V. Souvenirs perdus

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Vous savez la sensation quand vous écoutez une musique et qu'elle correspond parfaitement à votre histoire ? C'est le cas ici. J'ai halluciné quand j'ai écouté les paroles de la musique, ça dépeint parfaitement ce tome 2. J'espère que vous l'écouterez. 

***

Ma respiration était saccadée, mes pensées troublées et des larmes venues de nulle part faisaient petit à petit leur apparition. Un mélange de joie et de peur se frayait un chemin en moi et Dieu seul savait à quel point je ne pouvais rien contrôler en ce moment. 

Ma fourchette m'avait échappé des mains. Quand je disais que mon corps ne répondait plus à rien, je ne rigolais pas. Il n'a prononcé pas plus de dix mots et voilà dans quel état j'étais. Moi qui voulais le voir, je ne savais même plus si j'en étais capable. Ce que je ressentais en ce moment était indescriptible. 

Les papillons dans le ventre ? C'était carrément une tornade. 

Mais le plus douloureux restait ce que je ressentais dans mon cœur qui se fissurait un peu plus à chaque seconde. La porte de ma chambre étant toujours ouverte, je me taisais et essayais de me contrôler pour entendre leur conversation. 

Je veux encore l'entendre... 

Sa voix qui m'avait transpercé d'une force invisible, je voulais encore qu'elle parvienne à mes oreilles. 

— Oh, je vous en prie madame Cole, ma mère a fait ça de bon cœur, elle voulait venir vous les donner en personne, mais elle a reçu un appel urgent du bureau. Elle s'inquiétait vraiment pour Kalie. 

J'émis un petit hoquet de surprise. 

Kalie. 

Il avait prononcé mon prénom. 

Pendant un moment, un bref instant, je regrettais d'avoir conclu ce marché avec Leiw. Une seule envie était présente en moi ; dévaler les escaliers et le serrer dans mes bras. Mais ça...

C'est impossible. 

Un goût amer me resta dans la bouche. Le pacte, je l'avais fait pour lui, pour son bonheur. Et il l'a regagné. Il est enfin heureux. 

— Merci Jonathan, c'est tellement adorable de ta part. Malheureusement, Kalie est encore faible pour les visites, elle a vraiment besoin de repos. 

— Pas de soucis, madame Cole, souhaitez lui un bon rétablissement de ma part. 

— Je n'y manquerais pas !

Pour la première fois depuis longtemps, je pouvais enfin respirer. Une main posée sur mon cœur, je le serrais pour le faire taire. La douleur était supportable parce qu'au final, je n'avais pas fait tout ça pour rien. Jonathan n'aura plus à souffrir continuellement et de mon côté, j'allais enfin pouvoir mener une vie loin de Sydney, loin de lui et loin de qui que ce soit. 

A présent je fixais le plafond et expirais aussi fort que je le pouvais. Après les larmes, place à un léger sourire sur mes lèvres. La raison de ce dernier était simple, j'avais enfin réussi. D'un côté, je n'y croyais toujours pas. Et si tout était qu'un rêve ? Inquiète par cette pensée, je décidais de tout faire, me pincer, me gifler, regarder l'heure. Tout était normal. 

Malgré mon pacte qui était un franc succès, je n'arrivais pas à enlever cette part de moi qui voulait que tout ne soit qu'illusion. Même si je détestais l'admettre -je me sentais trop égoïste- le fait que Jonathan ne se souvienne plus de moi me rongeait de l'intérieur. Et le pire, c'est que ce n'était que le début. 

Je regardais pendant encore quelques minutes le plafond. Mes larmes perlaient déjà sur mes joues alors je fermais les yeux et le visualisais une dernière fois avant de l'oublier pour de bon. 

Adieu, Jonathan. 

Je repris ma fourchette et c'était toujours en pleurant que je mangeais mon plat qui soudainement n'avait plus aucune saveur. 

***

— Kalie, tu sais où est la télécommande ? 

— Aucune idée, criai-je. T'as regardé sous le canapé ? Papa l'a fait toujours tomber. 

Un silence puis ma mère émit un cri de victoire. 

— Enfin, je l'ai trouvé. 

Elle la posa sur la table basse en verre puis vint me rejoindre dans la cuisine. La déco n'avait absolument pas changé. A part quelques babioles, ma mère n'avait pas touché à la maison c'était un bon point, je me sentais beaucoup plus à l'aise. Déjà qu'un bordel pas possible se trouvait dans ma tête, alors s'il était dans ma maison, je serais vite perdue. Plus que maintenant, je veux dire. 

Cela faisait quatre jours depuis la dernière visite... surprise. Et donc, bientôt deux semaines que je suis en convalescence. Mon corps se portait beaucoup mieux, heureusement d'ailleurs, selon le Docteur Rodriguez l'accident aurait pu être pire, mais mon corps l'avait bien géré. Les rendez-vous avec mon médecin traitant et le docteur Rodriguez s'accumulaient, ils n'avaient toujours pas trouvé la raison de mon amnésie. Enfin, il se doutait que c'était dû au choc, mais les radios ne montraient pas quelque chose d'aussi grave. 

Toute cette histoire avait, bien sûr, inquiété mes parents. La pitié s'emparait de moi à chaque fois que je les voyais chercher une solution. La Kalie d'antan ne faisait plus partie de ce monde, et ça, est-ce qu'ils pouvaient le digérer ? 

Je ne voulais pas dramatiser la situation et puis avec du temps, j'étais sûre que j'allais m'y faire. Du temps, du courage et de la patience. Avec ça, je pouvais tenir debout. 

Je devais rester debout. 

Ironie du sort, j'étais assise sur une chaise dans la cuisine, ma mère étant encore aux fourneaux. Mon menton dans ma paume, je la regardais faire. Elle semblait si paisible, heureuse même si je savais qu'au fond un voile d'inquiétudes recouvrait ses pensées. 

— Et voilà pour la demoiselle ! 

Des pan-cakes, au moins elle savait cuisiner beaucoup plus qu'avant. Essayons de voir le positif dans toute cette histoire. Ma mère était beaucoup plus présente, enceinte et vivait un amour parfait avec mon père. 

Je me posais souvent la question si je méritais cette part de bonheur. Si ma famille, méritait ce qui nous arrivais maintenant. Et puis c'était en regardant la maison d'en face, que je me rassurais. 

Ma mère s'était assise en face de moi, l'album photos toujours ouvert. Oui, depuis ce matin, elle m'avait montré des photos de mon enfance qui étaient pratiquement identiques à ma vie d'avant. Cela m'avait énormément rassuré. Puis, plus elle avançait dans mon adolescence, plus il y avait des détails qui avaient changé, mais rien de troublant. 

Jusqu'à ce qu'on arriva aux photos datant de quelques mois, je n'avais aucuns souvenirs de toutes ces excursions familiales. On dirait que la promotion de mon père avait créé un vrai changement dans notre famille. 

Ma mère tourna les pages en espérant que je me souvienne des amis avec lesquels j'étais pendant les vacances. Rien à faire, je ne me souvenais ni de Thomas, ni de Natasha, ni de Carmen. De vrais inconnus. 

Alors que je dégustais mes pan-cakes, elle arriva à une page en me pointant un homme du doigt. Il était blond avec des yeux très bleus, plutôt grand mais assez maigrichon. Je n'y prêtais pas attention.

— Oui, c'est Ben, lançai-je. 

J'avais vraiment dit ça ? 

Ma mère écarquilla les yeux. 

Je tournai la tête lentement vers elle, puis elle se pressa de me poser la question fatidique : 

— Tu te souviens de Ben ?! 

C'était bien ça le problème, je ne l'avais jamais vu. 

Alors comment je pouvais me souvenir de son prénom ? 

Rends-moi mon corps ! TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant