Après s'être caché du regard tueur du quadragénaire arrosé de vomi – l'homme avait inspecté toutes les fenêtres de la façade plongée dans le noir, les yeux plissés à cause de la mauvaise lumière du lampadaire à côté de lui, entouré de ses camarades hilares pendant que le rouquin se baissait pour dissimuler son visage malade derrière la rambarde –, Faustin était retourné au chaud, l'estomac noué. Il s'était avachi sur le lit et, par il-ne-savait-quel-miracle, il avait fini par trouver le sommeil. Un sommeil agité et sans rêves certes, mais un sommeil quand même.
Et de courte durée aussi : alors qu'il fermait les paupières, son téléphone le réveilla instantanément avec une mélodie qui lui parut désagréable sur le moment. Il crut que seulement une seconde s'était écoulée entre les deux étapes, pourtant ce fut bien quelques heures qui les séparaient. Il jeta un coup d'œil à l'horloge numérique : huit heures quinze.
À peine éveillé, il resta encore un peu allongé sur le lit, les prunelles lasses dans le vague. Les rayons du soleil envahissaient déjà la chambre d'hôtel et jaunissaient les murs ternes de manière bien trop éblouissante pour Faustin ; ses yeux le brûlaient de fatigue constante et cette éclat, qui annonçait le début d'un nouveau jour, lui arrachait la rétine violemment. Il mit environ dix minutes à s'habituer à l'éclairage imposé par l'astre diurne, en se frottant les paupières. Puis, en se traînant péniblement, il alla dans la salle de bains pour commencer à ranger ses affaires de toilette qui envahissaient la pièce depuis une semaine. Il devait quitter la chambre avant midi.
Alors que Faustin remballait ses effets personnels avec une application somnolente, son attention amorphe se porta sur le reflet que lui renvoyait le miroir. La couleur verte de ses iris s'était un peu ternie par l'épuisement et donnait à son regard l'impression que le jeune homme planait, comme s'il venait de se droguer. Pour agrémenter son look de camé, deux crevasses en guise de cernes surplombaient ses pommettes blanchâtres et l'invasion de taches de rousseur embarbouillait ses traits exténués.
Mais il garda le meilleur pour la fin : sa joue. Il arracha d'un mouvement prompt le pansement posé après son retour d'« expédition » et une vive brûlure inflamma la zone, avant de s'estomper aussi brutalement qu'elle s'était manifestée.
Tout en la scrutant d'un œil amorphe, il toucha la blessure boursouflée dessinée dessus. Faustin pouvait y voir un trait fin, un peu curviligne et pas trop profond, celui né de sa chute dans les bois. Mais l'écorchure avait un ami sur son îlot de peau : un trou de la taille d'une petite bille qui faisait barrage à la griffure, se trouvant bien au milieu de celle-ci.
Dire que cette minuscule cavité avait servie de paille à l'agresseur... Au détraqué, plutôt ! se corrigea-t-il, les poings fermés à s'en blanchir les jointures et les ongles s'imprégnant dans sa chair. Ah, si je le tenais ! Oui, si je le tenais... !
Mais Faustin brisa rapidement ses illusions formées sous le coup de la colère : jamais, au grand jamais il ne comptait recroiser cet individu. Et, si cela arrivait, il ne ferait pas le poids face à lui. Un frisson d'horreur parcourut son échine.
Il continua à s'observer dans la glace. Il soupira longuement, pensant que cela allégerait ses tourments, puis se remit à la tâche.
Bien moins concentré qu'auparavant (en même temps, le défi ne s'était pas annoncé comme très complexe), il se perdit derechef dans des pensées macabres. Que se serait-il passé si je n'avais pas réagi à temps ? Serais-je en vie ? Mort ? Violé ? Lapidé ? Décapité ? Pourquoi suis-je allé dans ces foutus bois ? J'aurais pu mourir !
Pourtant, ce n'était pas la plus horrible d'entre toutes. Celle qui l'avait pourri en une journée, lui et ses principes durement forgés au fil de son adolescence complexée ; lui avec des boutons pullulant sur son visage, déjà bien garni par les innombrables et minuscules ronds auburn l'envahissant sans encombre ; lui et son malaise face à son propre corps qui ne demandait qu'à être libre et découvert ; lui et sa réticence face à la foule... Lui et Sarah Cornille... Tout cela l'avait stoppé dans son élan pour rejoindre les autres de son âge, tel le plongeon que l'ensemble des ados franchissait avec aisance pour atterrir dans la « piscine de la vie ».
Le jeune adulte avait mis des années à s'accepter tel qu'il était réellement, à savoir plus communicatif et audacieux que lorsqu'il avait été confiné par le lycée pendant trois ans ; pour atteindre ce résultat, cette confiance en lui-même et en ses propres capacités, Faustin s'était autocentré sur son nombril. Après tout, il avait dû apprendre à s'aimer en premier lieu.
Lui qui croyait enfin se connaître sur le bout des doigts, Faustin s'était lourdement trompé. Il s'était persuadé d'être quelqu'un de bon. Malheureusement, la vérité sur sa nature lui avait comme éclaté au nez. Dans un rire grelotté, il affirma à haute voix ce qui semblait être d'une évidence incontestable – que personne ne serait en mesure de chicaner si on avait vécu la scène à travers son regard mordant cette nuit caustique :
— J'ai tué un homme.
Un ange passa dans son cerveau qui subissait un puissant imbroglio, un surplein de sentiments inconciliables s'entrechoquant sans cesse les uns aux autres ; tels des liquides de toutes les couleurs inimaginables – car trop complexes pour qu'un peintre talentueux puisse les reproduire avec exactitude dans son atelier – et non miscibles, ses émotions se traversaient constamment sans fusionner. Juste pour se gêner. La lucidité actuelle de Faustin tenait plus d'un champs de bataille qu'à une eau claire, nette, limpide : c'était un chaos entre non pas deux camps ennemis, ce qui serait franchement plus supportable, mais entre des milliers de factions où aucune alliance existait dans tout ce bazar barbare.
En clair, Faustin était à deux doigts de perdre le contrôle qu'il s'était efforcé à maintenir durant, approximativement, les dernières vingt-quatre heures passées.
La bouche du jeune homme émit un ricanement un peu trop énergétique pour paraître naturel. Ses nerfs, à bout de souffle, étaient similaires à de fragiles fils dentaires, brisables au moindre mouvement. Son rire se fit plus gênant, plus forcé – comme celui de Tidus dans Final Fantasy X, mais à la seule différence que les lèvres de Faustin tremblotaient d'effroi, de colère, d'amertume et d'affliction en grandes parties.
— Putain ! (Il empoigna ses cheveux cuivré clair aux reflets de miel et en arracha quelques-uns, alors que des larmes coulaient le long de sa figure.) J'ai tué un homme ! Qu... Qu'est-ce que je vais faire ?
Il continua à tirer sur sa tignasse un petit moment en reniflant, complètement dévasté. Il faut que... que je...
— ... Faut que j'aille voir la police, réussit-il à dire au milieu de deux sanglots. Oui, c'est ça... La police. Je dois me rendre.
Car autant être un tueur, autant rester honnête jusqu'à la fin.
Dans un saut presque élégant, Faustin se plaça sur ses pieds, mais il fut vite pris de vertiges. Nonobstant, il tint debout grâce à l'adrénaline, causée par la peur et le stress, qui coulait dans ses veines.
En un éclair, bien que titubant à moitié, tel un un homme ivre, Faustin se retrouva devant la porte menant au corridor tapissé de velours rouge – à l'odeur particulièrement poussiéreuse, voire surannée –, la seule sortie de sa chambre. (Il y avait bien le balcon, mais il ne savait et ne pouvait pas voler, à moins de terminer en gelée cramoisie sur une tartine de béton recouvertes de chewing-gums à son contact.) Le jeune homme posa sa paume moite sur la poignée en laiton vieilli.
Alors que sa peau se collait à la matière froide de l'objet, une réflexion surgit devant ses yeux éteints par la fatigue.
Un espoir bien vague, qu'il se devait néanmoins envisager.
Et s'il n'était pas mort ?
n. d. a. : désolée pour ce retard, j'ai eu une panne d'inspi + un bac blanc à surmonter (sachant que le vrai bac commence, pour moi, dès le 17 juin...)
de ce fait, et parce que je ne suis pas très active sur Wattpad depuis (sans mentir) quelques mois déjà, je vais me concentrer sur ce fichu bac en priorité :')
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Le Blond aux crocs pointus
VampireIl est une maison en ruines, située en pleine forêt, que personne ne connaît ou que tout le monde a oublié. Mais si on arrive à l'atteindre par un quelconque hasard, on peut voir un visage de porcelaine chinoise s'échapper d'une vieille lucarne, une...