Le Livre - Chapitre 28

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Il faut regarder le néant en face pour savoir en triompher.

L. Aragon

Je me gare devant la maison familiale de Jacob. En serrant le frein à main, je pousse un profond soupire. Du nerf mia bella, du nerf ! Comme le dirais Lorenzo.

Je m'extirpe du véhicule et traverse la rue en courant. C'est le doigt tremblant que j'appuie sur la sonnette. En attendant que l'on vienne m'ouvrir, j'admire la vieille bâtisse sur laquelle des lierres grimpe jusqu'au toit. Elle n'a pas changé, déjà, mon cœur se serre et une boule se forme au fond de ma gorge.

Soudain, la porte s'ouvre sur mon ex-belle-mère. Sarah est une femme d'une cinquantaine d'année, grande et élancée possédant des cheveux châtain long et plat. Elle possède grands yeux noirs dont Jacob avait hérité.

_Kathleen, ma chérie! Ça fait si longtemps !

Et elle me prend dans ses bras.

_Oui, longtemps ! Ce sont les seuls mots qui s'échappent de ma bouche.

J'ai la sensation que si j'en prononce un de plus, je vais éclater en sanglots. Elle-même a les larmes aux yeux lorsqu'elle m'invite à rentrer tout en essuyant de son mouchoir blanc les ailles de son nez droit.

Rien n'a changé. Les murs sont toujours blanc irisés. Les chaises et le canapé sont toujours recouverts d'un tissue rayé blanc et bleu assorti aux rideaux, le parquet est toujours impeccablement ciré...

Il y a déjà beaucoup de personnes, des oncles, des tantes, des amis de la famille, nous nous saluons. Le père de Jacob est accoudé à la cheminé, il regarde les photos disposés sur l'étagère.

_Bonjour Monsieur Lenoir ! Lui dis-je poliment

Sa tête pivote lentement vers moi. Tout comme le miens, son regard n'exprime rien. Sa ressemblance avec Jacob me broie le cœur ! Même visage virile, même sourire adorable...

_Bonjour Kathleen ! Me dit-il en me souriant. Il me semble t'avoir déjà demandé de m'appeler Joseph !

Je lui rends son sourire puis il s'éclipse en tapotant mon épaule. Mon regard glisse sur les photos et trouve celle où je suis avec Jacob. C'était le jour de nos fiançailles, il est agenouillé devant moi et me passe un solitaire à l'annulaire gauche. J'ai l'impression que c'était hier !

Machinalement, je touche de mon pouce le doigt délesté de son ornement.

_C'était une belle journée !

_Oui ! Je réponds sans tourner le visage vers mon interlocuteur. Pourquoi me demanderez-vous ? Parce qu'il s'agit de la voix de Mathieu, le petit frère de Jacob et il n'est autre que le portrait cracher de mon fiancé...

_Kathleen, est-ce que ça vas ? Me demande-t-il en posant sa main sur mon épaule.

Je secoue la tête et me fait violence pour regarder son visage. J'avais raison, l'année qui viens de s'écoulé n'as fait qu'accentuer les similitudes. Sa peau à la même couleur caramel, ses prunelles le même éclat noir et intense, son sourire est identique, adorable avec ce quelque chose d'enfantin, seul ses cheveux sont plus clair, tirant d'avantage sur le châtain foncé que sur le brun...

_Oui ! Je lui réponds en souriant.

Lentement, je tourne la tête vers la fenêtre. J'y vois les branches des sapins se balançaient lentement au gré du vent, le ciel bleu agrémenté de quelque cirrus, le soleil pâle et timide d'hiver. La rue est presque vide, il n'y a que quelques voitures stationnées le long des trottoirs donc une Mercedes noire identique à celle de Lorenzo...

J'ai envie de rentrer. De rentrer chez les Rosemont, de rentrer dans cette routine rassurante, de renter dans ma nouvelle vie.

Je renifle pour étouffer un ricanement. Quelque part, les frères Rosemont, m'ont offert un foyer.

&

Me voilà rentrer « chez moi » dans le froid hivernal. Je suis vidé de mes forces et de toutes envies. Lorsque je suis partie de la veillé, Sarah m'as fait promettre de passer les voir plus souvent. Je lui ai dit oui, mais c'est au-dessus de mes forces.

Revoir cette maison, ces gens qui ont fait partie de ma belle-famille, c'était trop, beaucoup trop mais surtout, il y a le souvenir de Jacob partout, dans chaque pièces et dans le regard de chaque personne présente... C'était beaucoup trop !

Lentement, je me dirige vers la porte d'entrée et tourne la clef dans la serrure. Il n'y a pas âme qui vive. Francesca est déjà partie, les garçons ne sont pas revenus, je me retrouve seul avec moi-même et la personne que je suis devenu m'insupporte quelque fois. Je me dirige vers la cuisine afin de préparé ce routinier mais rassurant repas lorsque j'aperçois sur le plan de travail un mot :

J'ai préparé le dîner, j'ai pensé que vous n'auriez pas la tête à ça !

Je vous embrasse tous les trois, à lundi.

Francesca

Génial, cette journée ne m'épargnera rien. Lasse, je m'installe à table, croise les bras et pose ma tête dessus.

Au fond, lorsque j'y pense, je n'ai jamais été chez moi nulle part. Ni au manoir, ni à la Sorbonne, ni ici, chez les Rosemont. Lorsque j'ai perdu Jacob, j'ai perdu mon amour mais aussi mon foyer...

Et maintenant, je survie en me raccrochant à des buts dérisoires... Je passe d'homme en homme pour peu qu'ils aient une quelconque similitude avec mon fiancé, qu'elle soit physique ou moral. Des yeux noires ou une peau caramel ou un caractère intéressant, posé et sérieux. Pas étonnant, que je ne me sois pas forcé avec Rayhan !

Je me redresse puis ôte mes talons. Il faut que je m'aère, que je sorte, que j'oublie cette p..... de journée ! Après le dîner et un Lexomil, j'irai me défouler en boite !

&

Nexus ou les chroniques de Kathleen St PatrickOù les histoires vivent. Découvrez maintenant