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7. Nostalgia

Prompt : « Je ne veux pas en demander trop. »

      Murphy détestait les matins.

C'était simple, entre ne plus jamais se laver ou affronter le réveil, il préférait l'option comas, bonus prince charmant beau gosse pour venir l'embrasser et le rejoindre au lit – voilà qui ferait une version décente de ce conte ignoble.

Déjà, le matin, c'était le début d'une journée et le début d'une journée, c'était le début du boulot et le boulot, il détestait ça. Travailler c'était fait pour les suicidaires et psychopathe et comble de l'ironie, il avait été les deux mais il n'avait toujours aucune affection pour le concept.

Ensuite, le matin, ça embrumait l'esprit et ça ramollissait les pensées, si bien qu'on pataugeait dans un marais d'incompréhension ; Murphy passait le plus gros de sa matinée à perdre le fil de sa pensée, recommencer et s'égarer à nouveau, résultant dans une perte de temps considérable et l'impression que rien n'a de sens. Parfois ça lui laissait même un arrière- goût acre au reste de la journée.

Les matins, il était crevé, parce que son truc c'était le soir, et que les deux ensembles faisaient aussi bien ménage que lui et Emori, et il continuait à remercier le ciel qu'il avait esquivé cette poêle – Emori aimait mettre son talent au base-ball à profit – ou il ne serait pas en capacité de s'amuser à jouer à la comparaison. Il passait la nuit dans les rues ou dans le lit d'un autre, papillonnant sous les étoiles et s'enivrant des sensations qui s'exacerbaient sans le vacarme des gens et l'aveuglante lumière du jour. Alors Murphy s'écroulait à des horaires indécents et se réveillait quelques heures plus tard avec l'impression que ses paupières pesaient du plomb et que son cerveau s'enfonçait dans des sables mouvants particulièrement visqueux.

Le seul bon point des matins en ce moment, c'était qu'il faisait jour quand il se réveillait et qu'il pouvait profiter des rayons du soleil pour ne pas avoir envie de se jeter de sa fenêtre. Parce que s'il y avait pire que les matins, c'était les matins nocturnes, et il remerciait le ciel d'avoir survécu jusqu'au printemps cette année encore.


     Quand Murphy passait la nuit dans le lit d'un autre, il se réveillait toujours en même temps que sa conquête d'un soir et partait avec un dernier baiser qui n'était pas dupe. S'il avait été malin, Murphy serait parti quelques heures après les baisers et les gémissements, dans la pénombre et le silence, pour disparaître sans traces ni caresses, mais Murphy était faible et se lever n'était juste pas fait pour lui, marmotte dragueuse qu'il était. Alors il supportait la gêne des conversation bredouillantes de deux êtres qui préféraient les corps aux mots – sûrement que ses pauvres victimes auraient préféré eux aussi qu'il s'éclipse discrètement pendant leur sommeil.

Aussi il ne s'attendait pas que ce matin-là, ce soit lui qui se réveille seul, dans un appartement une pièce qui n'était pas le sien, et dans des draps qui ne sentait absolument pas son odeur. Il y avait un jus d'orange sur la table et un croissant, et même s'il détestait ça, il l'avait avalé pour ne pas mourir de faim. C'était un concept qu'il n'avait encore jamais rencontré, disparaître de son propre appartement pour ne pas avoir à voir l'autre quand il part, mais Murphy appréciait grandement l'effort. Dans d'autre situation, il se serait rendormi pour ne se réveiller que la journée bien entamée, mais l'occasion était trop belle. Il était parti en claquant la porte et en laissant un post-it sur la table où il avait gribouillé un soleil et son numéro de téléphone. Ce n'était pas à son habitude de laisser des traces mais il semblait qu'ils étaient sur la même longueur d'ondes et il n'allait pas tirer un trait sur un aussi bon coup.

30 days to loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant