La guerre de l'Amour

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Clac. La bataille a commencé. Les éclats des premiers tirs me parviennent par un bruit sourd, et je devine les mottes de terre soulevés à une centaine de mètres ; ils ont raté leur cible.
Auparavant réfugié derrière une palissade de pierre, je m'élance, fusil en main et cœur à découvert.
Je vois d'autres soldats, s'écrouler après une vingtaine de pas, tués par des balles ennemies tandis qu'une gerbe de boue m'atteint au visage.
Des cris sont lancés, je m'aplatis au sol et un obus traverse le champ de bataille, me dépasse largement et s'échoue loin derrière la base.
Je me relève aussitôt, les sens en alerte , les oreilles bourdonnantes du bruit constant et horrible des cadavres qui tombent, des balles qui traversent les chairs et du hurlement des bombes.

Je me sens ridicule, je m'étais lancé le glaive en main, le cœur et les yeux plein de lumière et d'espoir mais me voilà à me réfugier derrière un mur en ruines. Ai-je fait le bon choix ? Le doute m'assaille et je jette un coup d'œil en arrière ; trop loin pour rentrer avec la honte du perdant !

Un regain de détermination me prend et je me relève, interceptant aussitôt un soldat ennemi avec un tir à bout portant. Mon acte effleure à peine ma conscience et je reprends une course effrénée pour conquérir ce territoire înconnu et pris par les ennemis. J'ai beau ne l'avoir jamais vu, l'imaginer en rêve me suffit à me revendiquer maître des lieux.
A mes yeux, ce n'est qu'une ligne de barbelés, presque insaisissable à l'œil nu tant les fils se confondent avec le gris du ciel couvert. Des gouttes s'écrasent sur mon casque, vont rejoindre les flaques du champ de bataille plein d'eau, de sang et viscères.

Cette bataille, je la gagnerai ! Mes jambes avalent les mètres, traversent les trous formés par les bombardements, chevauchent les bouts sanguinolents au sol et la limite du champ de bataille se profile à les yeux. Là, tout près !

Je ne sais comment, mais je vois une brèche dans la muraille de métal et m'infiltre à l'intérieur. Plus rien ne bouge, tous les ennemis ont péri il me semble et je suis seul, dans cette boue glaçante. J'aperçois une motte de terre, et monte péniblement dessus, le cœur empli de la joie du vainqueur. Une émotion vive s'étend à mon cœur, le réchauffe et l'étreint.
Mais au bout de quelques instants, la joie s'éteint et je me retourne , ce n'est pas le paysage que j'avais tant imaginé. Il est si commun, si proche de celui que j'ai quitté. J'ai bientôt l'impression que rien ne me retient ici.

Un peu hébété, je m'assois et songe que la lassitude a bien vite remplacé la joie.
Je rejette un vif coup D'œil en arrière, comme si mon pays rêvé avait apparu entre temps, mais c'est la même plaine verte, les mêmes jeunes chênes sans beauté profonde.

Alors je refais machine arrière. Et tout recommence, dans un autre milieu imaginé, un autre territoire a conquérir, un manque créé dans le cœur à combler. Cette lutte incessante que mon esprit fait, c'est la recherche de l'amour comme il l'a espéré. Mais la réalité est autre et ne parvient pas à capter son attention plus de quelques instants.

Journal de PenséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant