Chapitre 29

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Je déambule dans un labyrinthe de couloirs gris. Je cours à en perdre haleine, sans plus avoir aucune notion d'orientation. J'avance sans savoir ni où aller, ni ce que je fuis. Tout ce que je sais, c'est que je dois courir.

Je guette parfois mes arrières, effrayée à l'idée d'être rattrapée, sans vraiment savoir par qui ou par quoi. C'est alors que je tombe dans un cul-de-sac. Je m'apprête à faire demi-tour mais il est déjà trop tard. Une silhouette apparaît de l'autre côté du couloir, bloquant mon unique porte de secours.

C'est une petite silhouette que je reconnaîtrais entre mille. Mina, ma petite sœur. Pourquoi donc suis-je subitement envahie par la terreur ?

Le visage de ma petite sœur est obscurci par un sourire carnassier qui me glace le sang. Quelque chose ne va pas. Cette petite fille face à moi, ce n'est pas ma petite sœur. En tout cas, ce n'est plus elle. Impossible.

L'usurpatrice de Mina s'avance lentement vers moi et une menace plane dans son regard. Je demeure immobile, figée d'effroi. Mina se fige à son tour à quelques centimètres seulement de moi. Son visage se vide de toute expression pendant plusieurs secondes. Ses prunelles se rivent alors dans les miennes et mon cœur sursaute dans ma poitrine.

Cette fois, je reconnais ce regard. C'est le regard terrifié de ma petite sœur. Je le sais au plus profond de moi : cette fois, c'est bien ma Mina.

‒ Mina... je souffle.

‒ Sauve-moi, je t'en prie, May. Sauve-moi !

Ma bouche s'arrondit d'ahurissement et mes yeux s'embuent de larmes tandis que ma Mina disparaît à nouveau et que l'étrangère vole ses traits sans vergogne. Le regard méchant si inapproprié sur le visage de ma petite sœur me saisit d'horreur et je me mets à crier.

Je me redresse alors avec violence sur ma couchette, le cœur battant à tout rompre dans ma poitrine. Le visage déformé de haine de ma petite sœur s'estompe progressivement dans mon esprit tandis que je réalise que tout ça n'était qu'un cauchemar. Un cauchemar qui a pour conséquence de me renvoyer la réalité en pleine face.

Je m'efforce depuis si longtemps d'oublier la situation, m'enfermant dans le déni, tout simplement parce que j'ai le sentiment de ne rien pouvoir faire à cette maudite situation. Et si je me trompais ? Si j'y pouvais quelque chose, contrairement à ce que je pense depuis tout ce temps ?

Brusquement, je me sens mue d'une volonté inébranlable. Je dois retrouver ma petite sœur. Je dois tout mettre en place pour la retrouver, en admettant qu'elle est encore de ce monde. Je l'ai trop longtemps délaissée, me satisfaisant de cette vie tant rêvée. Cette responsabilité vis-à-vis de Mina, je l'ai trop longtemps oubliée. Je dois faire quelque chose. Je dois sauver ma petite sœur si c'est encore possible. Cet appel à l'aide dans mon cauchemar, qui me dit qu'il n'est pas réel ? Qui me dit que Mina ne m'envoie pas des signaux de détresse quelque part ?

En hâte, je balance mes jambes en travers de la couchette et me plante sur mes deux pieds. A côté, Rivière n'a aucune réaction. J'entends au rythme de sa respiration qu'elle est profondément endormie. J'hésite un long moment sur la marche à suivre. Je dois réfléchir à une stratégie.

Ressentant un fort besoin de me mouvoir, j'enfile mes chaussures et me met à déambuler dans les couloirs vides. Je tourne pendant une bonne partie de la nuit pour finir par aller me laver. Le contact de l'eau m'apaise un peu mais ne parvient pas à apaiser le feu qui brûle à l'intérieur de moi. Ce désir inexorable de retrouver ma petite sœur.

En m'en allant, je tombe sur Tom qui, comme à son habitude, s'est levé aux aurores.

‒ Ça t'arrives de dormir, parfois ? j'ironise.

La fille et l'âme [Les Âmes Vagabondes]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant