Scyllia tome 5 : Istram

Chapitre 5

 Devant la porte du commandant de la caserne, Scyllia avait la désagréable impression d'être retournée deux ans en arrière lorsqu'elle avait été envoyée chez le directeur de l'académie d'Eronne pour avoir tenu tête à son enseignante. Elle espérait que cette rencontre se passe mieux qu'avec le grand inquisiteur. Après avoir longuement expiré, l'adolescente finit enfin par frapper à la porte.

— Entrez ! entendit-elle.

La prétendante pénétra dans le bureau et se plaça au garde-à-vous devant le commandant. Après tout, elle faisait partie de l'armée et devait se plier à leurs règles. Le chef de la caserne, occupé à rédiger quelque chose sur un parchemin, ne daigna même pas lever les yeux pour la regarder en face.

— Vous avez laissé un voleur partir, dit-il sans introduction.

— Ça n'était qu'un enfant et...

— Je ne vous ai pas donné la permission de parler ! réprimanda Dimitri. Je disais donc, vous avez laissé un voleur s'échapper. Pire, vous l'avez arrêté et libéré immédiatement alors que les preuves et les témoins étaient contre lui. Les lois, vous savez ce que c'est ?

— C'est...

— C'est ce pour quoi nous sommes là ! la coupa-t-il de nouveau. Notre métier consiste à les faire respecter et appréhender ceux qui les enfreignent, alors je me fous que ça ne soit qu'un gamin qui n'a volé qu'un bout de pain. Aux yeux de la loi, c'est un criminel.

— Je suis désolée.

— Être désolée ne suffira pas, ce voleur est encore...

— C'est n'est pas pour ce que j'ai fait que je suis désolée, c'est pour vous.

— Pardon ?

Pour la première fois depuis le début de l'entretien, le haut commandant posa sa plume et leva les yeux de son parchemin pour jeter un regard à la fois noir et interrogateur à la recrue. Scyllia sentait qu'elle n'allait pas s'en sortir avec un simple blâme, alors autant lui donner le fond de sa pensée.

— On va se retrouver de corvée de cuisine jusqu'à la fin de la punition.

— Je ne sais pas ce qui vous est arrivé dans votre vie pour perdre foi envers les autres, mais j'en suis désolée. Vous obéissez et appliquez les lois sans réfléchir à la manière d'un assemblage magique comme un golem, mais si la garde n'est pas fait de ce genre de chose, c'est bien parce que nous avons besoin de ce côté humain.

Étrangement, et pour la première fois, le commandant ne lui avait pas coupé la parole. Il ne semblait pas vexé par ce qu'elle venait de dire, mais bien plus intrigué. Mais d'un autre côté, la prétendante n'arrivait pas à deviner ses pensées. Le chef de caserne était l'un des hommes les plus insondables qu'elle ait connue.

— Donc pour toi, je suis un golem sans âme parce que je considère qu'un crime doit être puni.

— Ça n'est pas ce que j'insinuais. Je voulais juste dire que les situations devaient être traitées au cas par cas avec le contexte qui va avec. De plus, mettre en cellule cet enfant n'aurait servi à rien si ce n'est le conforter dans l'idée que voler était la solution à ses problèmes.

Une fois de plus, Dimitri arqua un sourcil. Elle sentait qu'il réfléchissait à ce qu'elle disait et qu'elle était prête à lui faire entendre raison. La punition s'éloignait de plus en plus, il lui suffisait à présent d'expliquer la situation qui l'avait conduite à choisir de ne pas le punir pour être sortie d'affaire.

— Et donc, pourquoi cela n'aurait pas été la bonne solution ?

— C'est un enfant des rues. Si je ne m'abuse, les prisonniers ont le droit à au moins un repas par jour. Si je l'avais emmené en cellule, il se serait dit que le crime menait à un endroit où il pouvait manger et être au chaud et aurait recommencé, peut-être même avec des crimes plus graves pour y rester plus longtemps. Mais avant qu'il n'en arrive là, j'ai préféré lui montrer qu'au lieu de voler, il pouvait trouver d'autres solutions qui lui permettrait de vivre en mangeant plus souvent à sa faim. Il ne cherchait pas à faire le mal pour faire le mal, c'est juste qu'il ne connaissait que cette solution. Voilà pourquoi je ne l'ai pas arrêté.