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6. Nostalgia

Prompt : « Comment tu le vis ? »

Raven fixait les traits figés de Murphy. A côté d'elle, Clarke, Monty et Jasper attendaient patiemment qu'il exprime sa peine.

« Tu le vis comment ? finit par demander la blonde doucement, hésitant à poser une main sur son épaule mais le geste semblait dérisoire.

– Pourquoi tu m'as dis ? »

Il s'était tourné lentement avec Raven, ne daignant même pas la regarder en face. Il avait parlé calmement mais la question dégoulinait de reproche. La mécanicienne fit la moue, tentant vainement de trouver les mots.

« Je sais pas Murphy... Tout le monde en parle, tu l'aurais appris à un moment ou à un autre, je pensais que tu préférerais l'entendre de ma bouche. »

Mais son ami secoua la tête, réfutant obstinément l'inévitable.

« C'est pas juste, il lâcha. C'est pas juste. » il répéta, et sa voix qui se cassait sur la dernière syllabe lui donna envie de se frapper. Le silence qui accueillit sa déclaration enveloppa leur corps figé pour quelques minutes jusqu'à que Jasper vienne s'accroupir prêt de Murphy pour prendre ses mains doucement ;

« Qu'est-ce que tu veux faire ? »

Le châtain fixa son ami sans vraiment le voir avant de déclarer ;

« Je veux faire funérailles.

– Il aura des funérailles, objecta Clarke.

– Je serais invité ? répliqua-t-il, glacé, et à cela, personne n'avait rien à répondre.

– Des funérailles, alors, avait concédé la jeune femme en haussant doucement des épaules. Viens, je connais le coin parfait. »

Quand Clarke s'arrêta, ils marchaient dans la forêt depuis plus d'un quart d'heure et ils venaient d'arriver devant un petit lac. Quelques roseaux se tiraient la bourre tandis que des grenouilles égarées entamaient des canons dissonants. L'endroit était calme et harmonieux. Clarke lui jeta un regard, à la recherche d'approbation, et Murphy eut un sourire mélancolique ;

« Il aurait aimé ce coin.

– C'est ce que je pensais aussi, elle murmura. Attends. »

Elle se baissa et ramassa quelques fleurs sauvages pour ensuite installer un galet blanc au sol et poser les fleurs à côté. Elle marmonna quelques phrases dans sa langue native et passa un doigt sur son front. Puis elle s'écarta de la tombe improvisée et ses amis vinrent murmurer quelques mots en l'honneur de défunt. Raven, qui était catholique, adressa même quelques prières. Murphy ne l'aurais jamais admis mais le spectacle avait quelque chose de touchant ; ses amis étaient en train de s'investir dans ces funérailles de dernières minutes dans la simple volonté de le réconforter. Quand ils eurent tous adressés leur dernières paroles, Clarke posa une main réconfortante dans son dos et lui demanda avec douceur ;

« Tu veux dire quelques mots ? »

Quand il s'agissait de dire ce qu'il ressentait, Murphy n'avait jamais été très bon. Pourtant, à cet instant, il y avait des milliers de syllabes qui se bousculaient dans sa gorge, des centaines de phrases qu'il ne pourrait plus jamais lui dire. Il aurait dû forcer le destin, l'obliger à l'écouter juste quelques secondes pour lui dire à quel point il avait changé sa vie. Il était trop tard.

« J'ai pas eu une vie facile. Mais tu l'as rendu plus facile. Je me rappelle de chacune des soirées où j'ai eu l'impression que le monde s'effondrait, où j'aurais préféré mourir que continuer, et où tu as été là pour me faire rire. Pourtant, tu peux leur demander, je rigole pas souvent. Mais toi t'avais toujours les bons mots, je sais pas comment tu faisais. Le plus con, c'est que je suis sûr que je suis pas le seul qui pourrait dire ça. T'as dû en réconforter un sacré nombre, des dépressifs comme moi, mais j'aurais voulu pouvoir te rendre tout ce que tu m'as offert. Je sais pas, je pensais pas que ce serait si vite fini. Dans ma tête, le destin nous aurait réunis et on se serait retrouvés et j'aurais pu t'offrir un peu du bonheur que tu m'avais offert. Un jour, je suis rentrée chez moi, il avait plu toute la journée et ma mère était comme morte. Ce soir-là, je me suis dit qu' y avait plus personne pour qui je vivais, que je ne servais à rien, que n'importe qui serait plus important dans ce monde que moi. J'ai repensé à tous ces cons dans ma classe qui au fond était mille fois mieux que moi et je m'en souviens parfaitement, c'est le jour où tu as déclaré « Pourquoi se comparer aux autres ? Personne ne sera meilleure que toi à être toi-même. » et je sais pas pourquoi mais c'est comme si tu me donnais une raison de m'accrocher. Je sais pas comment je suis censé continuer à avancer comme si de rien était si y a plus ton sourire pour veiller sur ce monde pourri. Tu vas me manquer, tu me manque déjà, tu vas manquer au monde entier et je voudrais revenir à l'époque où tout allait bien même si ça allait mal parce que tous les soirs, tu étais au rendez-vous pour me faire rire. »

Ça c'était tout ce qu'il voulait dire, tout ce qui lui passait dans le cœur, mais jamais il n'aurait eu la voix de porter ces mots dans le vent. Alors à la place, il prit une grande inspiration et se contenta de commenter avec une indifférence qui ne dupait personne ;

« T'es vraiment qu'un con d'être mort si tôt. » et il se dit que si les histoires d'au-delà existaient, alors il entendrait ses pensées et ce serait tout aussi efficace.

Ses amies attendirent patiemment qu'il soit prêt à repartir. Il avait furieusement envie de pleurer mais rien ne venait. Alors c'était ça, la fin ? Pourquoi on aimait, pourquoi on s'attachait si c'était pour finir comme un débile devant des grenouilles pas foutues de se taire cinq secondes ?

Ils reprirent silencieusement le chemin pour retourner au parc mais les pieds de Murphy trainaient. Il aurait voulu que quelqu'un lui affirme que tout se passerait bien et le prenne dans ses bras mais il n'y avait personne ici pour l'étreindre.

« Murphy ! »

Il redressa la tête à l'entente de la voix familière, son cœur loupant un battement.

« Putain Murphy, je viens d'entendre la nouvelle, tu vas bien ?! »

Essoufflé et les cheveux en batailles, Blake semblait avoir fait le tour entier de la fac en courant pour le trouver. A sa vue, les larmes montèrent d'elle-même et Murphy craqua enfin, créant des ruisseaux salés sur ses joues tremblantes. Bellamy se précipita dans sa direction et l'enlaça, tenant fermement le jeune homme entre ses bras, embrassant doucement ses cheveux. Ses amis les laissèrent doucement, un peu soulagés au fond que quelqu'un de plus talentueux dans le domaine de gérer les émotions indétectables de leur camarade.

« T-tu te rends compte ? baragouina Murphy en s'agrippant à son T-shirt.

– Hmmmmm, affirma doucement Bellamy en dessinant des cercles dans son dos.

– Il était jeune...

– Je sais baby boy...

– C'est pas juste.

– Eh, je sais que c'est dur mais je commence à me dire que même à mes funérailles tu ne seras pas aussi dévasté et ça commence à m'inquiéter. »

Et Murphy ricana doucement.

« On peut rentrer à la maison ?

– Et regarder Bob l'éponge ?

– Oui.

– Tu sais que la série ne va pas s'arrêter même s'il est mort pas vrai.

– C'est pas pareil, renifla Murphy avec peine.

– Je sais baby boy. Je sais. Ça va aller. »

Pour être honnête, Murphy se sentait surtout immensément coupable. Parce qu'il n'avait plus besoin de Stephen Hillenburg pour le réconforter les soirs de gris ; maintenant il avait Blake et sa voix qui disait que tout allait bien. Et si Bellamy pouvait le faire autant rire que Patrick l'étoile de mer, Bob l'éponge ne pourrait jamais lui faire autant d'effet que les lèvres de Blake qui happaient les siennes avec tant de tendresse.

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Alors. Nuit blanche, pas d'inspi et bac blanc, si ça peut donner une explication à pourquoi ce texte est aussi dégueulasse. Mais vous savez ce qui est encore pire ? I regret nothing. 


30 days to loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant