10 | partie 2

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Des sueurs froides prirent d'assaut Faustin qui resta sans voix, abasourdi. Aucune réplique ne sortit de ses cordes vocales. Sa bouche se cousait de vertiges, sa tête tournait un peu. Charles ne lui laissa pas le temps de réagir, s'empressant d'enchaîner :

— Il se trouve que j'ai un problème.

— Et un gros ! pestiféra le grand gaillard.

— Oui, je savais que vous me comprendriez ! pétilla-t-il, visiblement soulagé.

Un sourire grossier se courba sur le visage de Faustin, qui se hasarda à fuir vers la porte avec discrétion – le blondin inconscient de sa manœuvre. Malheureusement pour lui, la poigne de fer emprisonnant sa main le bridait complètement : il ne pouvait pas s'enfuir à toutes jambes.

— Il faut absolument que vous m'aidiez. Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive !

— Je vais te l'dire, moi, ce qu'il t'arrive : t'es fou à lier !

— Je vous avoue que je l'ai également cru, au début... Et je préférerais l'être, se lamenta Charles. Toutefois, vous devez croire sur parole que je ne suis pas fou !

— Et comment je suis censé faire ça ? Tu vis dans une ruine, tu m'as agressé, puis t'es rentré par effraction dans ma chambre d'hôtel ! Pour finir, tu m'as dit que t'étais une chauve-souris. La bonne blague !

Charles afficha une mine déconfite. Cette méthode n'était pas la bonne ; Faustin semblait être le genre de personne qui répétait sans cesse : « Je ne crois que ce que je vois. »

Dans ce cas, il allait lui montrer.

Il délaissa l'avant-bras du garçon et se dirigea vers le bureau, entreposé contre le mur d'en face. Sur le coup de la surprise, Faustin ne saisit pas la situation. Le temps qu'il comprenne que l'intrus venait de le libérer de son emprise, ce dernier avait empoigné le meuble large. Charles portait dorénavant la table au-dessus de son cuir chevelu benoîtement, comme s'il comptait jeter un vulgaire sac de plumes dans une bataille de polochons.

— Q-Qu'est-ce que tu fous ? croassa Faustin en protégeant son faciès étoilé. Fais pas le con, je suis trop jeune pour mourir !

Malgré son avertissement, l'homme en haillons remua de nouveau. Effrayé, Faustin se recroquevilla encore plus sur lui-même ; il s'attendait à être aplati par la masse de bois, qui serait éjectée vers lui dans les prochaines secondes. Nonobstant, un bruit sourd le sortit de son film d'épouvante. Il se redressa vivement, les yeux à la fois exorbités et inquiets. La table avait retrouvé sa place habituelle, Charles à côté et tendu comme un arc. Le vidéaste cligna rapidement des paupières, ses cils fauve battant l'air peureusement.

— Vous comprenez maintenant ? Je ne suis pas quelqu'un de... normal, balbutia le noble.

Le corps de Faustin partit en arrière. Entraîné par son propre poids, il abandonna progressivement l'usage de ses jambes et s'avachit sur le lit. La violence de l'atterrissage lui céda un mal de crâne encore pire qu'auparavant. Je rêve, c'est pas possible autrement ! Il pinça la fine peau de sa main. À son plus profond désarroi, il ne se réveilla pas en sursaut sous la couette, la pièce plongée dans la rosée du matin. Il s'éternisait dans ce cauchemar, coincé avec cet aliéné tout droit sorti d'un asile psychiatrique.

Le Parisien insista, se griffa jusqu'à ce que des plaques rouges fleurissent sur l'épiderme, et se broya les os. Rien ne fonctionna.

— Je... Je ne rêve pas.

Charles s'arrêta devant lui. Cette fois-ci, il ne reçut pas sur le menton le poing de Faustin - qui, penché et englouti par l'horreur de la réalité, détaillait le sol avec minutie, ignorant la présence du longiligne.

Le Blond aux crocs pointusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant