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15. Describe a smell

Prompt : « Pas besoin. »

Le truc un peu chiant c'est que maintenant, tous les putains de meuble sont empreints de ton odeur. Genre le matelas. Le matelas sent le sucre et ce truc un peu indescriptible qui faisait que ma tête tournait quand tu rentrais dans la pièce. Si j'enfouis ma tête dans les oreillers, ça sent ton shampoing au tilleul et le soin à la camomille que tu foutais dedans tous les mercredis. Tu prenais plus soin de ta crinière que moi de la mienne, j'adorais ça. Je trouvais ça drôle et adorable. Du coup j'ai changé les coussins. J'allais pas te renifler dès que j'allais dormir, non merci.

Dans la cuisine, ça sent le fromage en permanence, et c'est pas de ma faute, c'est de la tienne, c'est toi qui faisais des sandwichs grillés tous les matins au lieu de manger un petit-déjeuner comme tout le monde. Le micro-onde a cette odeur de lactose cramé dès qu'on l'ouvre et forcément, moi tout ce que je sens c'est ton haleine quand tu m'embrassais avant d'aller te préparer pour les cours. Y a que toi pour sentir le fromage fondu.

Dans la salle de bain, y a une légère odeur de tilleul et de camomille, de nouveau, et cette odeur chimique de savon pour homme que vous mettez tous pour vous sentir viril et sexy. Mais c'est principalement dans la douche, j'ai fait couler l'eau et j'ai savonné et ça a fané. Dans un mois, ça ne sentira plus que la rose – mon savon – et le citron vert que tu disais empester quand tu embrassais mon crâne. Quand je me coiffe, y a toujours ton eau de Cologne qui rentre dans mes narines, alcool, sable et chaleur, une sorte de mélange désertique d'été canicule, j'aimais bien ce parfum, il t'allait bien. Maintenant que je l'ai brisé sur le sol, ça a empreint le carrelage et les murs et je risque bien de ne jamais pouvoir m'en débarrasser. Ça m'apprendra à vouloir t'emmerder tiens, je ferais moins dans le dramatique la prochaine fois.

Quand j'ouvre l'armoire, c'est ridicule, mais c'est comme si l'odeur un peu souple et fraiche de tes vêtements n'était jamais partie, une sorte d'effluve d'adoucissant qui est pas totalement le mien, mêlé à ton odeur corporelle et ta transpiration, une odeur toute tendre mais qui est quand même la tienne. Je n'ai pas envie que mes fringues sentent comme toi alors je les ai déplacées le temps d'aérer et que ton fantôme se barre de mes étagères.

T'en as oublié quelques-unes en partant, de fringues, et je me suis surprise à les porter à mon visage pour respirer, justes quelques secondes, ton odeur. Un peu pathétique, je l'ai fait seulement trois fois et de puis je les ai balancés par la fenêtre. C'est un mélange de tout ça, de ton parfum, de tilleul, de camomille, de fromage fondu, avec aussi une toute petite note de menthe parce que tu mâchais tout le temps des chewing-gums et un reste rance de nicotine, relique de ta jeunesse que tu passais à consumer cigarette sur cigarette. Tu m'as dit avoir arrêté, mais tu continuais à en fumer deux-trois par semaines en pensant que je ne remarquerais pas.

Tu avais oublié ta veste dans ton départ à la hâte et quand je l'ai inspiré tout doucement, ça sentait notre dispute et mes cris. Ça sentait ta culpabilité et ta peine, le mensonge et la trahison, le pathétique, la mascarade, ça sentait un mélange aigre-doux de camélia, cambouis, orange, ça sentait le printemps, le sourire et le sarcasme, et surtout ça ne sentait ni toi ni moi.

Ça soule, mais ta présence traine encore dans mes narines dès que je rentre dans l'appart, et ça même si j'y amène d'autres mecs et d'autres meufs, et ça même si j'ouvre les fenêtres. Ça me donne envie de boire beaucoup et de t'appeler pour t'insulter, mais je ne le fais pas parce qu'au contraire de tes coups de fils à longueur de journée, je suis pas désespérée. Pas besoin d'être un géni pour savoir que ton odeur est la seule chose qui survivra à ta connerie dans mon appartement.

Alors ouais ça soule, mais tu sais quoi Finn ? Moi et mon odeur de citron vert, on survivra très bien à ton absence, et ça, ça vaut toute les effluves de formage fondu du monde.

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Un peu de girl power. Je vais me calmer sur les morts et les ruptures, promis, mais je suis dans une petite phase amère, vous m'excuserez. 

30 days to loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant