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Assis vison-visu, l'éclat vif des malachites rencontrait celui tremblant des spinelles. Charles étendait au maximum le bras, sa main renfermant les gants de Faustin. Seul un lit les séparait du contact qui annoncerait alors l'inévitable : que, dans cette pièce, ils se toisaient et respiraient le même oxygène d'un air de poisson mort. Que rien de tout ceci n'était une quelconque illusion passagère, due à un champignon avarié, cueilli au beau milieu des bois.

Les mots du contemporain résonnaient encore dans la cervelle blonde : « Putain de merde. » Naturels, sincères, mais d'un vulgaire à toutes épreuves, ils engendraient un chaos palpable dans les méninges du dandy.

Faustin ouvrit grand la bouche, néanmoins il n'ajouta rien de plus à cette situation surréaliste. Charles crut même un instant qu'il s'était bloqué la mâchoire. Ce n'était pas le cas : le YouTubeur était tout simplement sur le cul, ni plus ni moins.

- Tu... Tu..., bégaya-t-il avec des yeux de merlan frit.

Le garçon de feu partit précipitamment en arrière, les orbites au bord de l'explosion. Il se prit le mur de plein fouet, mais ne s'en rendit pas compte sur le coup. Après tout, il tombait nez à nez - et pour la troisième fois d'affilée - avec son assaillant ! Faustin n'arrêta pas sa course à l'envers et s'appuya en vain contre la paroi. Il espérait que celle-ci disparaisse en un clignement de paupière. Il désirait qu'un trou, apparu par magie dans son dos, le hume comme un aspirateur le ferait avec un mouton de poussière. Fuir, voilà ce qu'il désirait, fuir ! S'éloigner le plus possible de ce psychopathe ambulant, de ce stalker déterminé à lui pourrir la vie.

Concernant l'ingénu, bien qu'il grelottait sans arrêt, il ne bougeait pas d'un cil. Il attendait de la part de Faustin le feu vert dans son regard qui signalerait : « Explique-moi tout ce foutoir sur-le-champ. » Presque immobile et droit comme un I, il s'efforçait de maintenir cette posture devenue inconfortable au fil de ses soubresauts. Il savait très bien que c'était maintenant ou jamais, qu'il était hors de question de reculer si près du but. Autant faire bonne impression - même si c'était fichu d'avance.

Ainsi, Charles patientait d'une docilité de fer, une main sur les genoux et la tête haute, sa manche infecte dirigée vers son « sauveur ». Or, Faustin se scotchait de plus en plus à son échappatoire imaginaire. Alors que ses mains tâtonnaient le mur, en quête de la poignée en plastique de la porte, l'une d'elles frappa l'interrupteur. La pièce fut derechef baignée dans la clarté artificielle générée par le luminaire. Les deux se faisaient dorénavant face de manière plus « officielle ».

- Tu... que... HEIN ? vociféra-t-il.

- Je... ? serina le blondin, la bouille penchée. Vous voulez que je fasse quelque chose en particulier, Monsieur ?

Faustin n'en revenait pas. La voix du jeune homme était si douce, si calme, si solennelle - quoique émue et légèrement vibrante. Son teint, semblable à de la porcelaine mal entretenue, exhalait une force d'âme sur le point de craquer, tandis que sa toison d'or huilée le rapprochait d'un agneau à peine à l'aise sur ses pattes. Il collait tant à la définition-même de l'innocence, ce n'était pas acceptable !

Devant l'inaction du bigleux, Charles réalisa qu'ils n'arriveraient pas à grand-chose si lui-même restait inerte, cloué au sol. Il relâcha son échine et s'appuya sur la couette pour se dresser sur ses pieds. Lorsque les vieilles semelles clappèrent par terre, le bruit tonitrua dans ce mutisme absolu. Cela réveilla Faustin de son arrêt cardiaque psychique ; il voyait à présent Charles contourner le lit, prêt à se camper juste sous son nez. Son sang ne fit qu'un tour.

- N'avance pas ! Pour... pourquoi t'es là, bordel ? Va-t'en ! cracha-t-il avec effroi, gesticulant des bras en guise de bouclier. Espèce de... de malade mental à l'apparence angélique !

Le Blond aux crocs pointusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant