🌊Chapitre 2 (2/2)

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C'est pas vrai ! Je suis vraiment tribut pour les Hunger Games, c'est pas vrai !

J'ai la tête qui tourne, mon cerveau bouillonne. Je veux sortir tellement de jurons que je n'arrive qu'à bégayer tellement ma colère me tord les muscles. Encore plus agacée par mon incapacité à hurler ma haine, je louche sur un cendrier posé sur la table et l'envoi valdinguer à l'autre bout de la pièce.

Il s'écrase dans un bruit sonore contre un tableau qui manque de tomber à son tour. Ce simple geste d'amertume me remet légèrement d'aplomb, puis la porte grince et s'ouvre.

Je me reposte, droite comme un manche à balai. Un Pacificateur apparaît, suspicieux.

-Qu'est-ce qui se passe ? Demande-t-il, sa voix étouffée par le casque.

Je reprend mon souffle avant de répondre, d'un ton que je veux maîtrisé.

- L'attache du tableau vient de lâcher. Je laisse tomber platement.

Quelle connerie ! S'il voit le cendrier, je suis fichue. Je prie intérieurement.

Je le vois se diriger vers l'œuvre d'art qui ressemble à une nature morte. Puis je vois son regard attiré par quelque chose qui ne va pas dans le décor : le cendrier !

Mais au même instant, la porte s'ouvre sur un autre Pacificateur, accompagné de plusieurs personnes. Je reste statique, mes orbites bougeant dans tout les sens. Je suis tellement nerveuse que je veux éclater de rire, brutalement. Le premier se retourne et oubli la présence du cendrier et s'éclipse de la pièce avec son collègue.

Je me retrouve devant mes sœurs adorées et Maman. Les larmes me montent aux yeux et les filles se jettent dans mes bras et pleurent de tout leur saoul. Ça m'aide pas.

Maman nous regarde sur le côté, reniflant silencieusement. Je poste ma tête en arrière et récupère les pleurs qui veulent m'échapper. Pas question de pleurer.

- Tu ne peux pas partir ! Reste, s'il te plaît ! Pleure à chaudes larmes, Emer.

Je les oblige à s'écarter de mon corps. J'étouffe, je ne dois pas pleurer, elles sont ma faiblesse, je ne peux pas me permettre de m'amollir, dans un moment si important.

Je hoche la tête, pour leur faire comprendre que je ne peux pas dire un mot au risque de fondre comme une guimauve.

- Nous laisse pas seules avec Père. Déclare Whisper qui pleure, en pleine détresse.

Je soupire et les sers à nouveau dans mes bras. C'est tout ce que je peux faire pour l'instant. Je ne veux pas penser à Père, il n'est même pas venu.

Quelle merde, quelle poisse pas possible, bon sang !

Et je peux encore continuer longtemps. Je me calme, intérieurement, doucement. J'arrive enfin à articuler quelques mots.

- Soyez fortes, ne vous laissez pas écraser par les décisions de Père. Je vous promets de revenir.

Qu'est-ce que je raconte ? Je vais laisser mon cadavre à la merci de la morgue du Capitole, oui. Peut-être que mon enveloppe charnelle va devenir une affreuse mutation génétique. Quelle horreur !

Mais mon devoir est de les rassurer, je vais m'inquiéter pour moi, après. Les filles hochent la tête et s'écartent pour me laisser approcher Maman. Tout ça dans une symphonie de sanglots de cœurs brisés.

On s'observe un moment.

Maman ne se contient presque pas, mais elle est aussi silencieuse qu'une plume portée par le vent. Je vois ses yeux marrons que j'envie particulièrement, ses yeux doux que je n'aurai jamais.

J'aurai tellement voulu être banale et ressembler à Maman, qu'être extraordinaire et m'apparenter à Père.

Je frissonne, quelque chose que je ne peux pas changer, comme mon nom tiré au sort parmi des millions de papiers.

- Ma jolie, magnifique fille, tu vas me faire le plaisir de revenir saine et sauve. Murmure-t-elle pour que je sois la seule à l'entendre. Je vous aime tellement, mes chéries. Déclare-t-elle à voix haute.

Un nouveau câlin général, ma vue se brouille, est-ce que je vais m'évanouir ? Des uniformes blancs viennent les récupérer et puis plus rien, je suis à nouveau seule dans la pièce.

Ah non, je retire ce que je viens de dire, je suis terriblement mal accompagnée.

Père est là.

Je frissonne terriblement. Une nausée se coince dans mon œsophage, ce qui n'arrange pas à l'arrière goût acide qu'il amène avec lui.

On se toise longtemps. Enfin, il me détaille sans retenue et moi j efixe ses chaussures dont les lacets sont collés de sable.

Qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce qu'il fait là de toute façon ?

- Tu as le potentiel de gagner et de rendre le district Quatre fier ,fait-le. Gronde la voix rauque de Père.

Je relève la tête. Peut-être que ses mots ont un sens affectueux, mais je ne le sens pas, d'ailleurs, j'ai l'illusion qu'une baignoire d'eau glacée vient de se renverser sur mon visage.

Je suffoque presque dans le vide. Je croise ses yeux clairs, la même lueur lumineuse en échappe sur cette peau sombre que les miens. Je ressemble à Père et cette pensée me met sans dessus-dessous.

Puis, une révélation me vint à l'esprit comme un poisson-lune qui réverbère la lumière de la surface de l'eau. Un courage fugace qui me traverse comme un éclair.

Je vais mourir pendant les Hunger Games, je le sens, alors autant lui dire ce que je porte sur mon cœur, maintenant.

J'ouvre la bouche, mais je suis tellement angoissée et nerveuse de défier cette figure autoritaire qui m'écrase depuis toujours, que je ne laisse que des bégaiements sortir d'entre mes lèvres.

Je crois que je bafouille depuis mes douze ans, ma première année inscrite à la Moisson. J'avais peur, j'étais soumise à mon affolement. Je me souviens mettre cachée dans le placard de l'entrée pour ne pas accompagner Père et Maman à l'Agora.

Ce comportement -puérile et insolent- selon Père l'a mis en rogne totale. Il a arraché la porte, je m'en souviens comme si c'était hier et il m'a donné une gifle si puissante, que j'avais saigné du nez. Depuis ce jour, je bégaye lorsque je suis trop en colère ou trop paniquée.

Triste vérité.

- Parle ! Hurle Père avec puissance, me faisant trembler de tout mes membres.

Je tremble quelques secondes, puis je prend mon courage à deux mains. Je me calme, j'essaye de me contrôler. Père me terrorise depuis ma plus tendre enfance, mais maintenant que je vais mourir, ce n'est plus le moment de tout garder pour soit. Je ne veux pas me faire dévorer par mes regrets.

Je le fixe droit dans les yeux. Nos iris se mélangent presque, grises et vertes.

-Père, je t'aime mais... pendant toutes ces années, tu as vraiment été qu'un con ! Crié-je moi-même pour me donner la force, de terminer la phrase qui me tient à cœur.

Un silence persiste pendant quelques secondes, puis mon cou craque et ma tête se décale sur le côté, j'ai la joue en feu.

J'en pleure même pas, tellement je suis étonnée. Il vient de sceller un traumatisme dans ma chair : une nouvelle humiliation, acerbe et sèche.

- Exprime-toi correctement, tu m'écœures à parler comme les mécréants du district. Tout ce que je te demande, c'est de gagner : un ordre clair et net, il me semble et ne me déçoit surtout -il appui sur ce mot- pas. Crache-t-il en fermant brutalement la porte derrière lui.

Je n'ai pas le temps de lui dire que finalement je ne l'aime pas, je le hais profondément ! C'est trop tard, parce que Père a toujours le dernier mot.

Je frotte ma joue comme un mécanisme, le rouge doit bientôt disparaître. Bientôt.

Bientôt, il va être le dernier de mes soucis.

EVREN ━゙HUNGER GAMES✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant