12 | partie 2

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Charles déboucha sur une pièce étrange. Assez bien éclairée au naturel, elle réunissait trois ambiances malgré sa taille modeste : une cuisine, une salle à manger et un salon. Il y avait même une baie vitrée, moins grande que celle de l'hôtel, qui donnait sur un petit balcon.

Le vampire remarqua un canapé usagé, collé à l'un des murs. Certainement à cause de la lumière du jour, sa couleur jaune canari s'affaiblissait et progressait vers une teinte champagne. Mais vers un champagne sans bulle, morne.

Faustin avait entreposé ses affaires à côté d'une simple table en bois massif. Il avait sorti son téléphone de sa poche et le branchait actuellement à une prise. Il était en pleine conversation avec Raylenne.

— C'est une longue histoire, se contenta-t-il de dévoiler dans un soupir.

— Et alors ? renchérit impassiblement Raylenne. Raconte !

— Et alors, tu me saoules avec tes questions. Lâche-moi un peu ! T'es ultra chiante, là.

Au contraire, elle lui prit le bras et l'obligea à se retourner vers elle. Quand Faustin devenait amer et distant, elle était consciente qu'un je-ne-sais-quoi ne tournait pas rond.

La jeune femme lui encadra ses pommettes pigmentées et le força à arrondir le dos pour être à la même hauteur qu'elle, une vingtaine de centimètres les séparant d'un face-à-face. Leurs fronts se touchaient presque, leurs nez également. Elle planta ses prunelles dans les iris malachites, qui les fuyaient comme la peste.

Elle détestait lorsque son cher acolyte se renfermait sur lui-même. À croire qu'il avait été une huître dans une autre vie.

— Regarde-moi, intima-t-elle à voix basse. Dis-moi ce qui ne va pas.

Elle voulait le rassurer, Faustin le savait que trop bien. Lui aussi l'apaisait au besoin. Leur relation se basait sur la confiance qu'ils avaient l'un envers l'autre. Ils se protégeaient comme un frère et une sœur.

Pourtant, s'il lui racontait les péripéties des dernières quarante-huit heures qu'il venait de vivre, que se passerait-il pour elle ? Serait-elle à l'abri ? Est-ce que l'autre type dans cette pièce s'en prendrait à elle si son secret était mis à nu ? Faustin avait déjà expérimenté son impuissance face à la force de cet individu plus que coriace.

S'il n'était pas à même de se défendre, comment le faire pour deux personnes ? Tout bonnement impensable. Il baissa la tête. Une vague de honte le submergea et le prit à la gorge. Il dut ravaler sa salive avant de prendre la parole à nouveau :

— Tu devrais... tu devrais rentrer à Liverpool. (Le rouquin décolla les mains étiques de sa figure.) Ça vaut mieux, crois-moi.

— Quoi ? Et puis quoi encore ! protesta Raylenne qui, dans un geste chiffonné, se libéra immédiatement. Tu te fous de ma gueule ! Depuis quand tu ne peux plus compter sur moi ?

— C'est compliqué.

— Et alors ! J'ai toujours été là pour toi. Tu ne me fais plus confiance ?

— Tu me les casses, à la fin ! s'énerva-t-il – son ton monta d'un cran, mais son amie ne se démonta pas. Rentre chez toi ! Un point c'est tout.

Raylenne bascula dans un mélange d'anglais et de japonais, ses deux langues maternelles. Elle insulta l'immense gaillard devant elle, braillant des sons que Charles ne comprit pas – et qui, jusque-là, admirait l'écran de la télévision en le confondant avec un tableau raté.

Quant à Faustin, s'il omettait toutes les sonorités du Pays du Soleil levant, il réussit à capter ce que la Britannique lui crachait au visage.

Le Blond aux crocs pointusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant