ellE T4 : La Chanson Du Corbeau (En Rééctiture)

23 Octobre 2018, 15:09

La première chose que je fais en sortant de l'aéroport d'Édimbourg, c'est de laisser Happy sortir et rejoindre mon épaule. Surpris par l'écart de température, il se blottit à moitié dans mon coup et la capuche de mon manteau. Au chaud. Nous prenons alors la route pour rentrer à Dundee, à la « maison ». Ça me fait tellement bizarre de me dire que j'y retourne. Et je n'arrive pas à savoir si c'est enfin ou malheureusement le mot qui définit le mieux mon retour. Et au-delà de la maison, je vais retrouver Cameron et Sydney. Et ça aussi ça risque d'être dur aussi. Ce sont les deux seuls que j'ai accepté de revoir dès mon retour en Écosse. Les autres, je les reverrais peut-être, mais plus tard, il me faut un peu de temps d'acclimatation.

Les seuls que je refuse catégoriquement de revoir, c'est Gwen et Terrence. Je ne veux plus les voir. Pas après ce qu'ils ont fait à Bulle et indirectement à moi aussi. Je ne peux pas leur pardonner et je ne veux pas leur parler. Et au donc, je pense que je ne leur en veux pas seulement d'avoir abandonné Bulle et de m'avoir assommée pour me forcer à fuir, je leur en veux aussi d'avoir compris que j'étais encore en vie et d'avoir partagé la nouvelle. Sans eux, je serais restée innocemment dans ma jungle avec Happy.

Quand nous arrivons à Dundee, nous déchargeons les affaires et je reste à traîner au niveau de la véranda, Sydney et Cameron devraient arriver dans quelques dizaines de minutes et je ne sais pas pourquoi, je n'ai pas envie d'aller dans ma chambre ou de faire quoi que ce soit. Eyia m'a dit qu'elle les avait emballés dans différents cartons pour que mon frère ou mes parents puissent en récupérer quelques-une facilement lorsqu'ils auraient l'occasion, ce qui heureusement n'était pas encore le cas avant que les Pirie me déclarent finalement vivanet. Mais malgré tout, je ne veux pas retourné dans cette pièce j'ai l'impression qu'elle est associée à trop de choses de mon ancienne vie et j'ai presque peur d'y être confrontée. Il y a tellement eu une rupture entre celle que je pensais être et celle que je suis devenue qu'être confronter à un lieu qui m'appartenait et que j'avais aménagé à ma manière, je n'en suis pas encore capable.

Angoissée à l'idée de voir mon frère et Sydney, je détache ma tresse pour laisser tomber mes cheveux devant mes énormes cicatrices dues à l'attaque du jaguar, des mois plus tôt. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai besoin de leur cacher ma monstruosité, ne pas leur faire subir directement tous les changements que j'ai subis. Déjà que je ne suis pas sûre de pouvoir cacher mon moignon. Je vais essayer quand même, le gardant dans ma poche à leur arrivée. C'est stupide, surtout qu'ils sont peut-être déjà au courant en fonction de ce que les Pirie leur ont dit, mais mentalement je préfère. En les voyant, Happy va tout de suite se cacher dans mon cou le plus discrètement possible.

— Tu es vraiment vivante... soupire Cameron soulagé ne semblant pas y croire.

Je me retiens de dire malheureusement. Bon sang, je n'aurais jamais dû accepter de les revoir tous les deux aussi vite. Le pire, c'est Cameron. Je n'ose même pas vraiment le regarder. Lui qui a été tout autant tromper que moi, qui a toujours cru que nous étions jumeaux. Je ne veux pas le regarder et être frappée par nos différences ou tout ce que nous avons vécu ensemble.

— Ça fait tellement longtemps, se désole Sydney. Si tu as besoin de...

— Je ne veux pas en parler. Jamais; lâché-je anticipant sa proposition.

— On a essayé de t'aider, affirme Cameron. On a fait comment tu nous avais dit, on a arrêté la quête pour essayé de faire pression sur les Áídios et la Phylakḗ, mais ça n'a pas marché.

Je garde le silence, sachant déjà bien que ça n'a pas marché, sinon je n'en serais peut-être pas là actuellement. Si ça avait pu marché, peut-être que ça aurait été différent. Mais là, soit la pression n'a pas été assez grande, soit j'étais trop importante en tant que prisonnière.

— On va sûrement organiser le voyage en Russie en décembre, annonce Sydney. On pourra reprendre la quête tous les cinq.

— Je ne viendrais pas. C'est votre quête, pas la mienne. Vous en faites partie, pas moi, je n'ai rien à y fait, je n'étais pas censé en faire partie. Vous n'avez pas besoin de moi.

— Ce n'est pas vrai ! Tu en fais partie. On a besoin de toi, s'exclame Cameron.

— Non, c'est la vérité, je ne suis pas du 29 février. Je n'aurais jamais dû vous accompagner. Et je ne vous ai jamais été utile, je ne servais à rien. Vous vous débrouillerez tout aussi bien sans moi.

Sentant bien que je ne suis pas ouverte à la discussion, ils n'insistent pas plus et le silence s'installe à nouveau.

— Il faudrait organiser une réunion pour l'Antasía, remarque Sydney après un petit temps. Pour prendre de nouvelles décisions maintenant les Akra sont au pouvoir.

— Il n'y a plus d'Antarsía, c'est fini.

Je n'avais pas totalement pris ma décision avant cet instant, mais maintenant que c'est dit, je sais que c'est la meilleure chose à faire. Après avoir rencontré les Epa et les « ancien » Akra, j'ai appris la vraie réalité et les vrais risques, ceux dont je n'avais pas vraiment pris la mesure avant. Maintenant, je ne peux plus tenter et je m'en veux même d'avoir entraîné mes proches dans cette folie. Ils ont déjà eu énormément de chance et leur chance tient uniquement à N, ce qui signifie qu'à tout moment elle peut tourner. Et maintenant que c'est lui au pouvoir, il ne vaut mieux pas s'y opposer alors qu'il est au courant de notre mouvement et qu'il sait exactement où nous sommes. Je ne doute pas une seconde que s'il voulait, il pourrait tous nous jeter en prison.

— Tu n'es pas sérieuse ! s'offusque Sydney. C'est important, on ne peut pas rester à rien faire, il faut qu'on agisse.

— Gérez-vous même, je ne veux plus en faire partie, ce n'est plus mon problème, affirmé-je décidant d'en rester là dans la conversation et de partir.

— Lindsay attend ! m'arrête Cameron en me retenant par le bras gauche.

Happy crache, mécontant. Et mon moignon qui était caché dans une poche se retrouver à découvert à cause du mouvement de Cameron.

Immédiatement, les yeux de mon frère se posent dessus, surpris et choqués. Il n'était pas au courant. Le regarde de Sydney se pose aussi dessus, me confirmant qu'ils ne savaient pas.

— Lâche-moi, menacé-je furieuse.

— Qu'est-ce que... hésite-t-il en obéissant.

— C'est bon, vous avez assez admiré le monstre ? lâché-je en partant.

Cette fois, ni l'un ni l'autre ne me retienne et je me précipite dans les escaliers, grimpant jusqu'au toit, tremblante. Je ne m'attendais vraiment pas à ce que ce soit plus dur de me retrouver face à mon frère que face aux Pirie... Sûrement parce qu'il ne s'attendait pas à ça, la triplette m'a vue à travers leur vision, ils savaient à quoi s'attendre. Cameron et Sydney par contre... Bon sang, c'est tellement dur. J'aimerais tous effacé et tout recommencer de zéro.