21 - HOMINEM TE ESSE MEMENTO

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- Alice ! Alice !

Bill et Guénolé montèrent les escaliers quatre à quatre et franchirent la porte de la bibliothèque à la volée. Alice était lovée dans l'un des vieux fauteuils de la pièce et feuilletait un livre contenant des images obscènes. Elle leva le nez, un peu surprise et agacée par leur arrivée fracassante dans sa sphère personnelle, puis elle les dévisagea tous les deux, curieuse d'entendre leur justification.

- Il faut que tu partes, vite ! Trépigna Bill, terriblement inquiet.

- Hein, pourquoi ? S'étonna Alice.

Guénolé, toujours un peu en retrait à côté de Bill, osa s'avancer.

- Ils vont venir te chercher ! Dit-il, sincèrement concerné par la situation.

Alice, perdue, ferma son livre sur ses genoux et leur accorda toute son attention.

- Qui ça « ils » ? Qu'est-ce qui vous prends tous les deux ?

Les deux garçons échangèrent un regard entendu, puis Bill prit sa voix la plus sérieuse.

- On revient de la place. Le détective dont je t'ai parlé l'autre fois, il est arrivé, et...

- Il est terrifiant, s'emporta soudain Guénolé. Il est piercé sur tout le visage, c'est forcément un anarchiste*.

Alice leva les yeux au ciel, et Bill le coupa d'un geste pour poursuivre son récit le plus posément possible.

- C'est vrai qu'il n'a pas l'air amical mais ce n'est pas ça qui me fait peur, continua-t-il. On n'a pas vraiment vu ce qu'il fabriquait avec le monstre parce qu'ils sont restés un moment sous la tente, lui et la femme qui l'accompagnait...

- Elle aussi elle est terrifiante, commenta Guénolé.

- ... Mais quand il en est sorti avec l'officier « Gros Pif » il avait l'air très en colère. Du coup, on s'est approché.

- Vous avez-vu ce qu'ils trafiquaient sous la tente ? L'interrompit Alice.

- Non, dit Guénolé. Mais quand Gros Pif est sorti, il a vomi.

- On était cachés assez près pour entendre leur conversation, et je ne sais pas comment il a su mais le détective lui a posé des questions sur toi, et sur Laurasia.

Pour la première fois depuis le début de leur conversation, Alice sembla intéressée. Elle laissa Bill continuer.

- Je ne suis pas sûr, mais je crois qu'il soupçonne Laurasia pour le meurtre du petit garçon. Et il sait qu'elle a été en contact avec toi, il va venir te poser des questions, tu dois t'enfuir !

Sur cette conclusion, Alice le fixa avec des yeux ahuris. Un silence s'installa pendant de longues secondes. Bill et Guénolé se concertèrent de nouveau d'un regard, étonnés par l'absence de réaction de leur bienfaitrice. Finalement, quand elle se décida à prendre la parole, ce ne fut pas pour prononcer les mots attendus.

- Pourquoi faire ? Demanda-t-elle, presque amusée.

Bill adopta une posture exaspérée et l'enguirlanda comme un parent qui corrige son enfant.

- Mais parce qu'il va vouloir te faire parler ! Quelle question.

- Oui, et alors ? Qu'est-ce que tu veux qu'il me fasse ? 

Bill ne répondit pas tout de suite. Sa question ne manquait pas de bon sens, mais il trouva qu'elle prenait les choses un peu trop à la légère. Il voulut lui répondre mais elle l'en empêcha.

- S'il a des questions à me poser je vais lui répondre et c'est tout. Je n'ai rien à cacher, du coup je ne vois pas ce que je risque.

- Tu comptes balancer Laurasia ? S'offusqua Bill.

Le Cimetière des Chats Où les histoires vivent. Découvrez maintenant