Je n'ai pas fermé l'œil du reste de la nuit, incapable d'effacer les images et les paroles de N. Je suis juste restée dans ma chambre, assisse part terre avec Happy, c'est tout ce que j'ai à faire ici. Je me sens particulièrement stupide de voir resurgir mes traumatismes comme ça et de sombrer si facilement alors que j'ai si bien tenu le coup jusqu'ici. J'étais censée être forte. Supporter tout ça, être courageuse. À la place, je fais des cauchemars et je n'arrive même pas à dormir. Pathétique.
Le pire c'est sûrement de devoir réaffronter mes traumatismes alors que je pensais que tout ça était derrière moi depuis longtemps. J'avais eu espoir, mais apparemment, ils n'étaient pas derrières moi, ils étaient bien devant et la forêt n'était d'une parenthèse enchantée.
Arrêtant de m'apitoyer sur mon sort, je décide de me préparer pour cette nouvelle journée. Je n'ai rien de prévu, mais je tiens à m'habiller. Je fouille donc dans les différents cartons, à la recherche de vêtements portables. Je sais bien que je n'arriverais pas à trouver mon bonheur, mais j'ai besoin de chercher, au cas où. Mais mes anciennes chemises et mes anciens pantalons me semblent tellement importables maintenant. Je n'arrive pas à savoir comment j'ai pu les supporter dans ma vie. Depuis que je suis sortie de la forêt, j'ai dû reporter des t-shirts et des pantalons, n'ayant rien d'autre, mais définitivement, je ne les supporte plus. J'aimerais avoir autre chose, je ne sais pas quoi, quelque chose de supportable, n'importe quoi me laissant respirer et bouger comme un pagne. Mais je n'ai rien qui s'y rapproche de près ou de loin.
Bon sang, j'ai tellement envie de retourner dans ma forêt. Furieuse, je me mets à pleurer. Là-bas, j'étais bien et en paix au moins. Presque frénétiquement, je continue à fouiller, désespérée. Je veux faire des efforts, j'essaye de faire des efforts. Mais tout me rappelle que je ne suis plus la même et que tout ne peut pas revenir comme avant. Je veux seulement être à ma place et me sentir bien, c'est trop demander ?
Abandonnant mes recherches, je balance tous les vêtements qui me tombe sous la main, de toute manière ils sont pourris.
Soudain, Eyia apparaît à la porte. Prise de surprise en la voyant, je lui lance ce que j'ai à la main. Elle rattrape la chemise, étonnée.
— Qu'est-ce qu'il se passe ici ? demande-t-elle en jugeant le chaos qui règne dans la pièce.
Le contenu de trois cartons est déversé sur le sol et les derniers membres de la pièce, prouvant mon accès de colère. Et au milieu de ça, il y a moi et Happy qui s'amuse gaîment sur le lustre.
— Tu as besoin d'aide ? Ça va ? vérifie-t-elle.
— J'en ai marre, je trouve pas de vêtements.
— Tu cherches quoi ? Je peux peut-être t'aider ? propose-t-elle en me rejoignant. Je crois qu'il y a un autre carton de vêtements par ici.
— Je ne les supporte pas. Je ne veux pas de tout ça.
Elle me regarde presque avec pitié.
— Ce n'est pas grave, viens, je vais te trouver quelque chose, je dois avoir des tenus dans mon placard qui devrait te convenir. On va trouver des solutions ensemble d'accord ? Ça va aller.
— Je veux pas abuser. Je... hésité-je incapable de trouver les mots.
Sentant que je vais sûrement sortir de la chambre, Happy me rejoint, ne voulant pas être laisser seul.
— Viens, tu ne me déranges pas. Je suis là pour ça non ?
— Je suis une amie horrible. Je t'empêche de dormir et maintenant ça, affirmé-je en la suivant malgré tout à l'étage.
— Dis pas ça, tu es une amie super, tu vis juste une période difficile.
Une vie difficile plutôt. La période difficile dure depuis environ dix-huit ans et demi. Mais je garde le silence, je ne veux pas inquiéter encore plus Eyia, je trouve qu'elle me surveille déjà largement assez du coin de l'œil en permanence.
Arrivée dans sa chambre, elle ouvre sa penderie et commence à fouiller. Pendant ce temps, Happy rejoint sagement le rebord de la fenêtre. Apparemment, il n'est pas plus perturbé que ça par le changement d'environnement, j'ai l'impression d'être même plus perturbé que lui. Depuis notre retour, il me suit gaîment dans la maison et ne pose aucun problème. Même les oiseaux de Rigel sont plus destructeurs et bêtisovore que Happy Malgré tout, j'ai l'impression d'Eyia le surveille du coin de l'œil, méfiante. Ou peut-être que c'est moi qu'elle surveille ?
— J'ai ce pantalon, qu'est-ce que tu en penses ? demande-t-elle en sortant une sorte de baggy en tissus.
Je l'essaye alors, de toute manière, ça pourra difficilement être pire que mes jeans et autres pantalons trop serré. Mais même si le pantalon d'Eyia est bien au niveau des jambes et de la libérer de mouvements, la ceinture élastique, ça ne le fait pas au niveau ventre. Ne se laissant pas abattre, Eyia sort un autre pantalon en toile qui cette fois coince au niveau des genoux, même si la ceinture est bien mieux. Ne se laissant pas décourager, Eyia me propose alors une jupe trapèze toute simple qui une fois de plus me dérange, mais par contre au niveau de la liberté de la matière. Mais j'ai beau dire à Eyia de laisser tomber, je ne trouverais rien, elle insiste... Elle me sort une nouvelle jupe plissé cette fois et en coton. Et à ma grande surprise, j'ai beau respirer, m'accroupir, m'étirer, bouger et tout, ça va. Et même le tissus sur ma peau nue et agréable.
Alors que j'avais peur que ça soit tout aussi compliqué pour le haut, Eyia sort du premier coup un t-shirt ample avec un col échancré, ayant apparemment compris mes problèmes.
— Je t'aiderais à vendre tes anciens vêtements et à acheter des nouveaux dans ce style si tu veux, me propose-t-elle directement. Si tu veux, je peux aussi te passer des chaussures, je crois qu'on fait la même pointure.
Sans m'en rendre compte, ce matin je n'ai pas mis mes vieux chaussons en sortant du lit. Je n'ai plus le réflexe. Mais le pire, c'est que ça ne me gène absolument pas, le sol est sûrement froid, mais je ne le remarque pas et je me sens presque bien comme ça. C'est bizarre à dire, mais je suis mieux pied nu qu'avec des chaussures ou des chaussons. Et vu comme j'ai blessé avec les chaussures lors de mon retour, est-ce vraiment si mauvais d'être pied nu ?
— Non, c'est bon, je suis bien comme ça.
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ellE T4 : La Chanson Du Corbeau (En Rééctiture)
ParanormalDernier tome de tétralogie ELLE comportant La Comptine Du Papillon, La Sérénade Du Serpent et La Mélodie Du Tigre Elle a tout fait pour fuir la réalité, mais maintenant que cette dernière la rattrape, elle va devoir l'affronter. Pire encore la vie e...