.10.

48 8 10
                                    

Anna se figea dans son mouvement, ses ongles cassés s'enfonçant dans sa paume tandis qu'elle resserrait instinctivement sa prise sur la poignée du placard qu'elle s'apprêtait à fouiller, le cœur battant à tout rompre de façon douloureuse dans sa poitrine. Puis elle tourna lentement la tête sur le côté en se mordant la langue à s'en faire mal.

La jeune fille avait naïvement assumé que la maison était vide lorsqu'elle y était entrée. Les vitres épargnées de celle-ci avaient semblé la rassurer sur le fait qu'elle aurait plus de chances d'y trouver de quoi manger, mais l'idée que quelque chose puisse également être enfermé à l'intérieur ne lui avait pas traversé l'esprit.

Mauvaise pioche, de toute évidence.

Bien qu'Anna n'aurait pas été fichue de comprendre comment la montagne de muscles qu'était le chien lui faisant à présent face avait pu être laissé tout seul. Ce n'était clairement pas le genre de bestiole à passer inaperçu.

Verte de trouille, Anna se redressa pour faire face à l'animal. Ce dernier était immobile, tendu comme un arc, ses yeux deux billes noires étincelantes tant ses pupilles étaient dilatées, ne la quittant pas du regard. Un nouveau grognement fit onduler ses babines, révélant des crocs blancs sous la chair de son museau. Le souffle bloqué dans la gorge, Anna comprit soudainement l'origine des sachets de viande éventrés et éparpillés sur le sol de la pièce. Ils avaient dû être laissés dehors à décongeler, et le chien, faute de repas, avait fini par avaler ce qu'il avait pu se mettre sous la dent.

La jeune fille entraperçut le bandeau de cuir d'un collier autour du cou épais du chien, mais elle doutait que cela signifie vraiment quoi que ce soit, à présent. Domestiqué ou pas, le bestiau était suffisamment gros pour estimer qu'elle ferait un repas convenable. Elle lutta pour avaler sa salive, le moindre mouvement se montrant soudainement impossiblement dur tant ses muscles lui semblaient raides.

Était-ce vraiment ainsi que toute cette histoire allait se terminer ?

Anna se mordit la lèvre en essayant, l'espace d'une seconde, de prendre en compte son environnement sans pour autant quitter le chien des yeux. Elle n'osait pas, de peur que l'animal ne se jette brusquement sur elle. Le chien se tenait pile dans l'entrée donnant sur le salon. Impossible donc pour elle de repartir par là. Elle n'était pas armée, et elle ne se pensait de toute façon pas capable de faire face à une telle bestiole dans son état à moins de n'avoir un bazooka en main (ce qui n'était clairement pas le cas).

C'est alors que la jeune fille remarqua du coin de l'œil une autre porte, directement sur sa gauche. Elle resserra encore davantage les doigts sur ses paumes en pleine cicatrisation. C'était sa possible chance d'échapper à un coup de croc ou même pire de la part de ce molosse, qui n'avait visiblement pas l'intention de la laisser tranquille. Il ne semblait en fait qu'attendre une chose : qu'Anna fasse le premier geste.

Combien de temps seraient-ils tous les deux restés ainsi, à se regarder dans le blanc des yeux ? Nul n'aurait su le dire, et certainement pas Anna, qui n'osait tout simplement pas bouger le moindre muscle pour éviter de donner envie au chien de bondir.

Puis soudain, un bruit lourd, profond et menaçant parut exploser non loin de la maison, les faisant sursauter tous les deux tandis que le silence et l'attente étaient brisés. Les griffes du chien cliquetèrent sur le carrelage de la cuisine tandis qu'il patinait sous le coup de la surprise, puis l'animal se mit à aboyer violemment. Même si Anna ignorait si c'était à cause d'elle ou de ce qui venait de se passer, elle ne chercha pas à en savoir plus. Manquant de trébucher sur la chaise renversée sur son passage, la jeune fille se jeta sur la porte close qu'elle ouvrit en l'envoyant claquer contre le mur et se précipita hors de la cuisine, débouchant dans un couloir menant à la porte avant de la maison. Celle-ci n'était pas verrouillée, et s'effaça avec fracas pour la laisser passer. Anna, terrifiée, tituba sur le perron couvert de poussière et de gravats, les yeux grands ouverts malgré la pâle lumière du jour qui l'éblouit quelques instants. Elle ne perdit pas un instant et se mit à courir, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, sa faim et sa fatigue momentanément oubliées. Sa plus grande crainte, à cet instant précis, était d'entendre le grognement terrifiant du molosse qui lui courait sûrement après, de sentir son souffle chaud sur les talons et ses crocs sur sa peau. 

Les Insoumis : A Star Wars StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant