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Les doigts de Daniel enserraient ceux d'Anna à l'en faire mal, mais c'était bien la dernière des préoccupations de la jeune fille à cet instant. Un nouveau sifflement éraillé l'incita instinctivement à baisser la tête en avant en se la protégeant de son bras libre tandis que la famille courait en suivant la marée humaine qui fuyait à toutes jambes. Ballottée de toutes parts, frappée et bousculée, Anna devait mettre toute sa concentration et toutes les forces qui lui restaient pour arriver à tenir le rythme et suivre ses parents. Son frère, lui, s'était agrippé au bras de leur mère à deux mains, manquant de déchirer sa manche, les phalanges blanchies par la peur et la panique.

Mais Anna n'arrivait pas à s'accrocher aussi bien à son père. Le sang provenant des éraflures sur ses paumes suite à sa chute sur le trottoir les rendait glissantes, presque poisseuses, un détail dont la jeune fille, ainsi que son père, se ne préoccuperaient que trop tard.

Bien trop tard.

Un mauvais pressentiment étreignit soudainement la jeune fille tandis qu'ils fuyaient ce qu'ils avaient toujours connu jusque-là. Il était semblable à celui qui l'avait frappé lorsque Claire et elle avaient aperçu le gigantesque vaisseau triangulaire à travers la devanture du café de Mr. Judan.

Quelque chose arrivait.

Quelque chose...

Arrivés à un carrefour, à l'opposé du parc Monceau, comme Anna se rappellerait plus tard amèrement, il y eut brusquement un nouveau mouvement de foule provoqué par ce qui se rapprochait le plus d'une bombe larguée par l'une des variantes des vaisseaux octogonaux. La déflagration seule créa une vague qui coucha des dizaines de personnes ayant échappé aux flammes et à l'explosion comme l'aurait fait un carambolage. Le reste des survivants se jeta en avant, les hurlements redoublèrent de plus belle et la foule grossit encore, étouffante, menaçante.

Impitoyable.

Anna, qui était bonne dernière dans la file familiale, poussa un cri de surprise lorsqu'elle sentit ses jambes se dérober sous elle, entraînée par des fuyards pris dans l'effet domino résultant de la déflagration qui avait créé ce nouveau mouvement de panique. La terreur la submergea lorsqu'elle crut qu'elle allait terminer écrasée par la masse gigotante qui se débattait autour d'elle...

Et elle eut le cœur au bord des lèvres lorsque le mouvement brusque arracha ses doigts de la prise de son père.

— NON !

— PAPA !

Paniquée, la jeune fille se jeta de nouveau en avant dans l'espoir de rattraper la main de Daniel qui disparaissait déjà, mais un genou venu de nulle part lui heurta violemment le menton, manquant de la renvoyer à terre. Sonnée, un goût métallique en bouche, Anna perdit de précieuses secondes à recouvrer vaille que vaille ses esprits...

Et pendant tout ce temps là, elle pouvait entendre les hurlements déchirants de sa mère, les cris de désespoir de son père et les appels vains de son frère.

La gorge soudainement si serrée que la jeune fille crut qu'elle allait s'étouffer, Anna réussit elle ne sut trop comment à s'extirper de la foule jusqu'à heurter les restes encore fumants d'un arbre. Elle pouvait sentir des éclats de bois riper son dos, mais elle s'en fichait. C'était quelque chose de tangible, de dur, qui lui donna comme un signal. Elle se mit à hurler à son tour en appelant ses parents et son frère de toutes ses forces.

Elle aurait tout aussi bien pu être muette.

Sa famille avait disparue.

— Non, non, non, non, non, non, non... NOON !!

Les Insoumis : A Star Wars StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant