Chapitre 39

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Quand j'ouvre à nouveau les yeux, j'ai l'impression de ne pas avoir dormi plus de deux heures. Je suis toute ankylosée du fait de la position peu confortable dans laquelle j'étais. Mes yeux s'habituent progressivement à l'obscurité et j'aperçois la silhouette de Tom, assis à l'entrée de la grotte. Ses yeux sont levés vers le ciel étoilé. Je tourne la tête vers Rivière et constate qu'elle dort encore. En silence, je vais rejoindre Tom.

Quand ma main se pose sur son épaule, il sursaute. Je m'excuse immédiatement pour l'avoir ainsi surpris. Je m'assois à ses côtés et le sens perturbé. J'ai comme l'impression que je l'ai dérangé dans un moment très particulier, un moment de vulnérabilité.

– Tu ne dors pas ? je lui demande.

– Je n'y arrivais pas. Tu sais, je pense qu'on devrait partir bientôt. Nous devrions profiter de l'obscurité pour avancer un peu, sans être à découvert.

– J'irais réveiller Rivière. On peut encore attendre quelques minutes, n'est-ce pas ?

Il acquiesce.

– A quoi tu pensais, avant que je te rejoigne ? Tu semblais dans un autre monde.

– A rien. Ça me fait du bien de ne plus être dans ces grottes.

– A moi aussi, je lui avoue. Rien que la vision des étoiles, je trouve cela merveilleux.

Tom lève les yeux vers le ciel étoilé. Un frisson le traverse et se répercute à mon épaule qui touche la sienne. Je lui adresse un regard curieux.

– Qu'y a-t-il ? Tu as froid ?

– Non, c'est pas ça.

– Quoi, alors ?

Il pousse un profond soupir. Cependant, là où le Tom des grottes aurait éludé et laissé ma question sans réponse, je sens que je vais peut-être obtenir des réponses. C'est presque un nouveau Tom que j'ai devant moi. Un Tom enfin libéré des parois oppressantes des grottes.

– Les étoiles, c'était sa passion, souffle-t-il d'une voix d'outre-tombe. Le parasite dans ma tête.

Je reste muette de stupeur. Tom est-il vraiment en train de me parler de l'âme qui l'occupait ?

– Il passait son temps à les observer, les étudier, les peindre...

Tom jette un nouveau coup d'œil vers le ciel avant de retourner à la contemplation de ses genoux. Quant à moi, je cherche la façon dont lui répondre. Il ne s'agirait pas que je le brusque, je sais combien Tom peut facilement se refermer dans ce genre de moments.

– Et toi, tu aimes les étoiles ? je souffle.

Il hausse les épaules.

– Pas spécialement. D'autant moins maintenant. Quand je les vois, je pense seulement au parasite.

Je me rapproche de Tom et me blotti contre lui. Son corps tremble.

– Tom, à quel point étais-tu conscient de ce qu'il se passait ?

Cette question me brûle les lèvres depuis si longtemps. J'ai peur d'avoir dépassé les limites de ce que Tom est prêt à partager. Il reste silencieux pendant de longues secondes. Néanmoins, il finit par souffler longuement.

– De temps à autre. Parfois, je ne sentais ni ne voyais plus rien. J'étais comme dans un autre monde où rien ne se passait jamais. Un endroit où n'existait que l'obscurité. Parfois, je remontais à la surface. C'était indépendant de ma volonté et je détestais ça. Je voyais soudainement tout ce qu'il voyait, entendais tout ce qu'il entendait. Et puis je hurlais pour sortir de là, mais personne ne m'entendait. Pas même le parasite. Mes moments de conscience étaient généralement très courts. Comme si c'était un sursaut d'énergie qui me faisait remonter avant de subitement retomber comme un soufflée. Je ne sais pas si je haïssais plus les moments de conscience ou le reste. Dans tous les cas, j'étais impuissant et enfermé...

La fille et l'âme [Les Âmes Vagabondes]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant