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huit

-Je savais qu'elle allait mourir, tu sais. Je l'ai su avant même de la rencontrer. Et les gens pensent que savoir rend la douleur moins insupportable, mais c'est faux. On a l'impression de ne pas avoir assez profité du sourire de cette personne, de ne pas l'avoir rendu assez heureuse pendant qu'il était encore temps.

Samuel haussa les épaules.

-Je ne connaissais pas sa famille, elle ne connaissait pas la mienne. J'ai été invité à l'enterrement par le biais de l'hôpital, qui avait bien remarqué que j'accompagnais Violette à chacune de ses chimio. Mais c'est tout ce que j'étais, sourit-il tristement, "le joueur de football qui accompagnait Violette en chimio". Alors j'ai dû faire mon deuil tout seul, me battre contre les souvenirs qui me hantaient jour et nuit tout seul.

Il sourit.

-Mais je sais qu'elle est mieux peu importe où elle est. Et c'est à cette idée que je me raccroche quand les souvenirs refont surface. Ça arrive de moins en moins, maintenant.

-Vous avez une très belle histoire, Samuel. Je suis désolée qu'elle se soit arrêtée comme ça.

-C'est comme ça qu'elle devait se terminer, haussa-t-il les épaules, et Rose sourit.

-Tu acceptes mieux la mort que moi.

-Mon histoire avec Violette n'est pas comparable à ton histoire avec Lilith.

Rose ne répondit rien, et cette fois, ce fut au tour de Samuel de poser sa main sur la sienne.

-Tu veux bien me raconter ?

-Lilith et moi on s'est rencontrées quand on avait seize ans, et je me suis répétée longtemps que c'était juste une amie. C'est un peu une histoire digne d'une série, sourit-t-elle, parce que Lilith me plaisait mais j'ai décidé de sortir avec un de nos amis pour essayer d'étouffer mes sentiments. Quand je me suis rendue compte que ça ne fonctionnait pas du tout, je l'ai quitté, et Lilith s'est mise en couple avec une autre fille à ce moment-là. Bref, on a mis du temps à se mettre ensemble, c'était quelques mois avant nos dix-huit ans, je m'en souviens très bien.

Rose fit une pause dans son récit, et Samuel comprit qu'elle allait passer à la partie la plus difficile à raconter.

-Elle s'est fait renverser. Une voiture a grillé un feu rouge quand elle traversait et elle n'a pas eu le temps de réagir. Elle est morte sur le coup.

Samuel serra sa main, et il hésita à dire à Rose qu'elle avait le droit de pleurer avant de réaliser que si elle se retenait, c'est qu'elle avait une raison, et en parler allait juste la faire éclater en larmes.

-J'étais en vacances en Italie quand c'est arrivé. Elle devait me rejoindre quatre jours après et elle a jamais pu. Moi, j'arrive pas à envisager le fait que notre histoire devait se terminer comme ça, elle me laisse un goût amer dans la bouche, il manque la fin. Je sais pas si j'allais faire ma vie avec elle, si on allait finir par prendre des chemins opposés. Mais mon entourage ne comprend pas non plus que je sois toujours triste. Pour eux, c'était simplement une amourette de jeunesse de laquelle je dois passer au-dessus.