Il y avait ce jardin dont la neige ne recouvrait que les bustes des statues qui se trouvaient là, sur leurs socles de marbre gris.
L'herbe cousait et traçait son manteau de verdure par delà les allées ; sur le dessus s'y agripaient des perles de pluie verglacées.
Les Saules pleureurs enlaçaient ces Vénus de pierre, ces Apollons de granit et ces quelques Muses ayant inspirées de grands sculpteurs à l'âme étriquée.Et au milieu de ce dédale de corps trônait un banc. Avec les années le bois devint usé et son dossier grinçant fut le perchoir d'une multitude d'oiseaux. Il en avait connu des âmes esseulées ce banc, il en avait vu des désillusions.
Au printemps 1920, un homme affublé d'un chapeau haut de forme, soutenant ses pas d'une canne à pommeau doré venait y retrouver une jolie jeune femme.
Brune, les cheveux épinglés en chignon au creux de sa nuque, le dos parsemé d'une avalanche de grains de beauté formant un amas de constellations. Elle était habillée de la même robe jaune pâle à chaque rendez-vous et à sa taille flottait un ruban fait de velours noir qu'Il lui avait offert un matin d'Hiver.
Enserrant son corps et soulignant la finesse et la grâce qui émanait d'elle.Lui était couturier dans une petite boutique, fort modeste, elle faisait l'angle de la rue face au jardin.
Chaque dimanche, il en sortait à la main un petit paquet enrubanné, vérifiait une dernière fois sa coiffure dans la vitre jaunie et bombée par le temps. Il la retrouvait assise sur ce banc, son nez plongé dans les pages d'un roman, d'un recueil de poèmes, dès son premier regard par la grille. Et comme chaque dimanche, il lui offrait une de ses plus belles pièces et comme chaque dimanche elle le lui refusait prétextant que ce n'était pas pour elle ; mais il n'abandonait jamais, espérant qu'un jour elle reparte avec un nouveau ruban comme celui qui ne la quittait plus.Mais il ne comprenait pas qu'elle, ce qu'elle voulait voir encercler son corps et ses yeux ce n'était rien d'autre que les bribes d'un livre de poésie.
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Entre Baudelaire et Moi
RastgeleSi t'aime te perdre dans un bordel magique, chausse tes lunettes.