Chapitre 24

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 Ce cri terrible poussé par Elisabeth avait eu l'effet d'une décharge électrique dans tout le corps de Scyllia. Sa fatigue, ses muscles endoloris, ses blessures qui n'étaient pas encore résorbées et qui la faisaient encore souffrir, toutes ses sensations avaient disparu en un instant. La prétendante s'était levée d'un bond de son lit et était sortie de la tente infirmerie tout aussi vite.

Malgré les cris de Vincent qui lui courrait après et lui demandait de revenir, l'adolescente ne ralentit pas et suivit le mouvement de la foule. Cela la mena à un amas de personnes qui regardaient dans la même direction, mais de là où elle était, elle-même ne voyait rien. Profitant de sa petite taille et de sa silhouette fine, la prétendante se faufila entre les soldats et les mages qui s'étaient massés au même endroit.

Au milieu de la foule, elle se mit à penser qu'elle aurait très bien pu s'envoler pour passer au-dessus d'eux, mais c'était trop tard à présent. Plus elle avançait et plus elle devait jouer des coudes pour se frayer un chemin vers le premier rang. Le mage-médecin avait fini par arrêter de lui courir après et se contentait de crier son nom dans l'espoir de la faire revenir. Elle ne l'écoutait pas. Elle n'avait qu'une seule chose à l'esprit. Le cri d'effroi d'Elisabeth.

Lorsqu'elle arriva enfin au cœur du rassemblement, l'adolescente tomba sur la duchesse, accroupie et en pleure. Entre elles, un homme était allongé. Il portait des habits de mage de bataille, mais c'était à se demander ce qu'il faisait là. Ses longs cheveux blancs, son visage recouvert de rides, ses cernes prononcés, ses joues creusées et sa peau semblable à du parchemin donnaient à cette personne l'allure d'un vieillard centenaire.

L'homme tourna alors la tête vers la prétendante et sourit faiblement.

— Je t'avais pourtant dit de te reposer, souffla-t-il comme si parler était une épreuve insurmontable.

— Ça n'est tout de même pas...

Horrifiée, Scyllia porta ses deux mains à sa bouche et les larmes se mirent à couler à flots le long de ses joues. Ce vieil homme étendu au sol, ça ne pouvait pas... Il n'était pas... Pas Enzo ! Elle l'avait quitté quelque minutes avant et il paraissait certes fatigué, mais n'avait pas pris soixante ans d'un coup !

— Je suis désolée ! s'étrangla Scyllia en tombant à genoux auprès de lui, sa voix ne passant presque pas la barrière de ses mains. Tout est de ma faute !

Lentement, le directeur leva son bras vers elle et posa sa main sur la joue de sa protégée. Ses doigts noueux et squelettiques essuyèrent les larmes en une caresse affectueuse. Même avec cette apparence, il n'avait pas perdu l'étincelle de vie qui animait son regard.

— Tu n'y es pour rien, la rassura-t-il avec un sourire. Ça n'est pas de ta faute.

— Mais qu'est-ce que tu as fait ? demanda Elisabeth, en pleure à côté de lui.

— J'ai... Tenu la promesse que j'avais faite à de vieux amis.

— Il a... Il a... hoqueta Scyllia... Utilisé la dernière larme de sa fille pour me sauver la vie.

— Ho non... s'horrifia la duchesse. C'est bien au-delà de mes compétences.

En entendant cela, Enzo sourit de plus bel. Il essaya même de rire, mais fut pris d'une quinte de toux qui fit s'échapper de la commissure de ses lèvres un mince filet de sang.

— J'ai enfin réussi à te mettre face à une énigme que tu ne peux pas résoudre, dit-il, toujours souriant malgré son état critique.

— La ferme, chuchota l'enseignante.

Tandis qu'Elisabeth et Scyllia pleuraient devant le corps d'Enzo, la foule se scinda pour laisser passer quelqu'un. Arrivé devant son ami mourant, Lucas écarquilla les yeux. Était-il au moins capable de le reconnaître derrière cette apparence de vieillard ?

Scyllia tome 5 : IstramOù les histoires vivent. Découvrez maintenant