— Oh ! lâcha le jeune bigleux, la mâchoire étirée sous le coup de la consternation.
L'onomatopée grave s'était échappée naturellement de sa bouche, qui formait un « O » parfait. Comme s'il avait toujours su que ce n'était pas un oiseau. Pourtant, Faustin n'écarquillait pas les yeux, mais le résultat n'en était pas loin : il restait étonné par la présence de cette chauve-souris. Le soleil était encore là, au-dessus de leurs têtes, même si son ubiquité faiblissait à mesure que le temps continuait son petit bonhomme de chemin. Et le plus important : l'éclat du jour éclairait toujours l'extérieur. Pourquoi diable cette bestiole nocturne volerait-elle alors que le soir se faisait encore désirer ?
Faustin décida de sauter l'étape des questions pour passer directement à celle du secourisme. D'une grande douceur, il saisit le minuscule être recouvert de poils clairs, qui tenait à peu près avec ses ailes dans la paume de sa main. De l'autre, Faustin soutint sa nuque inerte à l'aide de trois doigts. Il dépassa lentement la baie vitrée, puis installa le noctule sur le lit deux-places. Le rouquin se pencha pour vérifier si elle respirait ; son abdomen de demi-portion se soulevait et s'abaissait à un rythme régulier. Vivante, seulement assommée.
Le YouTubeur se hâta d'éteindre toutes les lumières dans la chambre et la salle d'eau, avant de fermer les rideaux. L'épais tissu ébène atténuait la clarté de fin d'après-midi, plongeant la salle dans une obscurité clairement insuffisante pour une chauve-souris.
À l'inverse, cette brusque baisse de nitescence – artificielle ou non – contraria Faustin, qui avait mal aux yeux. Les paupières mis-closes, il se dirigea tant bien que mal vers sa valise, posée près d'une table et d'une chaise dans un coin. À côté du bagage, une sacoche de taille moyenne gisait au sol. Il l'empoigna et rejoignit la couette, s'asseyant assez loin de l'accidentée pour ne pas la déranger dans son sommeil pour le moins – il l'espérait – réparateur.
Faustin en sortit un ordinateur portable gris, qu'il déverrouilla sur-le-champ. La luminosité de l'écran lui agressa la rétine. Or, il s'en accommoda. Il se mit ensuite à chercher sur le net, au hasard, tapant frénétiquement sur le clavier, afin de savoir comment on remettait sur pied une pauvre chauve-souris ensuquée.
Malheureusement, rien n'était réellement concluant dans l'immédiat. Tout ce qu'on lui conseillait était de simplement la mettre dans une boîte, au frais et auprès d'un abreuvoir improvisé, en contactant de toute urgence le centre de soins spécialisé le plus proche.
Au moment où il mit fin à son investigation, le soleil disparaissait derrière une montagne, au loin, sans se dépêcher à la tâche. Un voile maussade engloutissait pas à pas l'endroit, arrachant à Faustin les dernières onces phosphorescentes de la pièce. Elle sombrait bientôt sous une pluie de charbon qui interdisait toute étincelle diaphane en son sein.
Faustin soupira. Cela le mettrait forcément en retard sur le trajet du retour, mais est-ce qu'il avait le choix ? Bien évidemment que non, sinon sa conscience d'ami des animaux ne s'en remettrait jamais. Et qui sait, peut-être qu'elle irait mieux dès le lendemain, voire dans une ou deux heures à peine. De plus, en s'inquiétant pour elle, cela l'empêchait de broyer du noir et de ressasser les évènements récents en boucle.
Quelque part, Faustin lui était reconnaissant de s'être éclatée contre sa vitre en particulier.
Il lui jeta un bref coup d'œil ; elle était toujours dans les vapes.
— Tiens ? (Il se rapprocha et dévisagea sa constitution lilliputienne.) C'est moi ou t'as... grossi ?
Il ne distinguait plus que son ombre avachie sur le lit, les bras écartés tel un homme attendant ce qu'il nommerait son « sort ». Elle semblait plus volumineuse que tout à l'heure, ayant pris plusieurs centimètres de hauteur et de largeur. Malgré une hésitation subite, Faustin tâta à l'aveuglette le riquiqui ventre poilu afin d'engendrer une quelconque réaction.
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Le Blond aux crocs pointus
VampireIl est une maison en ruines, située en pleine forêt, que personne ne connaît ou que tout le monde a oublié. Mais si on arrive à l'atteindre par un quelconque hasard, on peut voir un visage de porcelaine chinoise s'échapper d'une vieille lucarne, une...