Chapitre 11

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« Ce sont des hot-dog que je vois ? » j'interroge Rivière en apercevant un stand à côté du parc.

Rivière porte son attention sur le stand et acquiesce.

« Tu en veux ? » me propose-t-elle.

Je ne peux m'empêcher de rire.

« Ce n'est pas comme si j'allais pouvoir le manger moi même. » je lui fais remarquer. « Ça me rappelle seulement des souvenirs. Il y avait un vendeur de hot-dog près de chez moi, je passais devant lui quand je rentrais du lycée. Je le trouvais très mignon alors je lui jetais des coups d'œil en cachette. Et puis, un jour, il n'était plus là. C'était un nouveau vendeur. Je ne l'ai plus jamais revu. »

« Tu n'as jamais essayé de le retrouver ? »

« Pour quoi faire ? » je m'étonne. « Ce n'était qu'un petit coup de cœur d'adolescente. Je ne lui ai jamais adressé la parole. Rien ne se serait jamais passé entre nous. C'est juste ce genre de moment qui nous fait réaliser qu'on devrait oser plus de choses. Pas forcément aller lui parler à lui spécifiquement, c'était insignifiant. Mais il y a tant d'autres choses que je n'ai pas osé faire dans ma vie. On peut être si stupide. »

« Comme quoi d'autre ? » demande Rivière avec curiosité.

« Oh, plein de petites choses. J'aurais du dire à mes parents à quel point je les aimais, par exemple. J'ai toujours pensé que ce n'était pas nécessaire car ils le savaient, mais j'aurais quand même du le leur dire. »

Je me perds dans mes pensées. Je pense à mes parents, je pense à Mina. Nous étions une chouette famille. Je n'ai jamais trop réalisé ma chance, à l'époque.

« Promets moi de ne jamais hésiter à faire quelque chose si tu en as envie. Profite de la vie comme il se doit, d'accord ? » je fais promettre à Rivière.

« Tu dis ça comme si tu allais me quitter... » note-t-elle avec inquiétude.

« Je ne vais nulle part. » je la rassure. « Seulement, on ne sait jamais ce qui peut arriver. »

« Tu ne t'éclipses plus beaucoup désormais, à peine quelques heures de temps en temps. »

« C'est vrai. Mais peut-être n'est ce que temporaire ? Je ne le contrôle pas, tu le sais. »

Rivière ne répond rien. Elle ne veut pas penser à cette possibilité. Je la vois se diriger avec le stand de hot-dog. Elle a décidé d'en acheter un, non par faim mais pour me faire plaisir. Par nostalgie.

Elle salue la vendeuse, une vieille dame avec des cheveux bouclés. Elle est tout à fait charmante mais cela ne suffit pas à éclipser notre trouble, à moi et à Rivière. Nous restons toutes deux silencieuses, sur le trajet du retour. Rivière déguste son hot-dog sans appétit tandis que je me remémore d'autres souvenirs insignifiants mais si précieux.

Après plusieurs minutes de marche, le motel dans lequel la troupe de théâtre loge entre dans notre champ de vision. Je grommelle dans mon coin, à l'abri des oreilles de Rivière. J'imagine déjà Vogue se précipiter vers Rivière avec une sollicitude des plus exagérées. Je ne suis pas jalouse, je suis au contraire ravie pour Rivière. Mais j'ai de plus en plus de mal à supporter cela. J'aimerais juste pouvoir m'éclipser de sa tête sur commande, parfois. Malheureusement, les choses ne fonctionnent pas de cette façon.

Plusieurs fenêtres du motel sont illuminées tandis que nous approchons. Le regard de Rivière est attirée par une silhouette sombre se découpant derrière l'une d'entre elles. Ses yeux se plissent. C'est alors que la silhouette disparaît brusquement et que le rideau se ferme, occultant tout mouvement dans la chambre.

La fille et l'âme [Les Âmes Vagabondes]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant