ma voix sèche le fait reculer d'un pas. Je m'en veux de lui avoir parlé de la sorte, après tout ce n'est pas de sa faute. Il n'y est pour rien et il n'a pas à payer pour les conneries de son soi-disant meilleur-ami.

– Je suis désolée, je ne veux juste plus entendre parler de lui, je souffle d'une voix douce.

– Leo est devant la maison, il veut te parler.

Mon frère hausse les épaules avant de regagner sa chambre sans m'en dire plus. Je lance un regard à mon réveil affichant un peu moins de vingt heures et enfile une légère veste. Je dévale les escaliers tout en me demandant ce que Leo peut bien me vouloir. Il doit m'en vouloir de l'avoir envoyé sur les roses tout à l'heure. Je suis consciente d'avoir été bien trop dure avec lui, mais qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ? Lui sauter dans les bras ? Non ! Je ne suis pas Kerian, je ne compte pas sauter sur le premier venu quelques jours après ma rupture.