Quand Arès rencontre Apollon

HESTIA

Temple d'Hestia, Olympie

Dans la matinée après une longue balade dans les alentours d'Olympie, j'ai reçu une lettre apportée par Hermès. C'était une invitation envoyée par la déesse Hestia. Sur le coup, je m'étais demandé si la lettre m'était vraiment destinée, mais après vérification, elle était bien pour moi. Elle veut me voir dans son temple à Olympie. Elle a peut être eu vent des dernières colères d'Aphrodite par rapport à cette maudite nymphe ou pire...

Mon niveau de stress est à son maximum. Elle, qui d'habitude, reste à l'écart dans son temple loin des autres. C'est une déesse très solitaire. On oublie souvent de la voir comme une olympienne parce qu'elle est la plus discrète de tous et la moins problématique. Même Déméter est plus rebelle qu'elle. En y repensant bien, je n'ai jamais mis les pieds dans son temple à Olympie. Quand j'entre, je suis étonné que ça soit aussi sombre et très sobre. Pas de mosaïques louant sa gloire, pas de statues dorés, de fleurs ou des pierres précieuses. Au milieu, face au mont Olympe, il y a un énorme feu. La nuit, les mortels peuvent le voir et se repérer. C'est comme un phare. Avant d'entrer, j'ai déposé toutes mes armes. Une requête de la part d'Hestia. C'est une déesse très pacifique et elle déteste le combat, alors pour lui faire plaisir, c'est ce que j'ai fait. Je voue un grand respect à cette femme qui est la déesse du foyer. Les mortels lui donnent souvent des offrandes pour qu'elle les protège. C'est peut être aussi pourquoi je suis aussi stressé de la voir. Près du feu qui illumine la pièce, elle est assise, le regard dans le vide. Je me racle la gorge pour remarquer ma présence. Elle sursaute et me fait un faible sourire.

— Je suis contente que tu sois venu, assieds toi.

Hésitant, je m'assieds face à elle. Nous restons silencieux en regardant les flammes danser. Pour faire taire tous mes doutes, je lui demande :

— Pourquoi m'avoir fait venir ?

— J'aimerais te parler de quelque chose. Gaïa m'a parlé l'autre soir.

L'évocation de la Terre mère me fait trembler. Même si elle reste la plupart de son temps endormie, elle peut parfois, sortir et se réveiller. Elle est crainte de tout le monde, des dieux, des titans et des hommes. Elle apparaît dans les prophéties de Pythie ou en rêve. Souvent, ce n'est pas pour dire des bonnes nouvelles... Elle a toujours veillé sur ses nombreux enfants ou petits enfants, se mettant parfois dans des colères noires contre eux. Des colères que je préfère éviter en ce moment. Pour l'instant, j'ai à gérer la colère de ma femme et surement la future colère d'Apollon.

— Qu'avait-elle à te dire ?

- Elle a été très évasive dans sa prophétie. Plus que d'habitude, ce qui m'a surprise. Elle m'a dit le guerrier s'était épris du soleil et qu'ils couraient à leur perte. Hestia plante son regard dans le mien, attendant une réaction de ma part.

— Qu'est ce qu'il se passera ? Elle t'en a dit plus ?

- Vous prenez un grand risque, un risque qui pourrait être dangereux. L'amour que vous avez l'un pour l'autre est trop fort, trop puissant, trop impulsif. Il n'est pas une force pour vous, mais une faiblesse. Une faiblesse qui pourrait faire tomber l'Olympe. C'est une mise en garde de sa part.

La peur que j'avais au début n'est pas retombée. La mise en garde de Gaïa m'a fait vraiment peur. La  liberté que les humains nous envie est presque inexistante. Nous sommes tous accrochés au sort que les cieux et la Terre nous réserve. Des forces au dessus de nous que nous devons respecter. C'était sûrement écrit dans les textes que j'allais m'éprendre du dieu des arts. Des prophéties à gogo, que l'on préfère cacher ou ne pas connaître. Et puis, on se reprend tout dans la gueule par la suite.

— Est ce qu'elle en a dit plus ?

—  Non, les prophéties de Gaïa sont encore plus vastes que celles de la Pythie...

— Je lâcherai jamais Apollon, quoiqu'il se passe. Que les dieux soient contre, rien ne me fera changer d'avis. Je lance froidement.

— Tu es impulsif, imprévisible, Arès. L'équilibre que vous avez créé entre vous est comme une corde fine très facile à briser. Gaïa sait ce qu'il va se passer et arrêtez de jouer avec le feu. La preuve avec E...

Je la coupe d'un geste de la main. Alors comme ça, elle le sait. J'aurais dû me douter qu'elle était au courant.

— Tu mets Apollon dans une situation délicate en maudissant cette nymphe et toi aussi. Elle continue.

— Donc, pour toi, la meilleure des solutions est que je quitte Apollon ?

— Aphrodite est une femme jalouse, tu la connais aussi bien que moi. Elle fera tout pour te garder auprès d'elle.

— Elle ne doit juste rien savoir et tout ira bien. Je m'apprête à partir.

— La seule chose que je peux te garantir, c'est que je ne dirais rien. Si votre secret doit être dévoilé, ce ne sera pas par moi.

— Pourquoi tu fais ça ? Je lui demande étonné de sa réponse.

Elle se lève et chasse les quelques mèches rousses qui tombent devant ses yeux verts.

— J'ai vu trop de personnes se déchirer, décimer des populations et mourir par amour. Même si je ne vous porte pas tous les deux dans mon cœur, vous ne méritez pas une fin malheureuse.

Pour la première fois, un vrai sourire se dessine sur les lèvres d'Hestia. Son refus des hommes vient de mauvaises aventures, dont une avec Apollon, qui lui ont fait beaucoup de mal et pourtant, elle est la seule personne en qui j'ai le plus confiance  à cet instant. Même si, elle peut tout faire basculer en disant tout ce qu'elle sait. Hestia est une alliée et à la fois, une ennemie.

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