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Lorsque le lendemain matin pointa le bout de son rayon, Faustin se réveilla comme à son habitude : en grognant et les cheveux en bataille. L'alarme stridente de son téléphone agressa ses oreilles et ses nerfs. Il tourna la tête à gauche, puis à droite, mais revint rapidement à sa gauche.

Son regard endormi s'attarda longuement sur les épais rideaux, qui dissimulaient la gigantesque vitre et les volets fermées. Et derrière toutes ces couches, un être surnaturel – en revanche, à l'apparence fragile – devait avoir mal dormi la nuit dernière... Certainement. Enfin, théoriquement ?

Est-ce que ça dort, au moins, un vampire ? se questionna-t-il, les index massant ses paupières closes. À vrai dire, Faustin l'ignorait complètement. Et comment le saurait-il, de toute façon, puisque a priori ce n'était rien d'autre qu'un mythe ? Qu'une vaste légende urbaine qui faisait fondre le cœur bleu d'adolescentes en manque de sensations fortes. Toutes en quête du mauvais garçon sombre, ténébreux, torturé et mystérieux, elles s'accaparaient ces folklores et rêvaient du jour où ses crocs se planteraient dans leur cou fébrile, devenant ainsi sa promise pour l'éternité.

Que des conneries. Qu'elles viennent prendre sa place, il en serait plus que ravi !

Et si ce n'était pas un vampire, mais autre chose d'encore plus dangereux ?

Faustin songea un instant à se recoucher dans l'espoir que le suceur de sang en ait marre de l'attendre. Partirait-il de son propre chef s'il ne se montrait jamais ? Néanmoins, l'image floue de ces iris flamboyants, indifférents lui fit comme un flash de conscience. Il revit cette même peur foudroyante qui, ce matin-là, l'avait tétanisé sur place. Ou plutôt qui l'avait plaqué au sol de sa poigne glaciale, cramponnée à sa gorge comme à une bouée de sauvetage.

Inconsciemment, Faustin attrapa son cou ; la douleur de son bleu lui éclata en pleine poire. Il respira plus fort, ses mains commencèrent à trembler. Il les plaça sous ses aisselles et rentra le plus possible les bras dans son ventre, ratatiné sur lui-même et le souffle toujours saccadé. Se couper en deux, afin de sortir de cet enfer, lui paraissait être la meilleure solution.

Il tenta de calmer sa respiration comme le lui avait enseigné, à la fin de ses années collège, sa mère. Paume sur la poitrine, Faustin inspira vigoureusement par le nez. Il se bloqua une dizaine de secondes, puis expira doucement. Au bout de la cinquième fois, il se sentit mieux.

Le vidéaste essuya son front suintant du revers de la main – dorénavant collant à souhait. Il jeta la couette à sa droite et s'extirpa du lit, s'emparant de ses lunettes en plein vol. Dans un charivari impressionnant, ses pieds frappant le sol de tout leur poids, Faustin tira les longs morceaux de tissu avec fracas. Tout en enfilant son bas de jogging, il appuya sur l'interrupteur des volets – tellement fort qu'il crut que la première phalange de son index se casserait sous la pression.

Prêt à en découdre, il actionna coléreusement la poignée de l'ouverture pendant que les roulants d'aluminium se rembobinaient, laissant entrer la lumière aveuglante du matin. Malgré la lenteur du mécanisme, Faustin fut quand même pris de court par l'éclat incandescent. Il protégea sa vue, croisant les bras en un X tout raplapla, la tête penchée sur le côté, et il patienta que le tintamarre incessant – signe que le dispositif était actionné – s'éteigne pour de bon.

Charles se tenait sur le balcon. Sa posture en garde-à-vous était timide, presque explosive. À croire qu'il s'était préparé toute sa vie à ce moment. La lueur solaire se reflétait sur sa chevelure de beurre, formant un étrange halo huileux.

— B-Bonjour, Monsieur, balbutia-t-il. Quelle belle matinée nous avons là, ne trouvez-vous pas ?

Faustin ne répondit pas, se contentant de hocher la tête de manière grotesque et murmurant un « Mmh. » engourdi. La porte entrouverte, l'air hivernal s'introduisit à l'intérieur et le fit grelotter de surprise.

Le Blond aux crocs pointusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant