Bill fut surpris par ce brusque changement de comportement : elle errait paisiblement sur la place, quand tout à coup, après s'être arrêtée quelques secondes devant la statue, elle se carapata comme si elle avait le feu aux trousses. Il la suivit aussitôt, et eut du mal à ne pas la perdre de vue. Il fallait qu'il reste hors de son champ de vision, et ce n'était pas une mince affaire. Mais il n'allait sûrement pas lâcher prise maintenant, il avait eu suffisamment de mal à la retrouver.
Dès l'aube, il était parti à sa recherche, en prêtant une attention toute particulière aux toits. Son escapade avec Guénolé lui avait appris que la thérianthrope affectionnait les hauteurs, elle y avait même traîné Alice. En sortant ce matin, il était sûr qu'il la retrouverait au sommet d'une des plus grandes maisons de la ville. Il ne s'était pas trompé, mais il avait dû faire preuve d'une patience d'ange pour ne pas se lasser de son espionnage ; elle n'avait pas bougé de tout l'après-midi. Il avait d'ailleurs été surpris de constater l'absence de brûlure sur son nez ou ses épaules, malgré tout ce temps passé en plein cagnard estival.
Heureusement pour lui, sa détermination à la prendre en flagrant délit avait été décuplée par son malheureux échange avec Alice. Sans cela, il aurait renoncé à la pourchasser.
Lorsqu'elle avait sauté du toit, il avait retrouvé toute son énergie et il l'avait suivie aussitôt, sentant la résolution de l'affaire approcher. La voir gambader d'un air détendu l'avait agacé. Si elle a l'esprit tranquille, c'est qu'elle est sûre de ne pas être percée à jour, s'était-il dit. Il était plus que temps de la confondre. Mais ce brusque revirement et cette course effrénée l'avaient coupé dans son élan vengeur. Il aurait voulu s'approcher de la statue et comprendre ce qui avait pu déclencher ce changement, mais il ne voulait surtout pas la perdre de vue.
Il frissonna lorsqu'il comprit ; elle se dirigeait vers la décharge avec une telle célérité que cela ne pouvait être innocent. Il avait maintenant la conviction d'avoir raison depuis le début, elle avait bel et bien assassiné le petit et s'était sans doute souvenu d'une preuve accablante, oubliée sur les lieux du crime. Il s'en saisirait avant elle et l'exposerait aux yeux de tous, pour qu'enfin sa félonie soit reconnue.
Ragaillardi, il réduisit la distance entre eux de quelques mètres, et attendit patiemment qu'elle se parjure elle-même.
*
Laurasia déboula dans la ruelle qui menait à la décharge et s'arrêta derechef pour observer la zone. Le passage des officiers était transparent : il ne restait rien de la scène de crime, pas même quelques ordures sous les fenêtres pour témoigner d'un peu de vie. En revanche, ils n'avaient pas pris la peine d'enlever l'énorme tâche de sang sur le mur. Elle s'agenouilla aussitôt et considéra cette image d'un œil neuf.
Le sang avait éclaboussé le mur suite à la perforation qu'avait subie l'enfant. Elle se remémora le trou béant qu'elle avait observé quelques jours plutôt, pourquoi n'avait-elle pas compris plus tôt ? Le monstre était un suspect idéal à ce crime, qui d'autre que lui aurait pu provoquer une blessure pareille ? Elle avait été si persuadée de sa culpabilité qu'elle n'avait pas analysé correctement les éléments dont elle disposait. La victime était minuscule, il n'y avait rien d'étonnant à ce que les autorités aient cherché à blâmer un sanglier, puis le dragon. C'était ce qu'il y avait de plus plausible. Depuis elle avait découvert que le dragon n'y était pour rien, mais dans son orgueil elle n'avait pas imaginé qu'il puisse y avoir un autre coupable que le monstre. Alors qu'en regardant la tâche sombre, marronnasse, qui se trouvait devant elle, il lui paraissait évident qu'il y avait autre chose à prendre en compte. La ruelle était extrêmement étroite, il n'était pas possible pour un quadrupède de s'y déplacer avec souplesse. C'est ce qui lui avait permis de comprendre que le dragon était innocent. La même question s'imposait pour le monstre : comment aurait-il pu empaler un si petit enfant sans endommager les murs alors même qu'il lacérait les arbres sur son passage dans la forêt ?
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Le Cimetière des Chats
FantasiLaurasia a quitté le désert pour se lancer sur la piste des dragons. Après un épouvantable voyage en mer, elle découvre le continent et sa nature discrète avec curiosité, avant de débarquer dans une ville touristique étonnamment délabrée : Le cimeti...