Chapitre 2

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« Je ne l'ai pas encore réentendue. Cette voix qui a hurlé à l'intérieur de moi. Je n'ose pas en parler à la soigneuse, je ne crois pas que ce soit normal. D'après les souvenirs de ce corps, entendre des voix n'est pas sain chez les humains. Mais ce n'était peut-être rien puisque je ne l'entends plus. Peut-être n'était-ce qu'un souvenir particulièrement vivace... »

Tandis que je refais lentement surface, j'entends ces pensées. Ce ne sont pas les miennes mais elles sont prononcées dans ma tête, avec ma voix. Quelle sensation étrange que celle de ne pas être seule dans son esprit. Cette fois, je ne me laisse cependant pas surprendre. Je sais de quoi il s'agit. C'est cette chose qu'ils ont insérée dans mon corps. Une « âme ».

Le parasite se questionne donc sur ma présence dans sa tête, cela signifie qu'il m'a entendue un peu plus tôt. Cependant, tandis que j'ai ces pensées, il ne semble pas percevoir ma présence. Pourtant, moi je peux toujours entendre le déroulement de ses pensées. Je me demande ce qui a changé.

Lorsqu'il m'a entendue, j'étais furieuse et je voulais le faire savoir. Et si tout était question d'intentionnalité ? Peut-être m'entendra-t-il si je m'adresse volontairement à lui ? Peut-être que, la raison pour laquelle je l'entends, c'est parce que j'ai conscience de sa présence, alors que lui n'a pas conscience de la mienne – du moins, il s'efforce de croire que je ne suis pas là ?

Pour tester ces hypothèses, je n'ai qu'une chose à faire. Tenter de me manifester auprès de lui.

Je décide de me lancer sans plus tarder car entendre ses pensées commence à m'insupporter. J'ignore comment je pourrais endurer cela, les entendre sans arrêt, sans répit. Quelle torture qu'entendre les pensées de l'être qui nous tient captif...

« Eh, toi ! » je crie alors.

Je sens mon corps sursauter. Le parasite m'a entendue.

« Qu'est-ce que... »

« Je suis bien là, ne crois-pas que je sois un simple souvenir. Tu n'es pas fou non plus. Tu as peut-être pris mon corps, mais je suis toujours là. Moi, la propriétaire de ce corps. »

« May ? » m'interroge le parasite.

Je sens son souffle devenir saccadé tandis qu'il prend conscience de la situation.

« Oui, c'est moi . » je réponds, légèrement agacée de l'entendre prononcer mon prénom. « Comment dois-je t'appeler ? Je t'appelle le parasite car tu as volé mon corps mais tu dois bien avoir un nom. »

Il reste silencieux pendant un moment. Je l'entends se questionner sur la réalité de la situation. Il se demande si je suis réellement là. Finalement, il semble abandonner les armes.

« Sur ma planète précédente, on m'appelait... Rivière-qui-frémit. Je crois que ça se traduit comme ça dans votre langage. J'ai encore un peu de mal à m'y faire. »

« Vous avez tous des noms comme ça ? » je demande avec ironie.

Rivière-qui-frémit acquiesce en pensée. Je me fais la réflexion qu'elles aiment se compliquer la vie, ces âmes, mais j'imagine que ces noms ont un sens, là d'où elles viennent.

« Pour le moment, je t'appellerai Rivière alors. Rivière, est-ce que c'est normal que je sois toujours ? D'après tes pensées, j'ai cru comprendre que tu ne le pensais pas. Mais tu n'en a parlé à personne donc tu n'es sûre de rien. »

« Non, je n'en ai pas encore eu l'occasion. »

« Tu vas le faire ? »

La fille et l'âme [Les Âmes Vagabondes]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant